Chantal Goya chante depuis plus de quatre décennies pour les petits et les grands. Les petits de ses débuts sont devenus parents et même grands-parents. Et malgré ses 80 printemps, rien ne l’arrête. Elle continue de monter sur scène, d’être plébiscité, applaudie, adulée, demandée. En octobre 2022, une BD est sortie sur elle, sur sa vie, sa carrière, L’intrépide Chantal Goya aux éditions du Signe. L’occasion de revenir sur les moments emblématiques de sa carrière à travers deux épisodes inédits.
franceinfo : Vous êtes actuellement sur scène en train d’interpréter le spectacle : Sur la route enchantée. Elle représente quoi cette scène pour vous ?
Chantal Goya : Elle représente toute ma vie puisque ma vie, c’est d’être sur scène, finalement. Je n’ai pas beaucoup de temps à me consacrer et à consacrer aux amis, c’est vrai.
« C’est une merveilleuse vie parce que finalement, ce miracle dont je ne voulais pas au départ est arrivé. La rencontre avec un public. Ce sont eux qui m’ont faite, ce sont eux qui m’ont demandé de venir, alors je les ai écoutés. »
à franceinfo
Vous rêviez à quoi enfant ? Parce que vous avez une vie très loin de la France, en Indochine où vous êtes née.
Oui. Maman m’a eue très jeune, à 17 ans. Mon père avait dix ans de plus. Il était parti là-bas parce que mon grand-père avait des plantations de caoutchouc d’hévéas, des actions dans ces plantations et donc il l’y avait envoyé pour s’en occuper, être directeur d’une plantation. Ils ont rencontré ma mère. Ma famille est très spéciale puisque ma mère est née en Martinique et à trois mois, elle est partie au Vietnam avec ses parents parce que mon grand-père était un grand chercheur. Il était un élève de Pierre et Marie Curie et a installé tout le centre de cancérologie à Phnom Penh au Cambodge et puis après, ça a été Saïgon.
Vous quittez l’Indochine avec votre famille en 1946, au début du conflit d’Indépendance. Vous allez vous installer tout d’abord dans les Vosges et puis vous allez étudier en Angleterre. Vous rencontrez Jean-Jacques Debout, et cela marque un tournant dans votre vie, dans votre façon de voir le monde ?
Complètement, parce que moi, j’étais partie en Angleterre pour être journaliste au départ et j’étais revenue en France pour un mariage. Et là, ma meilleure amie me dit : « Regarde, il y a tellement de gens connus ! » Mais moi je ne connaissais personne, je connaissais que les chanteurs anglais. Puis finalement, j’en ai vu un qui s’est mis au piano, qui avait un pull marin et qui m’a regardée, et tout d’un coup, il a traversé tout le salon. Je me suis dit : qu’est-ce qu’il veut, maintenant, celui-là, ce n’est pas possible ! Et il s’assied à côté de moi et me dit : « Moi, j’ai l’impression de vous connaître depuis toujours. On se mariera, on aura deux enfants. Vous serez célèbre à 30 ans, et vous chanterez à l’opéra« . Je réponds : comme dragueur ! Chanter à l’opéra, ce n’est pas possible, je n’ai pas la voix de Maria Callas, pas de voix du tout ! Par contre, si vous pouviez me raccompagner, ce serait bien parce que prendre le métro à minuit, ça ne m’amuse pas trop. Et il m’a raccompagné, m’a demandé mon téléphone. J’en ai donné un faux, ça commençait bien.
Et la rencontre, elle s’est faite un jour aux Champs-Elysées. Jean-Jacques sortait d’un film. Et tout d’un coup, il y a eu comme un coup de foudre. Il m’a dit : « J’ai pensé à vous tout le temps, vous m’avez tellement manqué. J’ai écrit une chanson : Nos doigts se sont croisés, pour vous, pour la chanter à la Rose d’or.
« Notre rencontre avec Jean-Jacques s’est passée d’une manière très bizarre, comme dans les films. Je l’ai suivi et on ne s’est plus jamais quittés. »
à franceinfo
De là, vont naître votre fils et vos premières chansons.
Oui, tout est arrivé en même temps ! Tout est lié.
Il va y avoir un titre qui va vraiment faire définitivement basculer votre vie du côté de la lumière, c’est Adieu les jolis foulards, on est en 1976. Puis il y a eu Voulez-vous danser grand-mère ? qui fait aussi partie de la mémoire collective.
Je me souviens, j’étais à Paris, au Palais des Congrès, je chantais et pof, il pleuvait et ma voix s’est enrouée. Alors la seule solution, c’était de partir dans le Midi. Comme Jean-Jacques avait plein de copains, il appelle Jacques Loussier et ce dernier lui dit : « Moi, j’ai une grande propriété au Val à Brignoles. J’ai un studio formidable où viennent tous les plus gros artistes américains. Je me consacre à Chantal l’été, parce que là, elle aura une belle voix« . Je pars l’été là-bas, on loue une maison et je fais tous mes albums, chez Patrice Quef et Jacques Loussier. Ça s’est passé d’une manière familiale, mêlant famille et des petits chanteurs d’Aix-en-Provence qui me faisaient : « Ce matin un ‘lapingue' ». Je disais : non, ce n’est pas possible, il faudrait que ça soit un peu plus droit : « Ce matin, un lapin ! » On a fait deux mois de studio comme ça non-stop. C’était un amusement. Plutôt que de traîner à faire du jardin, j’avais un nouvel amusement, c’était de chanter avec tous ces gosses et nous produisions nous-mêmes nos spectacles et nos disques.
Elle représente quoi cette chanson, Un lapin ?
Tous les mômes du village étaient partis un dimanche, comme d’habitude, dans la forêt. Et puis je vois des chasseurs qui arrivent chez moi et là, ils me disent : « Écoutez, on ne peut plus rentrer à Paris, les pneus sont dégonflés. On a vu des gosses qui ont trafiqués nos pneus« . Je me suis dit que ça commençait bien ! Je leur ai dit : venez à la maison, on va boire un coup, j’ai du saucisson et du bon vin. Mon mari est là. Allez, venez-vous expliquer à la maison. Et Jean-Jacques les voit arriver, ils étaient une dizaine et les enfants arrivent derrière. Et ils crient : « Oui, on en a marre que les chasseurs tuent les lapins ! Si les lapins avaient des mousquetons, on vous tirerait dessus ! » Et Jean-Jacques, au piano, fait : « Ce matin, un lapin » devant les chasseurs et les gosses : « na na na na na » avec les gestes. Ça s’est terminé avec un bon coup de vin rouge et puis du saucisson. Et puis voilà que je me suis dit : il vaut mieux leur offrir le vin rouge et le saucisson que de remplacer les pneus !
Chantal Goya sera Sur la route enchantée, par exemple, le 7 janvier 2023 à Lille, le 14 à Strasbourg, le 22 à Plougastel, le 29 à Toulouse, le 11 février au Havre, le 25 à Marseille etc.
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