• L’autobiographie du prince Harry, intitulée Le Suppléant en français sort ce mardi en librairie.
  • A cette occasion, le duc de Sussex a accordé deux interviews exclusives à CBS et ITV News ce dimanche. Des interviews dans lesquels il s’en prend durement à sa famille, respectivement diffusées en France ce lundi à 19h45 sur M6 et à 23h10 sur TF1.
  • Le prince Harry a-t-il adopté le bon plan de com ? La réponse des experts.

Un nouveau pavé dans la mare de la monarchie britannique ! Après son interview explosive avec Oprah Winfrey en 2021, une série documentaire sur Netflix en 2022, le prince Harry a décidé de publier ses mémoires, un ouvrage intitulé Spare en version originale, Le Suppléant en français, traduit en 16 langues, attendu en librairies ce mardi.

Pour promouvoir et défendre son livre depuis la Californie où il s’est exilé en 2020 avec son épouse Meghan, le duc de Sussex a accordé deux interviews télévisées exclusives à la chaîne britannique ITV News et au groupe de télévision américain CBS, diffusées ce dimanche.

L’interview donnée à la chaîne américaine CBS dimanche sera diffusée en France ce lundi lors d’une édition spéciale du « 19.45 » présentée par Xavier de Moulins, celle accordée à la télévision britannique sera quant à elle retransmise ce lundi à 23h10 sur TF1.

L’autobiographie du prince Harry – second fils du roi Charles III, cinquième dans l’ordre de succession – fait déjà les gros titres de la presse britannique, même si les libraires espagnols, qui ont mis en rayon « par erreur » Le Suppléant dès le 5 janvier, ont un peu bousculé le plan de communication savamment orchestré du prince Harry.

Pourquoi s’exposer ainsi trois ans après avoir pris ses distances avec la monarchie britannique ? A quoi servent ces revenge interviews ? Est-ce la bonne stratégie en matière de communication ? L’analyse des experts en communication.

Une opération de promotion réussie

« Après 38 ans à voir mon histoire racontée par tant de personnes avec des déformations et des manipulations intentionnelles, cela m’a semblé le bon moment de me réapproprier mon histoire et de la raconter moi-même », a expliqué le prince Harry dimanche soir sur la chaîne britannique ITV.

Au-delà de ces considérations personnelles, le prince Harry applique une « stratégie médiatique qui se développe en plusieurs phases », constate Virginie Spies, maîtresse de conférences à l’université d’Avignon, sémiologue et analyste des médias et de la presse people.

Le prince Harry a-t-il raison de se livrer à ce grand déballage ? « Tout dépend de son objectif initial. Ces interviews arrivent juste avant la parution de son livre. Il y a la volonté commerciale d’agiter les médias et faire le buzz. Si son objectif est de promouvoir la sortie de son livre, c’est une réussite », estime Gwendal Cosson, dirigeant et consultant communication multimédia Agence Média.

Il y a surtout beaucoup d’argent en jeu : entre 20 et 25 millions de dollars d’avance pour le livre, 100 millions pour le contrat avec Netflix. « Le couple Sussex tente de devenir une marque », explique Virginie Spies.

Le prince Harry fustigé par les Britanniques

Rivalité avec son frère William, rapports difficiles avec Camilla, mort de sa mère Diana, etc. « En lâchant ce type de bombes, il y aura un écho sur d’autres médias et cela va faire polémique sur les réseaux sociaux. C’est le bon moment pour avoir une belle fenêtre de visibilité pour son livre », estime Gwendal Cosson. « Le prince Harry a des propos assez durs par rapport à sa famille. C’est peut-être une erreur, l’avenir nous le dira », considère Virginie Spies.

Au lieu de rallier les Britanniques à sa cause, les critiques du couple Sussex contre les abus de la famille royale alimentent surtout leur antipathie, démontrent les sondages menés dans le pays. « Forcément, quand on engage une telle campagne de communication, il faut s’attendre aussi à avoir des retombées négatives comme des critiques », analyse Gwendal Cosson.

Selon l’enquête de YouGov réalisée pour le journal conservateur The Times, 44 % des Britanniques voudraient désormais voir Harry définitivement déchu de ses titres (32 % pensant le contraire). Et selon ce même sondage, 23 % des personnes interrogées outre-Manche ont déclaré avoir une moins bonne image des deux tourtereaux depuis la sortie de la série documentaire sur Netflix, seuls 7 % ont déclaré penser l’inverse. Le duc et la duchesse de Sussex ne récoltent désormais plus que 17 % d’avis favorables au sein du public britannique, contre 44 % pour Kate et William.

Alors que les Britanniques subissent de plein fouet l’inflation, le prince Harry qui se positionne comme victime et évoque ses souffrances, ça ne passe pas crème. « Il reste extrêmement privilégié. Son comportement vexe et pose un problème aux Anglais », constate Virginie Spies.

« A partir du moment où il a quitté le territoire britannique, il aurait dû arrêter les polémiques et faire profil bas. Ce n’est pas le choix qui a été fait. Quand on quitte un pays et qu’on le critique de l’extérieur, on devient de facto un adversaire. On prend un risque. S’il avait mené le combat en Grande-Bretagne, de l’intérieur, cela aurait été différent. Il s’est marginalisé », décrypte Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication, cofondateur et CEO de l’agence de conseil en communication des dirigeants MCBG Conseil.

L’enfant terrible de la monarchie britannique

Face aux attaques de son frère, le prince William, silencieux, s’inscrit dans la tradition du never complain, never explain (« ne jamais se plaindre, ne jamais s’expliquer »), dans la lignée de sa grand-mère la reine Elizabeth II et de son père, le roi Charles III. Les interviews du prince Harry rappellent l’interview choc de sa mère Lady Diana, accordée à la BBC le 20 novembre 1995. « Il utilise même des éléments de langage de sa maman en expliquant qu’il a “souffert de sa condition”. Il joue le côté rebelle. C’est comme si chacun avait pris un côté de la parentalité », note Virginie Spies.

« On a un affrontement entre les deux frères, entre la pièce de rechange et l’héritier. Le poids médiatique l’emporte sur la hiérarchie monarchique », remarque Philippe Moreau-Chevrolet. « Le prince William respecte les règles de la couronne, avec des communiqués de presse un peu institutionnels, le prince Harry utilise les médias comme le faisait sa mère Lady Diana », note Gwendal Cosson.

« Le prince William va être roi, il est resté en Grande-Bretagne et incarne l’institution, l’autre demeure un marginal, un trublion. Les Britanniques ont encore une conception assez conservatrice, du coup, le comportement de Harry ne peut que choquer », renchérit Philippe Moreau-Chevrolet.

Une monarchie pas si menacée

Après les révélations de son autobiographie et la diffusion des deux interviews ce dimanche, les tabloïds britanniques se lâchent et virent anti-Sussex. « Il est en mission pour détruire sa famille », juge Russell Myers, « correspondant royal » au Daily Mirror. « Diana aurait été horrifiée », attaque le Daily Mail. Dans les colonnes du très sérieux Guardian, la biographe du roi Charles III, Catherine Mayer, estime que les propos du prince pourraient « marquer le début de la fin de la monarchie ».

Il s’agit d’une crise familiale, et non pas d’une crise constitutionnelle. « La couronne d’Angleterre en a vu d’autres ! Ce qui est nouveau, c’est que le retentissement est encore plus rapide qu’avant », considère Virginie Spies.

Preuve que la couronne britannique a encore du soft power sous le coude : « Elle est au cœur de tous les discours médiatiques au Royaume-uni et dans le monde entier, c’est un sujet gossip parmi les gossips qui intéresse énormément de monde », rappelle la chercheuse.

Le prince Harry ne peut donc pas se permettre de déboulonner complètement l’institution. « Si le prince Harry a la volonté d’exister médiatiquement sur le long terme, il a tout intérêt à ce que la couronne garde son aura au Royaume-Uni. Si la couronne s’effondre, il y perd aussi », souligne Gwendal Cosson.

Le prince Harry a cependant mis à mal la stratégie de communication globale des Windsors. « Cela ressemble à tout ce que la monarchie britannique fuit depuis une vingtaine d’années. Ils ont professionnalisé leur démarche avec une centralisation, un maximum de contrôle et là, cela leur échappe complètement », observe Philippe Moreau-Chevrolet. Une petite victoire pour Harry dans ce remake en mode soap de Game of Thrones. 

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