Delphine Gardey propose une relecture de l’histoire de la recherche scientifique autour du clitoris. Elle pointe la dimension politique de son invisibilisation.

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« Les connaissances savantes à propos du corps des femmes sont des questions politiques et l’ont toujours été. C’est-à-dire qu’absence de connaissances, c’est manque de capacité d’agir.« 

Delphine Gardey est historienne et sociologue, spécialiste des théories féministes ainsi que de la place des femmes, notamment dans l’histoire des sciences et dans la société en général.

Dans son ouvrage Politique du clitoris, sorti en 2019 aux éditions Textuel, elle étudie l’histoire du clitoris à travers les siècle et sa dimension politique. En effet, la chercheuse estime que l’invisibilisation de cet organe du plaisir par la science a été influencée par les enjeux sociaux et politiques. Sa lecture de l’histoire démontre que les connaissances sur le clitoris ont été malmenées afin d’empêcher les femmes de se connaître et de s’émanciper.

Invisibilisation du clitoris dans l’histoire de la science

Les premières traces de la découverte du clitoris datent du 16ᵉ siècle. « On a les premières dissections en anatomie« , expose Delphine Gardey. À cette époque, le rapport entre féminin et masculin se définit comme analogique (qui se ressemblent en étant différent). Le pénis est considéré tel une matrice et le clitoris dérange.

Au 17ᵉ siècle, la communauté scientifique estime que l’organe génital féminin est un organe masculin qui ne s’est pas développé jusqu’au bout. Mais alors, « si on considère que le clitoris est un petit pénis et que des femmes s’en servent pour pénétrer d’autres femmes, alors ça veut dire qu’elles prennent la place des hommes« , explique Delphine Gardey. Et cette place que les femmes pourraient prendre dans l’intimité risque de faire bouger la répartition genrée « de la famille, de la société, dans l’ordre juridique, dans l’ordre politique. », continue la sociologue.

Au siècle suivant, au 19ᵉ, la période se caractérise par une répression des femmes et de leur corps. Toute la société est obsédée par la question de la masturbation. « Il faut éviter à tout prix que les femmes connaissent leurs organes, touchent leurs organes génitaux et sexuels, que les femmes se masturbent. » Et cette répression psychique, matérielle et physique s’accompagne de mutilation : « il y a des excisions en Europe jusqu’en 1920 environ« , souligne l’historienne.

Le 20ᵉ siècle est marqué par l’apparition de la pensée de Freud qui forge une excision psychique. Bien qu’il affirme que le droit à une vie sexuelle est nécessaire – créant ainsi un moment libératoire – il définit le clitoris comme une sexualité infantile. Pour lui, les femmes matures doivent aller vers une sexualité vaginale. Ainsi, celui qu’on considère comme le père de la psychanalyse moderne pousse les femmes à oublier leur clitoris.

La redécouverte de l’organe du plaisir

Un demi-siècle après Freud, la révolution sexuelle a lieu et, à partir des années 1970, l’histoire voit se développer un mouvement émancipatoire pour les femmes. L’orgasme féminin devient légitime et, en parallèle, les femmes s’approprient leur corps grâce à des groupes de paroles ou des mouvements de santé de femme. « Les femmes apprennent à connaître les façons dont elles peuvent avoir ou se donner du plaisir.« , mentionne Delphine Gardey

Il faut attendre la toute fin du 20ᵉ siècle, en 1998, pour voir la première description compète du clitoris : « À la différence de ce qu’on imaginait, le clitoris n’est pas, comme on l’a toujours défini, une simple fente avec quelques lèvres et une petite protubérance extérieure, mais qu’il a une partie interne, volumineuse, complexe qui est reliée à cette partie externe.« , indique la chercheuse. Une discordance qui remet en question la représentation de la sexualité féminine. Puis, en 2016, la première impression 3D du clitoris est réalisée par Odille Fillod, qui se base sur le travail des médecins afin de le modéliser. Une production qui permet d’éduquer plus facilement les enfants grâce à un objet physique.

Enfin, en 2022, des scientifiques ont compté avec exactitude le nombre de fibres nerveuses dans cette zone érogène : 10 000 nerfs ! C’est 20% de plus que les estimations précédentes !

Alors ne perdons pas de temps et allons profiter de cet organe merveilleux.

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