« Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort. » Mohammad Moradi, un étudiant Iranien en histoire et résidant à Lyon avec son épouse depuis 2019 s’est suicidée lundi 26 décembre 2022 dans le Rhône, près de Perrache, informe le média régional Le Progrès.

Avant de se noyer, l’homme de 38 ans publiait deux vidéos Instagram dans lesquelles il expliquait son acte : « Je décide de me suicider dans le fleuve Rhône, c’est comme un challenge pour montrer que nous, peuple iranien, nous sommes très, très fatigués de cette situation. » Son objectif était d’alerter sur le sort de son pays où un vent de révolte des femmes iraniennes est durement réprimé par les autorités.

Depuis le 16 décembre 2022, soit depuis le jour où Mahsa Amini est décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs car ses cheveux dépassaient de son voile, les Iraniens et Iraniennes manifestent. La jeune femme est devenue l’un des symboles de la colère du pays face à l’obscurantisme et l’oppression des chefs religieux islamistes.

Le choix désespéré de Mohammad Moradi

D’après Le Progrès, c’est aux alentours de 18h30 que « des passants ont vu un homme qui s’apprêtait à se jeter à l’eau et ont tenté, en vain, de le dissuader ». Plus d’une demi-heure de recherches après, les plongeurs des pompiers ont retrouvé son corps « bloqué dans l’eau par des branches ».

Donnez de l’attention sur notre pays.

Malgré plusieurs tentatives de réanimation, son décès a été prononcé sur les lieux de la noyade. Si le parquet de Lyon a indiqué, à l‘Agence-France Presse (l’AFP) qu’une enquête était en cours « afin de vérifier l’hypothèse d’un suicide au vu notamment des messages postés par l’intéressé sur les réseaux sociaux annonçant son intention », un rassemblement en hommage au disparu a été organisé.

Un acte réfléchi et engagé

Sur son compte Instagram, le défunt a publié deux vidéos longues de trois minutes chacune. L’une en persan et l’autre en français. Dans la seconde, le trentenaire résume la situation de son pays et appelle les autres pays à agir : « Le gouvernement islamiste essaye de dicter toutes les choses dans le crâne des gens (…) La police attaque les gens très violemment [en Iran], malheureusement on a perdu beaucoup de fils et de filles, adolescents, même des enfants, donc on doit faire quelque chose. »

Si l’homme qui se positionne comme un martyr précise que mourir est sa décision et que ce n’est pas « triste », il laisse un message important : « On a besoin d’aide donc s’il vous plait donnez de l’attention sur notre pays l’Iran ils sont seuls [les Iraniens]. »

Cette vidéo est légendée par le hashtag #femme_vie_liberté, le slogan devenu symbole de la révolution des femmes, et celle en persan précise que c’est une vidéo « suicide pour faire connaître cette révolution au monde ».

Mardi 27 décembre, sur les lieux du drame devant le pont Gallieni, une quarantaine de personnes ont déposé des bougies, des bouquets de roses ainsi que des photos de l’Iranien, rapportait l’AFP. Des discours et des chants ont aussi été entendus en son honneur.

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Au moins 100 Iraniens arrêtés depuis le début de la révolution

Timothée Amini, porte-parole de 3000 membres de la communauté iranienne de Lyon s’est exprimé auprès de La Dépêche. Selon ses mots, le coeur de Mohammad « battait pour l’Iran » et l’homme « ne supportait plus ce régime ».

L’homme engagé a aussi déclaré, amer, que la voix des Iraniens n’était pas « propagée » par les médias occidentaux : « On a droit tous les matins à l’Ukraine, mais l’Iran on n’en entend parler que très peu. C’est difficile à vivre pour nous, Iraniens de la diaspora. »

Selon un article de Iran Human Rights (IHR) – une ONG basée à Oslo (Norvège) – publié le 27 décembre 2022, au total 476 manifestants ont été tués et 100 militants risquent d’être tuées. L’organisation précise que « le nombre réel serait beaucoup plus élevé ». 

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