- Jusqu’au mois de juillet 2023, le Muséum de Toulouse présente une exposition étonnante intitulée Momies, corps préservés, corps éternels.
- Cent ans après la découverte de la tombe de Toutankhamon et 200 ans après le décryptage de la pierre de Rosette, elle montre surtout qu’on ne peut pas cantonner les momies à l’Egypte antique.
- Elles ne sont pas toujours humaines, pas toujours artificielles. A travers 200 « pièces », parfois inédites, souvent surprenantes, l’exposition aborde le thème de la mort et de la quête d’éternité avec délicatesse.
Du mystère, de la science mais aussi de la réflexion. En choisissant de consacrer sa nouvelle exposition temporaire aux momies, le Muséum de Toulouse aurait pu être victime de la malédiction du sensationnalisme. Il livre au contraire un voyage plein de sensibilité avec ce cabinet de curiosités qui fait forcément escale en Egypte mais parcours aussi tous les continents dans une réflexion sur le rapport des peuples à la mort, sur leur aspiration à la vie éternelle et même sur la question éthique d’exposer des défunts dans des musées.
Peu de bandelettes et de sarcophages à l’arrivée malgré les vraies momies qu’on a pris la peine d’exposer derrière des vitres sans tain quand elles sont démaillotées, laissant aux visiteurs le choix d’éclairer ou pas leurs alcôves. Voici un petit avant-goût de cette visite étonnante, souvent interactive, qui permet de sentir l’authentique « odeur de sainteté » – avec son parfum de rose –, d’admirer une momie de hamburger ou l’unique patte de mammouth laineux visible hors de Russie. Et de comprendre que la nature est aussi douée que les embaumeurs en matière de momification.
Des momies d’autres contrées que l’Egypte
Le talent des Egyptiens de l’Antiquité et leurs rituels fascinants pour préserver l’intégrité des corps en prévision de leur nouvelle vie au royaume des morts ont marqué les esprits. Mais d’autres peuples ont aussi eu recours, pour les mêmes raisons, à la momification. La civilisation Chancay du Pérou plaçait ses momies dans des enveloppes textiles anthropomorphes, à fausse tête humaine, appelées fardos. Dans celui d’un bébé, prêté par le musée du quai Branly au muséum, le scanner a révélé tout un nécessaire de survie pour l’accompagner dans l’Au-delà : du maïs pour manger, des graines de coton pour s’habiller et même un fusain pour tisser. Plus près de nous, les Guanches des îles Canaries momifiaient aussi certains de leurs défunts. Les fameuses têtes réduites d’Amazonie sont aussi des momies très sophistiquées. Mais elles tenaient davantage du trophée conférant du prestige à celui qui les portait en collier.
Des automomifications… par la force de l’esprit
Passez dans la cellule consacrée aux Sokushinbutsu, ces moines bouddhistes japonais et mobiliser toute votre volonté pour arrêter de fumer vous paraîtra une sinécure. Eux, s’auto-momifiaient vivants, à grand renfort de méditation et d’ascèse pour perdre leur graisse puis éliminer leurs fluides corporels. Avec sur la fin, après des années d’efforts, quelques lampées de sève empoisonnée. Leur corps restait intact.
Des momies parfois trafiquées… ou « transgenre »
Les Egyptiens embaumaient aussi les animaux. Sauvages, comme un étonnant et unique varan, ou domestiques. Les momies de chats, nombreuses dans les nécropoles, étaient liées aux cultes de dieux comme la déesse Bastet. Mais les vendeurs de ces populaires momies n’étaient pas toujours regardants. Scannées, certaines contiennent parfois les ossements de deux ou trois chats, sans doute par mercantilisme.
Le mystère reste en revanche entier concernant la momie humaine retrouvée dans les collections du muséum de Toulouse. Le buste, démailloté, est incontestablement celui d’une femme, corpulente à en juger par les plis de sa peau tannée. Mais le scan fait apparaître « quatre de têtes de fémur ». « Ça a été une vraie surprise. En fait il y a deux individus, d’ailleurs les pieds sont placés à l’envers. Il s’agit peut-être des jambes d’un homme », explique Fabien Laty, chargé de l’exposition. Quand et pourquoi, ce « mélange » a-t-il eu lieu. L’énigme n’est pas résolue.
Des momies tout à fait naturelles
Tout l’art des embaumeurs réside dans des techniques permettant de vider les corps de tout ce qu’ils ont de « corruptible » pour tenir à l’écart insectes coprophages, bactéries et champignons. Mais la nature se charge parfois de faire le boulot. Grâce au froid notamment. Il permet de voir à Toulouse, une impressionnante patte de mammouth laineux conservé dans le pergélisol (ou permafrost) sibérien ou les images du corps d’une chamane de Yakoutie, les mains encore cousues dans ses vêtements pour qu’elle ne se venge pas sur les vivants par-delà la mort.
La dessiccation est une autre méthode naturelle de momification qui opère de la même façon sur un fœtus d’éléphant préhistorique que sur un hamburger laissé pendant dix ans dans un placard hermétique et bien sec. Les hydrocarbures, le sel ou encore la tourbe, en Irlande ou en Ecosse, sont aussi de bons agents de momification. Témoin, l’homme de Tollund, retrouvé momifié en 1950 dans la tourbe danoise. La peau tannée par la privation d’oxygène, il paraît en bronze. La corde autour de son cou montre qu’il n’a pas fait le plongeon tout seul, sans que les scientifiques se mettent d’accord pour dire qu’il s’agit d’un criminel châtié ou d’une victime sacrificielle destinée à conjurer une calamité.
D’étonnantes momies « accidentelles »
Une main à la peau verdâtre dont dépassent des os turquoise. Cette étonnante « pièce » a été découverte en 1650 près d’Auxerre. Il s’agit probablement de la main d’une dépouille gallo-romaine inhumée avec une obole en bronze au creux de la main pour assurer son passage vers l’autre monde. Le cuivre s’est oxydé jouant un rôle antiseptique et empêchant la putréfaction de la fameuse « main verte ».
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