Claude Lelouch est réalisateur, producteur, scénariste et cadreur. En résumé, il aime toucher à tout et même un peu tout maîtriser. Sa filmographie montre l’étendue de son amour incommensurable pour le cinéma, avec à la clé un Oscar du meilleur film étranger pour : Un homme et une femme. Impossible de ne pas citer : Le voyou, L’aventure, c’est l’aventure, Les uns et les autres, Itinéraire d’un enfant gâté parmi plus de 50 films. Claude Lelouch a fêté ses 85 ans en octobre dernier et pour cette occasion, un anniversaire événement aura lieu au Palais des Congrès à Paris, le lundi 14 novembre 2022. Un spectacle symphonique avec 80 musiciens du Philharmonique de Prague dirigé par Vahan Mardirossian.

franceinfo : 85 ans et toujours cette envie de tourner, de filmer, de raconter des histoires ?

Claude Lelouch : Oui. Tout simplement parce que je suis curieux. J’ai très vite compris que la vie était une course d’emmerdements au pays des merveilles et ce mélange me plait beaucoup. En plus, là maintenant, je me rapproche de la ligne d’arrivée, de la grande ligne d’arrivée, donc les heures sont devenues des années et j’ai envie de faire de plus en plus de choses. Je n’étais pas fait pour aller en vacances.

Dans les images qu’on va pouvoir voir au cours de ce ciné-concert que vous avez méticuleusement choisies, des images cultes. On découvre Jean-Louis Trintignant, Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura, Jacques Brel, Aldo Maccione, Yves Montand, Annie Girardot, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell. La majorité a disparu. Quel regard vous avez sur la mort, justement ?

D’abord, j’avais envie de leur rendre hommage. Ils me manquent beaucoup, tous. Donc j’ai envie de faire la fête avec eux. J’avais envie de fêter ses 85 printemps. Pour l’instant, j’ai eu la chance de passer à travers les gouttes. On va faire une soirée de fous, de dingues. Il y a tous ceux qui ne sont plus là et puis il y a tous ceux qui sont encore là, qui seront peut-être sur scène aussi. Il va y avoir eu un nombre incroyable de surprises.

J’ai envie que tous les gens qui aiment la vie, le cinéma et qui croient que le meilleur est à venir soient à ce ciné-concert anniversaire pour qu’on fasse un grand hommage à tous ces acteurs disparus et puis à la vie.

à franceinfo

J’aurais aimé appeler tous mes films, Merci la vie. J’ai donc envie qu’on s’amuse beaucoup à cette soirée et qu’on voit à quel point le cinéma est une forme d’éternité. Je veux dire que tous ces noms dont vous avez parlé, ils sont bien vivants. Là, d’un seul coup, j’ai fait un film avec le plus beau casting du monde.

Votre parcours est aussi une belle revanche sur la vie. Vous avez découvert le cinéma en vous cachant dans les salles obscures pour fuir la Gestapo. Votre père vous avez offert votre première caméra pour que vous puissiez filmer l’actualité. Cette caméra est devenue la prolongation de votre regard ?

Ce que je vois à travers ma caméra, c’est très différent de ce que je vois avec mes yeux. C’est un microscope qui me permet de voir l’invisible.

à franceinfo

C’est curieux de dire ça, mais le cinéma peut filmer l’invisible. Il peut filmer le présent et le présent, c’est la seule chose qui nous appartienne. Il n’a pas le temps de vieillir. Et puis le présent, il vous fait rêver. On peut rêver au présent et comme on ne meurt jamais d’une overdose de rêves, il faut en profiter. Donc, le cinéma a donné un sens à ma vie. La grande histoire d’amour de ma vie, c’est le cinéma. Je ne sais pas combien il me reste de films à faire, peut-être un ou deux et donc j’ai bien l’intention, avec ces deux derniers films, de faire la fête et de dire merci la vie !

Quand on évoque votre nom, on pense tout de suite à « Da ba da ba da« . Cette partition évoque quoi pour vous ?

Et bien ça évoque le soir où Francis Lai m’a fait écouter le thème pour la première fois. Et ce soir-là, il m’a fait écouter une dizaine de thèmes qui étaient tous magnifiques, très beaux et j’ai dit : mais écoute, ce n’est pas ça. Il nous faut un truc très simple pour que n’importe qui puisse le siffloter en deux secondes. Et il me fait écouter ça et je lui dis : écoute, ça y est, on l’a. On savait qu’on allait faire une chanson parce que j’avais besoin d’une chanson et comme on n’avait pas les paroles, on faisait : « Da ba da ba da Da ba da ba da » et quand on a trouvé les paroles on s’est dits qu’il fallait garder ça aussi.

Ce ciné-concert a été construit comme un film, simplement avec les plus grands artistes réunis. Je dis artistes parce qu’il y a tous les corps de métiers aussi, toutes les personnalités que vous avez faites travailler, même des métiers de l’ombre, souvent les plus grands étaient à vos côtés.

Même des opérateurs, les techniciens, tout ça. C’est formidable de voir dans un même film, tous les gens qu’on a cité car finalement j’ai le sentiment d’avoir fait qu’un seul film.

C’était obligatoire de souffler ses 85 bougies avec le public en tête-à-tête ?

À l’âge que j’ai, je ne sais pas ce qui m’attend. Les statistiques ne sont pas en ma faveur, la ligne d’arrivée se rapproche. Je me suis dit qu’on aurait pu attendre 90, mais est-ce que je vais les atteindre ? J’ai dit : faisons la fête, là, maintenant ! Et puis 8+5 =13 donc, c’est un bon chiffre.

À suivre, il y a une idée, c’est de peut-être faire une tournée en France.

Oui, parce que si effectivement les gens qui ont été au Palais des congrès s’amusent bien, on voudrait que tous les autres s’amusent aussi.

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