La Seconde Guerre mondiale est de toute évidence un marqueur sombre de l’Histoire qui n’a pas son pareil. Au cœur de cette période de crise internationale, la mode subit elle aussi une mise au garde à vous. Les moyens manquent, les maisons de couture n’ont d’autres choix que de fermer leurs portes, et les tenues deviennent réglementées, mais le style fait de la résistance.
Ce temps de crise vestimentaire est déjoué par l’ingéniosité des « femmes de l’arrière » – on les désigne ainsi en opposition à celles et ceux appelés au front pendant la guerre – et des icônes de l’époque.
Dans les années 40 la mode survit, avant de connaître le boom du prêt-à-porter une décennie plus tard.
Le style des années 40
Si le rôle des femmes pendant la guerre mondiale est placé au second plan, la mode refuse de se faire muette.
Seulement, dans la France des années 40, les tenues sont réglementées. Suivant le dress code, la jupe droite à hauteur du genou est de rigueur tandis que le style évasé est à proscrire. Les vêtements se font courts, près du corps, et les « femmes de l’arrière » prennent du galon. Leur style s’inspire de plus en plus de la silhouette masculine comme la blouse aux épaules carrées, écho à l’uniforme des soldats. Pour ce qui est du code couleur, il se calque de toute évidence sur l’époque. Le kaki et le bleu marine du régiment du même nom sont forcement inspirés des forces armées.
Au quotidien, les femmes restées « à l’arrière » payent les frais de la pénurie. Leur ticket de rationnement en main, elles font la queue jusque dans les rues pour se ravitailler en biens. Le choix est cornélien, ce sera du pain ou des vêtements. Seuls les chapeaux échappent à la censure du régime et font l’objet d’une riche création comme le prouve la Maison Michel qui voit le jour à ce moment-là. S’habiller devient un « acte de résistance« face à l’invasion allemande, témoigne Christian Lacroix.
Avec la hausse des prix, et le manque de matières premières comme le coton, la laine et la soie, les femmes comprennent qu’elles doivent faire preuve d’inventivité. Dans cette période austère elles peuvent compter sur les magazines féminins de l’époque, dont le Marie Claire, qui leur soufflent une solution salvatrice : le DIY. Autrement dit, pour avoir du style l’unique mot d’ordre est la débrouille, et pour ça, la fin justifie les moyens. Les femmes iront jusqu’à se teindre les jambes avec du thé pour imiter la soie, à se dessiner des bas au crayon noir, ou encore à confectionner leurs vêtements avec des rideaux.
Bien qu’étant soumises aux restrictions de la guerre, les années 40 sont loin d’être une parenthèse dans l’histoire de la mode. Elles représentent ce moment de l’Histoire où les esprits ont dû ruser pour s’habiller, et les créateurs se dépasser pour confectionner.
La guerre a provoqué un étrange phénomène dans la société du XXème siècle : on n’a rien, mais on veut faire comme si on avait accès à tout. Le message est clair : quand la vie vous donne des citrons, faites en de la limonade.
Les icônes des années 40
Les icônes de l’époque se chargent du divertissement. Le cinéma, le théâtre et la chanson deviennent des échappatoires, une vitrine de rêve et d’espoir en période de guerre où optimisme et romantisme sont portés disparus.
Ces années-là, le cinéma se passionne pour les femmes fatales, et l’étoile d’Hollywood s’appelle Rita Hayworth. La scène du strip-tease dans le film « Gilda » lui vaut une réputation sensuelle et glamour. On la surnomme la « déesse de l’amour » pour son côté pin-up et sa chevelure un temps blonde, un temps rousse. Veronica Lake, à qui on doit la coiffure « one shoulder » et Lana Turner dans « Le facteur sonne toujours deux fois » prennent la lumière à Hollywood alors que l’époque est au film noir.
S’il y a bien une autre actrice emblématique des années 40, c’est Katharine Hepburn alias « Miss Kate ». Elle n’a aucun lien de parenté avec Audrey Hepburn, mais elles ont toutes les deux marqué la mode de leur temps. Quand d’autres icônes hollywoodiennes portaient des robes et affirmaient leur féminité, Katharine Hepburn, elle, portait des pantalons masculins et assumait son style androgyne. Elle est l’image de la femme indépendante, et anticonformisme de la période.
En 40, on est à la recherche d’un certain retour au naturel. Dans l’esthétisme, les femmes décident de ne plus raser leurs sourcils et optent plutôt pour un look naturel et angulaire à la Lauren Baccall. Si on fait un bond en arrière dans les années 30, la mode était au sourcil rasé, remplacé par un trait noir ultra-expressif pour imiter les meneuses de revue à l’instar de Joséphine Baker. L’américaine est d’ailleurs une partisane de la France libre, pour qui elle s’engage en 1940.
En 1947, Edith Piaf dans son habit préféré, la petite robe noire, interprète son titre légendaire « La Vie En Rose ». Deux ans après la Libération, « La Môme » chante la vie et redonne des couleurs à la France, et au-delà de ses frontières.
La mode dans les années 40
Les pièces phares des années 40
« We Can Do It » disait l’iconique affiche. Dans ce temps de guerre où tous les efforts sont nécessaires, les femmes aussi ont retroussé les manches. Comprise dans l’uniforme portée à l’usine ou en tenue de ville, la chemise à épaules carrées est sur tous les fronts. C’est sans aucun doute la pièce emblématique des années 40 ! Son allure masculine est cassée par des manches courtes qui dévoilent le bras. Elle se porte glissée dans son bas, et toutes ne l’accompagnent pas nécessairement d’un bandana à pois, comme celui que porte Rosie la riveteuse, l’héroïne de J. Howard Miller sur la célèbre affiche de propagande américaine…
Dans les années 40, le placard des femmes regorge de robes cintrées. On parle de robes mi-longues qui enveloppent la taille naturellement ou à l’aide d’une ceinture. Summum du féminin.
La jupe crayon aussi fait partie des pièces fétiches de l’époque. Elle est droite, taille haute et arrive à mi-genoux. La jupe crayon se fait le témoin de deux choses : le code vestimentaire stricte de l’époque, et la volonté des femmes de rester chic en toutes circonstances.
Côté accessoires, le turban était une pièce favorite de la haute bourgeoisie des années 40. Les femmes de classe supérieure portent ce modèle entre le chapeau et le bandeau – elles ont le goût d’assortir leur turban à des gants longs – alors que la classe ouvrière reste tête nue. Cette énième trouvaille que l’on doit au système D est d’inspiration orientale. Il est fabriqué avec des rubans ou des chutes de rideaux, et nous vient du commerce du coton avec les Indes.
Autre accessoire de tête prisé à l’époque, le canotier, introduit au début du XXème siècle. Ce chapeau de paille rigide orné d’un ruban tient son nom du canotage*. Il a été revisité et féminisé par Coco Chanel dans les années 40, puis glamourisé par Rita Hayworth qui en est la digne ambassadrice.
C’est également à cette époque que le sac bandoulière voit le jour. Ingénieuse création, il accompagne tous les déplacements à bicyclette, et n’en est pas moins distingué. Alternant praticité et tendance, deux critères non négligeables, le crossbody est l’un de nos outils mode préféré, et un incontournable de la maroquinerie.
Et qu’en est-il des souliers ? Les Françaises portent les chaussures à semelles en bois. Ceci n’est pas une démonstration de style. Les Allemands ont demandé aux Français de leur livrer 6 millions de paires de chaussures. Le cuir étant réservé aux militaires, les Françaises fabriquent et adoptent la semelle en bois. Elles sont rigides, lourdes, et il est presque impraticables ! « Elles arrivent de la forêt, les chaussures de l’armistice »annonçait le magazine Marie Claire. Aujourd’hui, on loue leur je-ne-sais-quoi de folklore ! On les retrouve le plus souvent dans le rayon sabots et mules. La chaussure à semelles en bois se décline facilement avec un jean flare pour un look façon Jane Birkin, totalement anachronique.
*Canotage : un bateau de plaisance.
La mode dans les années 40
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