La Grande Sophie est auteure, compositrice, interprète et photographe. En neuf albums, elle a su envoyer du courage à son public et des chansons écrites comme des photos pour nous raconter les affres de la vie.
Vendredi 13 janvier 2023, elle sort un nouvel album : La vie moderne. Un album folk, pop avec toujours cette touche de chanson française. Elle débutera une tournée au mois de mars prochain.
franceinfo : Vos chansons parlent de vos émotions, de ce que vous ressentez, du temps qui passe et donc des souvenirs. Que faire de nos souvenirs ? C’est ce que vous abordez dans la chanson Les montagnes de souvenirs, quelle place occupent-ils dans votre vie ?
La Grande Sophie : J’ai eu tendance à les laisser de côté, à vouloir toujours avancer et regarder devant. Et puis il y a eu cette crise du Covid où on a tous eu beaucoup de temps pour se replonger dans nos photos, par exemple. Du coup, j’ai regardé un petit peu les miennes, j’ai eu envie de les tirer. C’est vrai que ces souvenirs font revivre des moments joyeux, des moments tristes, j’ai donc eu envie de me retourner, mais pour mieux avancer. C’est là où je place mon espoir, c’est-à-dire que tous ces souvenirs me donnent aussi une force.
Vous avez grandi à Port-de-Bouc, non loin de Marseille. Vous aviez deux ans quand vos parents ont décidé de s’installer là-bas. J’ai l’impression que vous avez toujours été rêveuse.
Oui, j’étais très tête en l’air, très distraite. Mais j’essaie d’utiliser tout ça pour en faire quelque chose parce que tous ces rêves me permettent d’écrire. Je rêve beaucoup et mon imaginaire est très développé. C’est pour ça que, dans la rue, j’aime bien, pas forcément mettre un casque pour écouter de la musique, mais je veux écouter les gens. Je veux écouter la vie, je veux entendre les oiseaux, je veux entendre les voitures qui passent. Tout ça, ça fait partie des choses qui me remettent les pieds sur terre aussi.
Parler de votre enfance est obligatoire quand on écoute cet album pour comprendre davantage pourquoi vous écrivez cela. Ce regard sur le monde, vous l’avez toujours eu, mais il y a aussi cette fragilité qui est en vous. S’est-elle exacerbée avec tout ce qui s’est passé entre la Covid et la pandémie ?
Je ne sais pas si elle s’est exacerbée, mais je suis quelqu’un qui a toujours voulu embellir la vie et essayer d’embellir celle des autres. J’aime bien. En fait, je suis celle qui écoute, à qui on se confie beaucoup. Et j’aime bien aussi donner de l’espoir aux gens. Je cherche à transmettre des émotions, plus que tout.
« Quand je pars en tournée, je dis que je vais porter des petits bonheurs parce que c’est ce que les gens, quand ils viennent me voir à la fin du concert, me disent toujours, que je leur ai donné la pêche, une émotion. »
à franceinfo
C’est dur d’écrire, de montrer ses failles, sa fragilité ? Parce que dans cet album, on plonge dans la fragilité. Par exemple avec la chanson Les au revoir qui est sublime et qui montre à quel point, par moments, vous êtes nostalgique, peut-être un petit peu mélancolique aussi.
Je m’en rends compte, quand on franchit un âge, les gens veulent vous mettre de côté et on se retrouve dans deux mondes différents. Ce monde qui accélère, ce monde virtuel avec les nouveaux outils et puis, j’ai envie de dire, l’ancien monde. Moi, je veux relier tout ça parce qu’il y a des choses bien dans les deux et qu’il ne faut pas séparer les mondes.
La vie moderne, c’est ça aussi, c’est le regard d’une femme qui a passé la cinquantaine. Comment vous vous sentez alors, aujourd’hui ?
Alors moi, je vais avoir un discours assez différent de ce qu’on peut lire souvent dans les magazines. Les actrices qui disent : « Ah, je n’ai jamais été aussi bien qu’à cinquante ans ! » Eh bien moi, je dis : non ! Moi, je trouve que ça a été une étape à franchir. Il faut accepter plein de choses et en même temps, c’est aussi une position. Cet album est ma position de, comme je le disais, faire ce grand écart entre deux mondes et dire : je suis là.
« Je trouve qu’à l’heure actuelle, il y a une révolution féminine. Mais elle sera d’autant plus grande quand on acceptera de voir une femme de 50 ans en chanson faire la couverture d’un magazine. Ça existe en littérature, ça existe au cinéma, c’est beaucoup plus rare dans la musique. »
à franceinfo
Dans la chanson Un roman, on se rend compte à quel point l’écriture est une sorte de moment de jouissance, où on lâche les chevaux. C’est un titre qui est très enjoué. Vous avez toujours eu beaucoup d’humour mais souvent il cache une certaine forme de tristesse.
Oui peut-être, vous avez certainement raison. Mon sourire a été un grand bouclier. Même dans mes premiers albums, j’avais tendance à tellement sourire que j’ai du mal, parfois, à me réécouter même dans mes premiers titres. C’est vrai que c’est une petite armure. Pour revenir à Un roman, comme je suis très impatiente dans la vie, c’est aussi m’amuser avec les mots, l’humour puisque j’ai beaucoup d’autodérision. Et puis, j’aime bien faire les choses en m’amusant. Ça a toujours été ma ligne de conduite.
Quand on écoute La vie moderne, on se rend compte aussi à quel point vous avez enfin pris conscience que vous étiez d’abord une chanteuse, c’est-à-dire que votre voix était vraiment en arrière-plan, puis, à un moment donné, il y a eu ce besoin de vous affirmer, de chanter. Là, on entend vraiment votre voix. Elle est posée, elle est assumée.
J’ai mis du temps à apprivoiser le studio. Venant de la scène, j’ai dû corriger des choses parce que venant des bars, je hurlais dans un micro les premières fois où je suis rentrée en studio. Et en m’écoutant, je me suis dit : ouh là, mais ce n’est pas joli ! Et j’ai la chance d’avoir une voix très solide et très large donc au fur et à mesure des années, je me suis dévoilée de plus en plus.
Pour terminer, que représente cet album ?
Il me représente à 100 %. Moi qui suis en train de faire un grand écart entre les deux époques dont je parlais, entre deux mondes, j’ai une grande souplesse, moi qui n’arrive même pas à toucher mes pieds, eh bien là, je fais le grand écart dans cet album et j’aime bien cette idée-là de pouvoir le faire dans ce sens-là.
La Grande Sophie sera en concert par exemple : le 10 mars 2023 à Enghien-les-Bains, le 11 à Deauville, le 23 à Montpellier, le 6 avril à Lille, le 12 à Paris etc.
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