• "La pizza froide, ça parait moins gras…" 
  • Le froid et l’amidon résistant
  • Une double dose de bonheur
  • Le cerveau aux manettes

Aujourd’hui, je fais tomber le masque : je suis de celles qui préfèrent – largement – la pizza froide. Froide, froide, comme après une nuit au réfrigérateur. Je vais même aller plus loin, je l’aime froide et au petit-déjeuner. Je préfère nettement commencer ma journée par une part de Reine de la veille, bien refroidie, que par un paquet de biscuits chocolatés qui sourient.

D’ailleurs, même à l’heure du déjeuner, j’ai du mal à me contenir quand le/la boulanger.e ose me demander tout sourire “je vous fais chauffer votre part de pizza ?”. Et puis quoi encore ! Pourquoi voulez-vous me gâcher tout le plaisir ? Tranchez mon pain, vendez-moi une chocolatine (nous ne rentrerons pas dans ce débat aujourd’hui…) mais ne touchez pas à ma pizza ! 

Partant du constat que cette préférence n’était pas celle de la majorité, vu que l’on sert les pizzas chaudes au restaurant, je me suis interrogée. Est-ce que je suis la seule sur cette planète à préférer les aliments froids ? Attention, je ne parle pas des aliments crus mais bien des aliments cuits puis refroidis, les aliments de la vieille qui ont fini de mijoter dans le réfrigérateur pour révéler leur pleine saveur le lendemain. Et plus important encore : est-ce que la température à laquelle on déguste ses plats a une incidence quelconque sur le métabolisme ? 

« La pizza froide, ça parait moins gras… »  

Afin de me lancer corps, ventre et âme, dans cette enquête j’ai donc décidé de commencer par un sondage Instagram. Rapidement, je me rends donc que je ne suis pas seule à apprécier les pizzas froides. À mesure que les réponses affluent, je découvre qu’il existe une communauté secrète, une multitude d’individus qui préfèrent manger leur Margherita à la sauce “glagla”.

L’argument qui revient souvent, la texture. “C’est plus compact, on s’en met moins partout”, affirme Mathieu. Même son de cloche chez Camille qui soutient que “ça se tient mieux, c’est plus épais, le fromage est un peu plus dur, je préfère”. Pour Caroline, ce ne serait pas non plus les mêmes sensations en bouche : “Ça parait moins gras. On sent moins l’huile, le fromage fondu… Psychologiquement, ça passe mieux !”.

Ce dernier témoignage soulève une nouvelle question : est-ce que par un quelconque miracle la pizza froide pourrait être moins riche en calories ? 

Aurélie Guerri, diététicienne et nutritionniste, éclaircit rapidement ce mystère. “En termes de calories, c’est exactement la même chose. La seule petite différence qu’il pourrait y avoir, c’est que lorsque l’on mange froid, le système digestif travaille un peu plus pour dégrader les nutriments en raison de la température corporelle. Le corps dépense donc plus d’énergie, mais de là à dire qu’il y a un effet “minceur”, je ne pense pas”. Dommage. 

Le froid et l’amidon résistant

Toutefois, l’experte en nutrition soulève d’autres points par rapport à la digestion de ma pizza froide. “Quand le plat est froid, on peut également être tenté de manger plus vite, ajoute l’experte. Il faut bien mastiquer pour ressentir la satiété », explique-t-elle, avant d’aborder un point qui pourrait être un tournant dans mon enquête. 

“Il existe un phénomène autour des aliments refroidis qui est de plus en plus documenté scientifiquement, il s’agit de l’amidon résistant. Lorsque l’on refroidit des aliments qui contiennent de l’amidon comme le riz, les pâtes, le boulgour ou encore les pommes de terre, l’amidon qui est un glucide complexe se transforme en amidon que l’on appelle “résistant”. Cela signifie qu’il ne va pas se décomposer en sucres et qu’il ne va pas être absorbé par l’intestin grêle. D’un point de vue diététique, il agit comme les fibres. Il permet d’éviter les pics de glycémie, il est très bénéfique pour la santé du côlon et aide à mieux contrôler son appétit. Pour que la transformation ait lieu, il faut que la cuisson soit al dente, rapide puis refroidie”

Une bonne nouvelle pour les anti-micro-ondes qui n’hésitent pas à faire refroidir leurs omelettes de pommes de terre et leur gratin dauphinois. 

Une double dose de bonheur

Mais au-delà de ces quelques bénéfices santé méconnus, la motivation principale lorsque l’on déguste un gratin dauphinois ou une pizza sans les réchauffer reste clairement le plaisir !

Serais-je dans le même état d’excitation face à des brocolis refroidis, en ouvrant la porte de mon réfrigérateur à 8h du matin ? Probablement pas.

D’abord parce que la pizza et les plats gras en général activent le système de récompense du cerveau, quelle que soit la température à laquelle ils sont consommés. “C’est presque transgressif, avoue Laura. On se dit que ça ne se fait pas de manger un tel aliment au petit-déjeuner alors on savoure cette pizza froide comme un bout de bonheur volé, c’est jouissif !”. De son côté, Marine raconte que c’est une façon de prolonger le plaisir : “C’est à la fois le souvenir et la joie. Le souvenir de la pizza chaude mangée la veille et la joie d’en manger encore au petit-déjeuner ».

Parfois, le souvenir remonte bien plus loin que le dernier dîner. Pour Arielle : “la pizza froide au petit-déjeuner, c’est les lendemains de fête, mes plus belles années de jeunesse ! ». Un plaisir régressif, comme pour Rodolphe qui se rappelle : “Mon père était militaire. À la caserne, les enfants ne pouvaient manger au buffet des “grands” qu’une fois que les adultes avaient fini, donc la pizza était toujours froide. Aujourd’hui, la pizza froide représente ma madeleine de Proust, un souvenir heureux que je déguste !”.

Le cerveau aux manettes 

Les adeptes ont beau être plus nombreux que prévu, force est de constater que manger de la pizza froide au petit-déjeuner n’est pas un choix classique. “Sans aller jusqu’à parler d’addiction, on est quand même dans un contexte 100% géré par le cerveau. C’est uniquement de la sensation, de l’envie, ce n’est pas un besoin. La pizza est un plat riche. Or, le foie a travaillé toute la nuit pour se purifier, il ne peut pas y avoir de demande aussi importante le matin pour réencrasser le foie, explique Claire Bernède, psychonutritionniste à Bordeaux. Et d’ajouter : “Après une nuit de sommeil, on sort de ce que l’on appelle “une petite mort”. Il y a obligatoirement un vide dans l’inconscient. La pizza, par rapport à ce qu’elle représente pour nous, va agir comme un remplissage mental. On a envie de sur-sécréter des neurohormones comme la sérotonine et autres dopamines pour se sentir bien et passer une bonne journée.”

Et pour la pizza froide de midi que je refuse de faire chauffer à la boulangerie ? “Là, il peut s’agir d’un vrai besoin physiologique. Le corps peut être en demande d’énergie après une matinée chargée, il sera donc naturellement attiré par quelque chose de consistant. Le fait de manger froid veut également dire que l’on va pouvoir manger tout de suite et donc combler ce besoin plus rapidement. Le besoin physiologique n’empêche pas d’être influencé par des envies inconscientes aussi mais ce n’est pas négatif. C’est pour se faire du bien et c’est normal de vouloir se faire du bien !”, conclut positivement Claire Bernède.

En voilà donc une bonne nouvelle : si l’impact de la température des aliments ingérés sur l’organisme n’est que très (trop?) peu documenté, il n’y a toutefois aucune contre-indications connue pour continuer à dévorer nos plats bien froids. Si ce n’est le regard en coin de celles et ceux qui ne font pas partie du sérail. 

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