Monstre sacré du cinéma français, femme entière, généreuse, à propos de laquelle Robert de Niro, son partenaire de Trois chambres à Manhattan, disait : « C’est la plus belle femelle mec que je connaisse ! », Annie Girardot s’est éteinte un 28 février 2011. Sa mémoire vacillait avec Alzheimer. Elle aurait eu 91 ans ce mardi 25 octobre. L’occasion de passer en revue les hommes qui ont marqué sa vie.

Coquine au point de rouler de vrais patins « avec la langue » à ses partenaires à l’écran, Annie Girardot s’est livrée corps et âme à l’amour. Dans un livre qu’elle publiait en 2003, Partir, revenir : les passions vives (éd. le Cherche midi), elle revenait sur ces passions tumultueuses et souvent destructrices qui firent d’elle une sorte de Piaf du cinéma.

C’est à Rome, dans le petit palais de Luchino Visconti, avec lequel elle tourne, qu’une belle journée de 1960, elle rencontre Renato Salvatori. Elle a 29 ans, lui 27. Il est déjà une star en Italie. Dans Rocco et ses frères, elle campe une prostituée, lui, un client qui va la violer et la tuer. Quand il la poignarde sur le plateau, et que le couteau la blesse, il la toise avec panache : « E per l’arte, madame ! » (C’est pour l’art, madame !). Annie est conquise : « J’ai failli m’évanouir en le voyant. Renato, c’est mon homme. Mon corps l’a compris avant moi. » Les années qui suivent, c’est la dolce vita dans la belle maison à cinq étages que Renato a achetée près du Colisée. Les amis s’y croisent : Trintignant, Vadim et Deneuve, Signoret et surtout Delon – que Renato considère comme un frère – et Romy Schneider, enfants terribles, qui s’aiment et se pourchassent en riant avant de fracasser les tables. Annie et Renato se marient et, bientôt, la naissance de Giulia le 4 juillet 1962 à Rome, vient souder cet amour, au point que même séparés (elle le quitte suite à des violences conjugales), ils ne divorceront jamais.

À force d’aller écouter Jacques Brel, et d’en sortir tremblante d’émotion – « Ce qu’il chante, c’est mon langage. Il me crache son chagrin, il me le gueule. On se ressemble. » –, il fallait bien que ces deux-là se croisent pour de vrai un jour. Sur le tournage de La bande à Bonnot, ils flirtent un peu. Des mois plus tard, il sonne chez elle, près de la place des Vosges. Annie s’empresse de fermer la porte à clef pour le garder prisonnier de ses bras. De loin en loin, il resurgira, jusqu’à disparaître dans ses îles, aux Marquises. Dans son livre, elle lui lance : « Grâce à toi, j’ai compris que le chant était le lieu de toutes les souffrances, de toutes les voluptés. Et pas un jour ne s’écoule sans que je pense à toi. »

>> PHOTOS – Qui sont les hommes qui ont compté dans la vie d’Annie Girardot ?

Claude Lelouch et Bernard Fresson, des amours passionnels

Avec Claude Lelouch, pour qui elle tourne Vivre pour vivre, et Un homme qui me plaît, elle vit une liaison cachée et intene qui leur inspire de superbes improvisations sur le plateau. « Jamais un homme ne m’avait si bien caressée avec la caméra, rendue si belle, si femme. Nous nous sommes beaucoup aimés, beaucoup égratignés, déchirés aussi. »

Bernard Fresson, acteur au tempérament volcanique, devient son compagnon dans les années 70. Avec lui, elle découvre ce qu’elle appelle « la révolution, le séisme » physique. La passion sexuelle se mêle à la peur et la fascination sado-maso qui va avec. Fresson est maladivement jaloux. Il devient violent. « Mon Dieu, s’exclame-t-elle, faut-il que j’aime cet homme et que je m’accroche aux moments heureux, pour être ainsi au ralenti de moi-même, pour chuchoter ma vie ! En 1978, je le quitte après une scène plus pénible que les autres, qui me fait perdre mon joli sourire… »

La banqueroute avec Bob Decout, puis Alzheimer

De 1980 à 1993, Annie Girardot partage la vie du réalisateur Bob Decout, 14 ans plus jeune qu’elle. Il lui fait découvrir la musique et la convainc de monder un spectacle musical intitulé Revue et corrigée, qui s’avère être un fiasco et qui entraîne l’actrice vers des problèmes financiers. Autrefois propriétaire d’un somptueux appartement au 25 place des Vosges à Paris, elle doit l’hypothéquer et finalement s’installer dans un plus petit, rue du Foin.

La maladie d’Alzheimer gommera un à un pourtant tous ses souvenirs. Les douloureux, les fiévreux, les merveilleux… Annie Girardot glissera doucement vers cet ailleurs d’où personne ne revient jamais. Elle oublie peu à peu ses amours, ses amis (Alain Delon, Johnny Hallyday, Gérard Depardieu), tout ce beau-monde du septième art qu’elle a côtoyé (Jean Gabin, Roger Vadim, Jean Rochefort, Lino Ventura, Louis de Funès…). L’actrice s’éteint le 28 février 2011 à l’hôpital Lariboisière, à Paris, à l’âge de 79 ans, laissant derrière elle sa fille, Giulia, et ses deux petits-enfants, Renato Salvatori, appelé comme son grand-père, et Lola.

Nous, il nous reste une incroyable et magistrale filmographie. Et ces mots qu’elle balançait à un parterre de stars, au théâtre Marigny, lors de la cérémonie des César qui lui offrait, 35 ans après son César de Meilleure actrice (Docteur Françoise Gaillard), celui de Meilleur second rôle (La pianiste) : « Je ne sais pas si j’ai manqué au cinéma français, mais le cinéma français m’a manqué. Follement, éperdument, douloureusement. Votre témoignage d’amour me montre que, peut-être, je ne suis pas encore tout à fait morte. » (2002).

Crédits photos : BALDINI / BESTIMAGE

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