Cette star incendiaire au corps vénusien embrasa Hollywood et les hommes. Pourtant, derrière sa vie ardente de passions brûlantes se cachent de nombreux drames. Elle aurait eu 100 ans cette année…

“Elle m’a apporté reconnaissance, richesse, et tout ce que j’aurais pu souhaiter, mais pour le reste, elle m’a tout refusé. » C’est avec ces mots qu’Ava Gardner dresse le bilan de sa vie, tragique mais lucide, dans ses Mémoires. Incarnation de la femme fatale, sulfureuse et libre, celle qui fut surnommée « le plus bel animal du monde » aimait les hommes plus que le cinéma, dont elle marqua l’histoire et qui lui offrit de beaux rôles de femmes venimeuses et sensuelles. Une vie de déesse peuplée de monstres sacrés et de têtes brûlées, de bitures ineffables, d’amours enflammées et d’une poignée de chefs-d’œuvre. Légende de la grande époque de Hollywood, elle préfère l’Europe à l’Amérique, la corrida aux hamburgers et la vraie vie aux reflets fantasmés qu’offre le septième art.

Fille des champs

Ses yeux verts s’ouvrent pour la première fois le 24 décembre 1922 à Grabtown, en Caroline du Nord, aux États-Unis. Ava Lavinia Gardner est la benjamine d’une brassée de filles. Une enfant de Noël, comme cette « Sissi » impératrice d’Autriche qu’elle incarnera en 1968 dans une nouvelle version de Mayerling. Ses parents sont des exploitants de plantations de tabac. Son père meurt quand elle a 16 ans. Elle veut devenir secrétaire, suit des cours de sténodactylo.

À 17 ans, elle arrive à New York chez sa sœur aînée, épouse d’un photographe professionnel. Un employé de la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), le studio star, la repère. Ébloui par sa beauté, il lui fait passer un bout d’essai. Elle attire la lumière et la caresse de la caméra avec sa souplesse féline et son allure de gitane, malgré un accent sudiste à couper au couteau et des manières de garçon de ferme. Elle signe un contrat de sept ans avec la MGM, mais se contente d’abord de séries de photos de pin-up et de petits rôles dans des films mineurs. Après des cours d’art dramatique et de diction pour apprendre à poser sa voix, elle met les hommes à ses pieds, puis les cinéastes, et affole les foules. Avec Les Tueurs (1946), adapté d’une nouvelle d’Hemingway, où elle donne la réplique à Burt Lancaster, émerge son personnage de vamp et de scandaleuse.

Femme fatale à la ville et à la scène

Les années 50 la consacrent. Partenaire de Gregory Peck dans Les Neiges du Kilimandjaro (1952) et de Clark Gable dans Mogambo (1953), fantaisie africaine avec Grace Kelly, la comédienne est Guenièvre dans Les Chevaliers de la Table ronde (1953) puis, surtout, La Comtesse aux pieds nus de Joseph L. Mankiewicz, en 1954. Sous les fastes d’une moderne Cendrillon qui ne trouve pas pantoufle à son pied, ce film achève de la hisser sur le pavois du glamour hollywoodien. La Comtesse aux pieds nus est même encensé par la critique française, Claude Chabrol et François Truffaut. Rebelle au star-system, Ava n’accepte des rôles que pour entretenir son train de vie dispendieux. La MGM lui inflige une suspension de contrat pour avoir refusé un rôle dans Les Pièges de la passion.

Elle s’installe en Espagne en plein régime franquiste. Le choc entre le glamour en technicolor et le quotidien en noir et blanc d’une Espagne opprimée. Après deux années d’interruption de carrière, elle fait son retour dans la superproduction La Croisée des destins (1956). Au seuil élancé des années 60, elle tourne moins (Les Cinquante-Cinq Jours de Pékin, Sept jours en mai, La Nuit de l’iguane).

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Pour qui sonne le glam

Jusqu’au début des années 80, elle fait montre d’éclectisme avec les films historiques La Bible en 1966, Mayerling en 1968, le western Juge et Hors-la-loi en 1972 ou encore le film catastrophe Tremblement de terre en 1974. Ava termine sa carrière sur petit écran et devient l’amante de la solitude. Celle qui a défrayé la chronique et qui tint coûte que coûte à assumer sa liberté termine sa vie à Londres, sombrant de plus en plus dans l’alcool. En 1986, la Marilyn brune tombe gravement malade et succombe à une pneumonie, le 25 janvier 1990.

Une croqueuse d’hommes !

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Objet de désir, incarnation de l’hypersexualité, Ava Gardner fit tourner la tête de nombreux hommes : Mickey Rooney, un acteur de la MGM qu’elle épouse en 1942. Le mariage ne dure que seize mois. Un obsédé qui « sautait sur tout ce qui bougeait », dira-t-elle. Elle flirte ensuite avec l’homme d’affaires Howard Hughes, puis fond pour le clarinettiste jazz Artie Shaw, qu’elle épouse en 1945. Mais l’idylle tourne court : le mari est un fanfaron et rabaisse constamment celle qu’il dit être « belle mais bête comme une oie ». À 25 ans, elle craque pour l’idole de sa jeunesse, Clark Gable, 46 ans. L’idylle est encore éphémère. Quatre ans plus tard, elle tombe dans les bras de Robert Mitchum, puis de son grand amour, Frank Sinatra, qu’elle épouse en 1951. Une passion destructrice entre crises de jalousie, tentatives de suicide et avortements (deux fois), alors que l’acteur-crooner est encore marié à Nancy Barbato. La presse s’empare de la romance. Le couple fait l’objet d’une campagne d’intimidation des prêtres catholiques. Ava devient la « briseuse de ménages ». Elle s’exile en Espagne où elle succombe au charme du torero Luis Miguel Dominguín.

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Des tragédies hors champ

Avec Ava Gardner, ce qui se passe hors champ dépasse la fiction. Alors qu’elle est divorcée de Frank Sinatra en 1957, Howard Hughes la courtise de nouveau, mais l’homme est violent. Il la frappe, lui disloque la mâchoire. Elle lui fracasse le crâne avec un cendrier. « Il y avait du sang sur les murs, sur les meubles – du vrai sang dans un Bloody Mary », racontera-t-elle. Sa rencontre en 1964 avec George C. Scott sur le tournage du film La Bible est tout aussi violente. « Nous buvions tous les deux beaucoup, mais moi, l’alcool me rendait généralement heureuse et conciliante. George, quand il était ivre, pouvait devenir fou furieux sur un mode tout à fait terrifiant », expliquera-t-elle.

Dominique PARRAVANO 

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