• Ancien champion des 12 coups de midi sur TF1, Paul El Kharrat a sorti son troisième ouvrage, Bienvenue dans mon monde aux éditions Harper Collins le 12 octobre 2022.
  • Diagnostiqué autiste Asperger à l’âge de 16 ans, il raconte à 20 Minutes vouloir utiliser la notoriété qu’il cultive en participant régulièrement aux Grosses têtes sur RTL, pour montrer aux Françaises et Français « qu’il y a d’autres normes qui sont aussi respectables que celles qui sont imposées par cette société ».
  • Pour la suite ? Paul El Kharrat confie vouloir tenter sa chance en tant que comédien : « Je suis conscient que rien n’arrive en un jour, il faut chuter, tomber pour arriver à quelque chose. »

À 23 ans, Paul El Kharrat est désormais l’auteur d’un troisième livre, Bienvenue dans mon monde, dans lequel il fait entrer le lecteur dans son intimité de personne atteinte d’autisme Asperger. L’ancien champion de l’émission de TF1 Les 12 coups de midi est aussi un chroniqueur régulier des Grosses têtes, sur RTL et a participé au jeu de stratégie Les Traîtres, sur M6. Fort de cette actualité et de ces apparitions médiatiques, il compte bien profiter de sa notoriété pour faire avancer la sensibilisation à l’autisme.

Au cours d’une longue discussion avec 20 Minutes, le jeune homme confie être parfois oppressé par le système médiatique où « la moitié des choses qui sont dites […] ne sont pas remises dans leur contexte, sont trafiquées ». Il confie ses doutes, ses ambitions mais aussi sa révolte, notamment au sujet du dérèglement climatique et de l’inaction de certains Français et Françaises.

Vous avez sorti votre 3ᵉ livre, vous qui aimez tant la littérature, c’est une fierté ?

Oui ! Chaque livre que je sors est une fierté personnelle car c’est un pas de plus vers ce domaine que je convoite, la littérature. Même si ce n’est pas du roman, plutôt de l’autobiographie, cet ouvrage est plus profond que mon premier livre. J’y dévoile ma vie, qui n’est pas une lumière qui éclaire le monde, et j’explique que je ne suis pas en permanence de bonne humeur, attachant, gentil, serviable… Parfois, je ne suis pas fréquentable, je peux même être irascible, virulent.

Se dévoiler n’est pas évident, tout comme parler de sa pathologie et ses troubles. C’est un peu un mode d’emploi à l’attention de neuro-typiques et des neuro-atypiques.

Pourquoi était-ce de faire plonger les lecteurs dans votre quotidien d’autiste Asperger ?

Ça peut être un tremplin à une meilleure compréhension de ce que je vis, de ma manière de penser, d’agir. Je souhaite que ce livre soit une sorte de petite bible pour mieux me cerner, me comprendre. J’avais envie de parler de moi jusque dans mes travers, de manière noire, sombre, tourmentée.

Vous vous êtes fait connaître en participant aux Douze coups de midi et vous dites avoir reçu un grand nombre de témoignages d’autres personnes autistes Asperger lors de votre participation…

Beaucoup d’individus se sont reconnus en moi et ont pu avoir un diagnostic grâce à mon passage dans l’émission. Qu’on reconnaisse un petit peu de moi chez chaque personne qui pourrait être porteuse d’autisme est déjà une victoire pour moi car beaucoup de personnes sont en errance diagnostique et en souffrent. Si ma présence à la radio, à la télévision, dans des interviews ou des conférences peut aider des personnes à comprendre de quoi ils souffrent, j’en suis ravi.

J’ai aussi des messages de familles qui ont vu dans mes performances à la télévision de l’espoir, en se disant que leur enfant allait pouvoir aussi réaliser un jour ses rêves. Cela me donne la sensation d’être un modèle et un parangon de bonne réussite et de vertu, c’est très agréable à entendre. Mais je ne suis pas un porte-drapeau, il y a tellement de formes différentes d’autisme.

Pourtant, vous racontez souffrir de l’étiquette qu’on a collé sur vous…

Forcément au début on est stigmatisé quand on dit être autiste. Il y a des gens mal intentionnés qui ne comprennent pas ce qu’est l’autisme. Dès qu’on en parle, on a tout de suite cette image fausse de quelqu’un de gravement atteint qui se tape la tête sur les murs. Dans notre époque, c’est très difficile de parler de cela sans être catalogué ou jugé parce que les gens ne sont pas toujours bienveillants, il faut donc veiller à ce que les choses soient bien claires et compréhensibles.

Malgré le fait que je sois présent aux yeux de tous et toutes depuis près de trois ans, je dois encore me dépatouiller avec des problèmes pour me faire comprendre comme je l’aimerais. Quand on dit qu’on est autiste, on a l’impression qu’on n’est que ça. Mais on est aussi plein d’autres choses. On peut sortir des clichés, j’en suis convaincu.

Aujourd’hui, vous êtes d’ailleurs chroniqueur et auteur. Petit, avez-vous un jour imaginé être la personnalité médiatique que vous êtes devenue ?

Jamais de la vie. Avant que je passe les sélections pour Les 12 coups de midi, je n’ai pas une seule seconde pensé faire un tel parcours. Je ne pensais même pas avoir les capacités de concentration suffisantes pour rester dans l’émission. J’avais la crainte que mon handicap me fasse défaut après une émission et là j’en ai fait des centaines. Ma résilience a été de toutes les épreuves ces trois dernières années et je pense que Boris Cyrulnik serait fier de moi (rires).

Vous parlez aujourd’hui de votre syndrome comme d’une force, on imagine que ça n’a pas toujours été le cas…

Sans mon syndrome, je ne serais plus moi. Je n’aurais pas les mêmes capacités cognitives et mnémotechniques. Je ne serai plus la personnalité qui vous parle actuellement.

On aurait pu penser que j’aurais été moins combatif, moins guerrier mais je suis un peu un révolté de la vie, je ne me laisse jamais faire. Je combats jusqu’à la fin les idéaux néfastes qui entourent un sujet comme les idées préconçues autour de l’autisme. Je sais que je suis en mesure de la tenir cette parole, je me bats chaque jour pour l’honorer comme il se doit !

La notoriété n’est pas quelque chose de difficile à gérer pour vous ?

Il y a forcément des difficultés inhérentes à cela. Quelquefois j’ai du mal à supporter les sollicitations et remarques intempestives qui me rendent parfois la vie dure. J’ai aussi le souhait de montrer que je suis en mesure de supporter le bruit ambiant, les lumières et le monde qui m’entoure. Et prendre du plaisir à répondre aux questions, à m’amuser, à plaisanter avec les autres sociétaires dans le cadre des Grosses têtes.

Vous êtes très critique avec l’appareil climatique. Le flux d’information continu est-il quelque chose qui vous oppresse ?

Certains sujets à la télévision ou à la radio ne méritent pas qu’on les aborde ou qu’on les commente, alors que d’autres sujets sont passés sous silence. On en arrive à avoir des commentaires sur le mariage de célébrités alors que certains autres sujets mériteraient d’être traités comme la situation en Afghanistan ou en Iran et ne sont même pas évoqués…

Quand je pense à tous ces sites qui n’attendent que le clic, l’abonnement, le buzz alors qu’on se fiche royalement des sujets qu’ils traitent… Ça me rend complètement fou !

La moitié des choses qui sont dites dans certains médias ne sont pas remises dans leur contexte, sont trafiquées. Quand je vois ça et qu’on a des injures et des invectives en commentaire, je m’interroge de savoir comment on en est arrivé là. Qu’il y ait des critiques sur la déforestation, la pêche excessive, la chasse, c’est normal. Mais qu’il y ait des articles sur « Paul dézingue Jean-Luc », ça ne sert à rien.

Vous êtes assez pessimiste sur le monde qui nous entoure. Qu’est-ce qui vous désespère tant ?

On voit très bien qu’il y a une accentuation de la paupérisation des classes, de la crise climatique. L’été se rallonge et l’hiver raccourcit alors qu’il devrait y avoir une équité quasi parfaite. Malgré cela, certains continuent à penser qu’il faut être dans l’inaction totale et laisser la planète brûler sans agir…

Beaucoup de jeunes disent aujourd’hui être éco-anxieux, est-ce que c’est votre cas ?

Je dirais plutôt que je suis éco-révolté. Quand je vois ce qu’il se passe à travers le monde, ça me touche énormément, ça me fait mal. Cette révolte est nourrie par ma psychologie. J’ai vraiment envie de ralentir le mouvement dans lequel nous nous trouvons mais à mon simple niveau, c’est difficile. Il faut se mettre tous ensemble pour agir et je vois que tout le monde n’est pas prêt à le faire. Quand je vois que le monde est à feu et à sang, ça me fait extrêmement mal.

Pour renverser la tendance, seriez-vous tenté par un engagement plus politique ?

Je n’ai pas forcément le désir d’entrer en politique car ça nuirait à mon art qu’est la littérature. Mais j’estime ne pas être obligé de m’engager formellement pour avoir un propos politique dans mes livres. Je sais que je pourrais aider beaucoup de gens qui savent que j’ai des valeurs, des principes, des idéaux.

Les personnes porteuses de handicap ne sont pas très représentées en France. Je pense que celles qui, comme moi, sont en mesure de donner leur avis doivent le faire avec une grande ardeur. J’ai le souhait d’imposer ma sensibilité, ma manière de voir les choses, de fonctionner à cette société.

J’essaye de montrer qu’on peut changer cette société du moment qu’on donne la parole à des personnes avec un regard différent que ce qui est dans la norme. Dire aux gens qu’il y a d’autres normes qui sont aussi respectables que celles qui sont imposées par cette société, c’est important.

Quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?

Je voudrais continuer l’écriture, publier de nouveaux ouvrages historiques, des romans, de la poésie. J’aimerais aussi être comédien ou acteur, peut-être pour des films historiques. On a essayé de me donner ma chance deux fois mais ça n’a jamais abouti. Je suis conscient que rien n’arrive en un jour, il faut chuter, tomber pour arriver à quelque chose. Mais une fois qu’on a la force de se relever, on est tous capable d’atteindre nos objectifs.

Je suis d’autant plus content de l’endroit où j’en suis que j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour y parvenir.

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