- "On peut former de nouvelles associations"
- Un apprentissage qui reste très limité
- Un sommeil fragilisé par des tentatives d’apprentissage
- Préférer la consolidation des souvenirs à l’apprentissage des savoirs
- Apprendre en dormant quand apprendre en éveil est impossible
Et si l’un de nos rêves d’enfant était en fait une réalité ?
Récemment, un véritable marché autour de l’optimisation du sommeil s’est développé, via des formations payantes. Ces dernières sont vendues comme détenant les méthodes infaillibles pour faire travailler notre cerveau alors que nous nous trouvons dans les bras de Morphée. Ainsi, on pourrait s’imprégner de savoirs et même apprendre une langue, tout en se reposant.
Mais alors, est-il réellement possible d’apprendre en dormant ? Thomas Andrillon, chargé de recherche INSERM à l’Institut du Cerveau et auteur d’une étude, publiée en août 2017 dans la revue Nature Communications, traitant de « l’apprentissage lors des phases de sommeil », nous répond.
« On peut former de nouvelles associations »
Partout sur internet, on peut lire qu’il est possible d’apprendre en dormant. Preuve à l’appui : l’étude initiée par le chargé de recherche à l’Institut du Cerveau argue que des “épisodes toniques de sommeil paradoxal favorisent l’apprentissage de nouvelles informations d’une manière comparable à l’éveil”.
Bien que Thomas Andrillon se veut désormais plus nuancé, il confirme la possibilité d’apprendre en dormant : « plusieurs études ont montré que des individus sans troubles du sommeil pouvaient apprendre pendant qu’ils dormaient. On peut effectivement former de nouvelles associations”, détaille-t-il.
En effet, dans le cadre de leur étude, le chercheur et son équipe ont “joué des échantillons de bruit acoustique à des auditeurs humains endormis”, et ont noté “une amélioration des performances comportementales au réveil”. Les participant.es avaient appris grâce à des informations sensorielles reçues pendant qu’ils dormaient, mais uniquement lors des phases de sommeil léger et paradoxal.
Un apprentissage qui reste très limité
Ainsi, “si on veut apprendre en dormant, il faut cibler les stades de sommeil, comme la sieste par exemple”, suggère Thomas Andrillon, tout en démystifiant l’idée de l’apprentissage miraculeux. Car, cette capacité à assimiler de nouveaux savoirs endormi.e « n’est pas faisable à la maison ou à grande échelle” et présente de nombreuses limites.
Les résultats de l’étude, qui semblaient encourageants, sont à tempérer. Lorsque l’on s’intéresse de plus près aux types de notions apprises pendant le sommeil, ces enseignements “se trouvent être assez simples (comme des sons), implicites (le dormeur ne s’en rappelle pas réellement), ou faibles (il n’y a pas de robustesse du souvenir)”, détaille le scientifique.
Alors que le sommeil a aussi une fonction d’oubli de souvenirs non-pertinents lors de sa phase profonde, l’apprentissage en dormant se révèle très limité : “apprendre le japonais en dormant, par exemple, est possible mais présente des effets très faibles. De plus, cela ne marche pas à chaque fois et chez tout le monde. Et on sera très en dessous de nos performances à l’éveil”.
Un sommeil fragilisé par des tentatives d’apprentissage
De plus, solliciter son cerveau pour apprendre, alors qu’il est censé récupérer, peut avoir de réelles conséquences sur la santé.
« Quand on apprend en dormant, on perturbe le sommeil du dormeur en apportant des informations, auditives par exemple, et il y a un risque de le réveiller ou de diminuer sa qualité de sommeil”, alerte le chercheur.
En effet, le sommeil agit directement sur notre mémoire et nos fonctions physiologiques : “il nettoie le cerveau des déchets accumulés par les cellules pendant la journée et joue aussi un rôle dans le développement cérébral chez les enfants et adolescents. Il agit également comme un protecteur face au vieillissement précoce et sert au maintien d’un équilibre émotionnel”.
Pour Thomas Andrillon, le jeu n’en vaut pas la chandelle : “en essayant d’améliorer l’apprentissage, on peut détériorer d’autres fonctions importantes”, prévient-il.
Préférer la consolidation des souvenirs à l’apprentissage des savoirs
Ainsi, le chercheur recommande plutôt de « laisser le cerveau s’activer à son travail de nettoyage cellulaires », mais aussi à ses fonctions essentielles liées aux souvenirs.
“Il y a un renforcement de la mémoire pendant le sommeil. On consolide les éléments appris pendant la journée. Les souvenirs importants, émotionnels par exemple, sont ré-enregistrés de manière préférentielle, mais on peut agir dessus depuis l’extérieur, en favorisant la consolidation de certains souvenirs plutôt que d’autres », précise-t-il.
Concrètement, en associant un son à une tâche de mémoire (comme retenir la position des pions sur un jeu de dames), et en rejouant ces sons la nuit, on peut réactiver les souvenirs associés. “C’est intéressant car cela se fait sans réveiller le participant, avec des taux de performances notables et reproductibles d’un individu à l’autre”.
Apprendre en dormant quand apprendre en éveil est impossible
Alors que selon Thomas Andrillon, il est beaucoup plus intéressant d’apprendre lorsque notre cerveau lors de l’éveil, l’apprentissage et la “manipulation de la mémoire” pendant le sommeil peuvent s’avérer intéressants dans certains cas rares et précis.
En effet, il rapporte une expérience démontrant qu’en associant une odeur de cigarette à une mauvaise odeur (comme un œuf ou du poisson pourri), les participant.es exposés fumaient moins la journée que le groupe non-exposé. Notons que la même manipulation, lorsqu’ils étaient réveillés, ne fonctionnait pas.
“Le seul intérêt de l’apprentissage pendant le sommeil est d’en user pour ce qui ne fonctionne pas pendant l’éveil, comme avec l’exemple de l’arrêt de la cigarette. C’est la seule excuse pour perturber le sommeil. Le sommeil est un processus essentiel pour la santé et il est déjà assez perturbé par la vie moderne, qui tente de nous rendre actif toujours plus longtemps », termine le scientifique.
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