À peine sortie du tournage d’un biopic sur Jean Seberg, Kristen Stewart sera bientôt à l’affiche de « Charlie’s Angels ». De passage à Paris, l’actrice et égérie Chanel prend la pose et nous parle cinéma, empowerment et beauté.

De la saga « Twilight », dans laquelle elle s’est fait connaître à 18 ans, jusqu’aux films d’Olivier Assayas, sans oublier « Café Society », de Woody Allen, Kristen Stewart, 29 ans, a montré qu’elle maîtrisait comme personne l’art de slalomer entre productions à gros budget et films d’auteur. Son actualité n’échappe pas à la règle. Dans le nouveau « Charlie’s Angels », elle multiplie les scènes d’action sous les traits de Sabrina, la plus drôle des trois anges. Ce qui ne l’empêchera pas, d’ici à quelques mois, d’incarner le personnage tragique de Jean Seberg dans le biopic que lui consacre Benedict Andrews. Dans l’immédiat, toute menue dans son sweat-shirt à capuche, mais le regard intense sous le maquillage charbonneux qu’elle a adopté pour la séance photos, elle se prête au jeu de l’interview, concentrée.

ELLE. Vous avez incarné un vampire dans « Twilight », une beatnik dans « Sur la route »… Qui êtes-vous dans cette nouvelle mouture de « Charlie’s Angels » ?

KRISTEN STEWART. Je joue Sabrina, qui est un peu la grande soeur boulet des deux autres. Elle ne fait pas forcément tout dans les règles de l’art, mais elle fait le job et, surtout, c’est quelqu’un de passionnément loyal. Il y a beaucoup de rôles qui vous donnent l’occasion d’aller déterrer des aspects profondément enfouis de votre personnalité. Pour celui-ci, la meilleure chose à faire était plutôt de jouer sur ce que nous sommes vraiment. C’est ce qui donne au spectateur la sensation d’une proximité. Sabrina est très intègre. Elle est un peu empotée, mais elle mettrait sans hésiter sa vie en danger pour quelqu’un d’autre. Je n’ai pas de mal à m’identifier à ça.

ELLE. Le trio que forment les trois anges est très soudé. Cette sororité fait écho aux questions d’empowerment féminin qui occupent le devant de la scène ces derniers mois.

K.S. L’objectif du film est en effet de montrer qu’on est plus fortes à plusieurs. Vous remarquerez que les anges n’obéissent à personne, elles font partie d’une agence qui a des antennes dans le monde entier, et dont toute femme peut, potentiellement, faire partie. Les anges n’ont pas de super-pouvoirs, mais elles sont solidaires et surtout… nombreuses. C’est la puissance par le nombre, en fait. Dans ce contexte, les attributs traditionnels de la féminité ne sont qu’un outil parmi d’autres. À un moment, mon personnage dit, en substance : refuser de jouer la séduction vous rend totalement invisible, ce qui, dans mon domaine, peut être bien pratique. Tout est dit.

« Je préfère surprendre, interpeller, voire choquer, plutôt que faire la démonstration que je suis une grande actrice. » Kristen Stewart

ELLE. Tous vos rôles semblent avoir un lien avec une forme de rébellion. Vous avez ça en vous ?

K.S. Il y a chez moi quelque chose d’insoumis. Certains acteurs aiment soi-disant les rôles de composition, mais les personnages qu’on construit comme ça ne sont pas vrais. Je ne suis pas en train de dire que je suis moi-même dans tous mes rôles, mais je ne joue jamais que des variations de choses que j’ai vraiment ressenties. Sinon, c’est bidon. Ce que j’aime, c’est de voir un acteur partir à la découverte de lui-même, pas inventer de bout en bout un personnage pour en présenter la version la plus aboutie. Je préfère surprendre, interpeller, voire choquer, plutôt que faire la démonstration que je suis une grande actrice.

ELLE. Vous avez été le visage du parfum Gabrielle de Chanel et avez prêté vos traits à plusieurs collections de maquillage pour la maison. Quel sens donnez-vous à la beauté dans votre quête d’authenticité ?

K.S. Se maquiller, ce n’est pas forcément dissimuler. Pour certains, c’est une manière de se conformer à des diktats. Mais, pour d’autres, qui traversent l’existence autrement, c’est un jeu. Ou une façon de traduire à l’extérieur leur état d’esprit intérieur. Pourquoi s’en priver ? Il y a, dans l’espace d’une vie, mille et une façons de se découvrir, de se redécouvrir. Le make-up fait partie des moyens à notre disposition : il ouvre les possibilités. Tout est entre nos mains. En revanche, on ne doit jamais se sentir obligé de quoi que ce soit. Quand je porte du make-up, je ne me sens jamais déguisée : pour moi, c’est une nouvelle version de moi-même, un peu comme dans mon travail d’actrice.

ELLE. Malgré votre image de rebelle, vous ne vous sentez donc pas au-dessus des questions de maquillage et de coiffure ?






© Fournis par ELLE
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Kristen Stewart © PA Photos/ABACA

K.S. Mais pas du tout ! Je ne suis au-dessus de rien et je n’en ai pas du tout rien à faire de ce que les gens pensent ! J’aime croire que mon travail et les relations que j’entretiens sont, au contraire, des tentatives pour abolir les distances. Ce dont je n’ai rien à faire, c’est des gens qui pensent qu’être beau ou belle, c’est ceci et pas cela, et qu’il y a des règles à suivre. La beauté est un concept mouvant. Et, quitte à enfoncer des portes ouvertes, la seule règle est qu’il n’y en a pas. On a parfois la sensation, surtout aux États-Unis, que tout est à vendre. Ça gâche tout. Je déteste avoir le sentiment d’être prise pour une marchandise. Et je ne me maquille certainement pas pour plaire. Mais je suis quelqu’un de très visuel, et j’adore jouer avec l’esthétique.

ELLE. Continuons donc sur la beauté, alors. On vous a vue aussi bien les cheveux longs que le crâne rasé, les yeux très maquillés que le visage nu. Comment vous préférez-vous ?

K.S. Ce que je n’aime pas, c’est la demi-mesure et l’entre-deux. Ce qui est tiède, ce qui ressemble à une tentative pour rentrer dans la case « jolie », je déteste. Quand j’avais les cheveux longs, ça me faisait comme une sorte de rideau sur le visage. En coupant, je me suis sentie très exposée, mais j’ai adoré. Un jour, j’ai lu cette phrase : « Elle laissait son visage être. » C’est tellement rare, les gens qui laissent juste « leur visage être ». Pour le make-up, j’aime le noir, le blanc et ce qui est métallisé, tout ce qui change en fonction de la lumière. Après, il faut faire avec ce qu’on a. J’ai des cernes très pigmentés, c’est génétique et c’est comme ça. Je ne vais pas passer mes journées à me peindre le visage, si ? De toute façon, quand on fait un truc qui ne nous ressemble pas, ça se voit. C’est comme pour un rôle. Mais, au quotidien, j’aime le liner noir par exemple, parce que ça souligne sous mes yeux des zones d’ombre qui, du coup, paraissent comme faites exprès.

ELLE. Est-ce que vous vous maquilleriez si vous n’étiez pas actrice ?

K.S. Probablement, mais je ne m’amuserais pas autant. J’ai eu la chance de côtoyer très jeune des gens créatifs qui m’ont montré que la mode, la beauté, toutes ces choses supposément superficielles, peuvent vraiment être un moyen de se trouver.

« Charlie’s Angels », d’Elizabeth Banks. En salle le 25 décembre.

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