Elle fut sacrée lauréate du prix Nobel alternatif de Littérature en 2018. Cette année-là, le prix officiel n’avait pas été remis à la suite d’un scandale de harcèlement sexuel et de viols dans l’entourage de l’Académie.

Un jury parallèle suédois a alors décidé d’attribuer le prix à Maryse Condé, longtemps pressentie par l’Académie officielle – la grande autrice guadeloupéenne, figure de l’engagement, est née en même temps que Marie Claire, il y a 85 ans. Elle se raconte pour nous humblement, entre sororité, amour infini et terreurs enfantines.

Souvenirs d’enfance de Maryse Condé

Marie Claire : Quel est votre plus ancien souvenir ?  

Maryse Condé : Je me souviens m’être éveillée brusquement une nuit de décembre. C’était habituel chez moi parce que mes sommeils d’enfant étaient peuplés de cauchemars. Généralement, lorsque ça m’arrivait, je me réfugiais dans la chambre voisine qui était celle de mes parents.

Mais cette nuit-là, elle était vide : toute ma famille était partie à la messe de minuit sans que je le sache. J’ai alors éprouvé une terreur telle que je ne l’ai jamais oubliée.

 Je pense que la vie est déjà épuisante et qu’après, on connaîtra le repos.

Enfant, quels étaient vos rêves ?

Je rêvais des livres que je lisais. Un qui m’avait particulièrement frappé était Les chaussons rouges d’Hans Christian Andersen.

Qu’est-ce que vous ne ferez jamais ?

Je ne trahirai jamais une amie.

Que ferez-vous toujours ?

Je m’occuperai toujours des enfants de mes filles car j’adore les bébés.

Le grand âge : sérénité, indifférence, fardeau ?

Fardeau !

Les passions s’éloignent-elles avec l’âge ?

Oui, heureusement. Car les passions sont causes de troubles et de souffrances.

Avez-vous l’impression de mieux connaitre celle que vous êtes, ou est-ce l’éternelle énigme ?

C’est l’éternelle énigme.

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Maryse Condé, respectueuse et altruiste

Comment vous décririez-vous ?

Comme une femme qui respecte les autres et essaie de comprendre leurs différences.

Quand avez-vous été la plus heureuse dans votre existence ?

Quand je travaillais à Columbia University, à New York, car j’avais l’impression de faire œuvre utile et, en même temps, je n’étais pas éloignée de ma passion qui est l’écriture.

Mon mari reste mon compagnon constant pendant les bons et mauvais moments.

De quoi êtes-vous la plus fière ?

D’avoir survécu jusqu’à 85 ans.

Êtes-vous toujours amoureuse ?

De mon mari, oui ! Il reste mon compagnon constant pendant les bons et mauvais moments.

Qu’est-ce qui vous met en joie dans notre époque ?

La voix des femmes est enfin écoutée.

La vie, c’était mieux avant ou moins bien, voire pire ?

C’était mieux car j’ajoute à la réalité mes souvenirs personnels où j’étais active et en bonne santé.

Croyez-vous en quelque chose après la vie ?

Je pense que la vie est déjà épuisante et qu’après, on connaîtra le repos.

Quel souvenir aimeriez-vous laisser ?

J’aimerais qu’on lise mes livres !

Son dernier roman paru : L’Évangile du nouveau monde, Éd. Buchet Chastel.

Cette interview a été initialement publiée dans le magazine Marie Claire numéro 844 daté janvier 2023. 

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