• La sénescence, ou l’armée des "cellules zombies" 
  • Tous égaux face au vieillissement ?
  • Comment ralentir le phénomène ?
  • Inverser le vieillissement, bientôt dans le champ des possibles ?

Jusqu’à peu, les notions de sénescence et de vieillissement étaient perçues comme des synonymes. « Le terme est apparu en biologie il y a une dizaine d’années et concrètement, quand on parle de sénescence, on parle en réalité du vieillissement des cellules, alors que le mot « vieillissement » désigne plutôt le vieillissement de l’organisme dans son ensemble », explique Xavier Ormancey, directeur Recherche et Développement de la marque Eau Thermale Avène. 

Une distinction qui aujourd’hui, fait partie du vocabulaire des marques de cosmétiques qui étudient la sénescence dans le but de retarder (voire même de stopper) le vieillissement de la peau. Ainsi, début 2022, Chanel dévoilait N°1, une gamme de soins spécialement conçue pour freiner l’entrée de nos cellules en sénescence. 

Une innovation qui a pu voir le jour grâce au programme de recherche sur la sénescence cutanée initié par Chanel depuis 2012 avec le professeur Johannes Grillari, spécialiste du vieillissement : « À cette époque, on commençait tout juste à entendre parler de travaux sur ce sujet dans le domaine médical et en lien avec des traitements de maladies liées à l’âge, explique Armelle Souraud, directrice de la communication scientifique internationale de la maison. On s’est alors dit que c’était intéressant de comprendre comment ces découvertes pouvaient nourrir un univers de la beauté et du vieillissement de la peau. »  

La sénescence, ou l’armée des « cellules zombies »  

Mais qu’est-ce que cela veut dire lorsqu’on parle d’entrée de nos cellules en sénescence ? Même si elles se renouvellent constamment, chacune de nos 37 000 milliards de cellules possède une durée de vie bien définie. Et au bout d’un certain nombre de renouvellements, elles finissent par se détruire et disparaître : c’est un processus naturel qui s’appelle l’apoptose. 

Sauf que certaines de nos cellules vont avoir une toute autre destinée, ce seront celles que l’on va appeler les cellules sénescentes, aussi surnommées « cellules zombies ».

« Une cellule sénescente est une cellule qui n’est plus en mesure de se détruire ou de se renouveler », note Armelle Souraud. Pas complètement mortes ni totalement vivantes, les cellules sénescentes vont ainsi stagner dans nos tissus, notre système immunitaire devenant avec l’âge moins performant pour les éliminer.  

Le problème ? En restant dans nos tissus, les cellules sénescentes vont libérer des molécules bioactives toxiques pour les autres cellules qui elles, sont encore parfaitement fonctionnelles. « C’est un phénomène assez vicieux, dans le sens où plus on a de ces cellules sénescentes, plus on va contaminer les autres cellules et plus on va limiter la capacité à les éliminer et à les renouveler », indique Xavier Ormancey.

Or, c’est justement cette accumulation de cellules sénescentes qui va générer de l’inflammation, source de la plupart des problèmes de vieillissement cutané : la formation de rides, ridules, taches brunes, le relâchement cutanée.

Tous égaux face au vieillissement ?

On le sait : le vieillissement est inéluctable. Mais sommes-nous tou.te.s concerné.e.s par la sénescence ? « Nous possédons tous un processus de sénescence, c’est lié au vieillissement naturel, au temps qui passe« , souligne Armelle Souraud. 

Et si jusqu’à 20 ans on ne retrouve que très peu de cellules sénescentes dans la peau (environ 1 %), passé 60 ans, ce pourcentage passe à environ 20 %. « C’est beaucoup et cela devient problématique, constate Xavier Ormancey, car comme expliqué précédemment, ces cellules sénescentes empêchent la formation de nouvelles cellules, génèrent de l’inflammation, provoquent la dégradation de certains tissus comme le collagène dermique et accélèrent le basculement des nouvelles cellules en cellules sénescentes ». 

Comment ralentir le phénomène ?

Première chose à faire si l’on souhaite freiner le processus de sénescence : prévenir l’apparition de cellules sénescentes. « Typiquement, cela veut dire limiter toutes les lésions cutanées, les dégâts cellulaires, se protéger des rayons UV, de la lumière bleue… Mais aussi veiller à avoir un bon apport en antioxydants, avoir une alimentation équilibrée avec des fibres et des vitamines », indique Xavier Ormancey. 

Des mesures à ne pas négliger selon Armelle Souraud « car l’on s’est rendu compte que notre mode de vie, tous ces facteurs extérieurs accéléraient cette entrée des cellules en sénescence ». 

Seconde action pour enrayer le phénomène : empêcher que les cellules sénescentes « contaminent » les cellules encore fonctionnelles. « Car même si l’on ne pourra jamais redescendre à 1 % de cellules sénescentes, l’idée c’est de plafonner leur niveau », précise Xavier Ormancey. Pour cela, l’expert recommande un bon apport en vitamine B3, une vitamine connue pour ses propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes. 

Ultime stratégie : réactiver le système immunitaire pour détruire les cellules sénescentes, c’est ce qu’on appelle la sénolyse. Pour agir sur cette étape, de nombreuses pistes sont à l’étude, notamment la création de médicaments dits sénolytiques, capables de cibler ces cellules sénescentes accumulées, de les éliminer et ainsi permettre à la peau de retrouver une nouvelle dynamique.

Mais en attendant, les scientifiques ont pu découvrir que certains polyphénols comme le thé ou le camélia rouge possédaient une action sénolytique naturelle. Le chercheur Jean-Marc Lemaitre, auteur de l’ouvrage Guérir le vieillissement (Éd. Humen Sciences), évoque également la quercétine, un antioxydant de la famille des flavonoïdes aux propriétés anti-inflammatoires, présent notamment dans les baies, l’ail et le raisin.  

Du côté des marques de cosmétiques, c’est une fraction de haritaki, une plante utilisée depuis des millénaires dans la médecine ayurvédique et qui favoriserait l’élimination des cellules sénescentes, qui est utilisé par Avène. Pour Chanel, c’est l’actif enzymatique de mélipone (un actif naturel issu du miel produit par les minuscules abeilles mélipones au Costa Rica) qui a démontré toute son efficacité. 

Inverser le vieillissement, bientôt dans le champ des possibles ? 

En avril dernier, des chercheurs du Babraham Institute à Cambridge étaient parvenus à rajeunir de 30 ans des cellules épidermiques. Une découverte majeure dans la recherche sur le vieillissement cellulaire. De là à imaginer qu’un jour on pourra inverser les effets du temps ?  

« L’idée n’est pas d’inverser le vieillissement, mais probablement de le figer dans une certaine limite et pendant un certain temps. En ce moment, de nouvelles molécules sont testées et on commence seulement à avoir des résultats », indique Xavier Ormancey. 

« On peut vraiment espérer des progrès significatifs plus durables d’ici quelques années, confirme de son côté Armelle Souraud. Notamment sur comment par exemple on reconnaît une cellule sénescente, qu’est-ce qui la caractérise, comment identifier ce phénomène de propagation… C’est en ayant une meilleure connaissance de la sénescence que l’on pourra inverser ce phénomène ». 

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