Alors que de nouveaux termes font leur entrée dans les dictionnaires le Petit Robert et le Petit Larousse 2023, une question peut se poser : est-ce que les élèves vont pouvoir utiliser ces mots dans leurs copies désormais ? Une professeure de lettres nous éclaire.

  • Est-ce que les élèves peuvent utiliser ces mots dans leurs copies ? 
  • Les professeurs peuvent-ils les pénaliser ? 
  • Difficultés
  • Choix des textes à étudier

Dans leurs devoirs ou dans leurs copies de français, les élèves ont souvent la tentation de vouloir écrire avec leurs propres mots. Ceux qu'ils utilisent au quotidien, pour discuter et se faire comprendre entre djeuns. Ceux-là même qui ont un sens parfois inconnu pour les parents. Seulement voilà, ont-ils le droit de les utiliser à l'école dans un sujet écrit de français ? C'est une question qui mérite d'être posée, depuis que les dictionnaires intègrent chaque année de nouveaux mots, dont des expressions que les jeunes utilisent. Il y a quelques jours, l'édition 2023 du Petit Robert a dévoilé sa liste de mots qui viendra parfaire les futures pages de ce dictionnaire de référence. On y retrouvera notamment "go", "gênance", "bail" ou encore "brouteur" pour désigner un escroc qui sévit sur Internet. De langage de rue et générationnels, voici que ces mots sont désormais normés. Mais cette officialisation pourra-t-elle prévaloir à leur utilisation en cours, ou dans les devoirs ? Pour répondre à cette question, nous avons interrogé Marie-Astrid Clair, professeure agrégée de lettres modernes, dans un collège en zone d'éducation prioritaire et à l'INSPÉ pour former de jeunes enseignants du premier ou second degré. 

  • 11 mots adulés par les jeunes entrent dans les dico'

    Les éditions 2023 du Petit Robert et du Petit Larousse s'enrichissent de nouveaux mots, qui sont pour la plupart utilisés par les jeunes au quotidien. L'occasion pour les parents de comprendre un peu mieux le langage de leurs ados. Détails.

Est-ce que les élèves peuvent employer ces nouveaux mots dans leurs copies ? 

"C'est déconseillé ! Parce qu'on attend des élèves, en particulier lorsque l'on est professeur de français, qu'ils construisent une langue qui est la langue de l'école. Le langage scolaire ce n'est pas le langage de tous les jours, ni de celui de la cour de récréation. Il faut donc qu'ils arrivent à changer leur niveau de langue dans leurs copies", nous explique l'enseignante. Néanmoins, Marie-Astrid Clair insiste sur un point : "je pense que ces expressions sont bien du français, à partir du moment où c'est compris par des Français ou des personnes francophones. C'est une erreur de dire que ce n'est pas du 'bon français'. La langue évolue en fonction du temps et des lieux. On ne parle pas le même français au Québec qu'au Sénégal, et même dans le Gers et en Lorraine." Elle voit d'un très bon œil l'utilisation de ces nouveaux codes dans le langage des jeunes générations. "Je me réjouis de voir entrer le mot 'go' dans le dictionnaire. Il vient de Côte d'Ivoire, de l'argot nouchi plus précisément, et désigne une jeune fille. On le retrouve dans des livres formidables qui sont tout à fait recommandables, comme les Aya de Youpougong de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie. Ça montre bien que le français est une langue vivante, qui évolue, avec laquelle on peut s'amuser et créer", avance l'enseignante. 

Les professeurs peuvent-ils les pénaliser ? 

"La difficulté c'est que le mot peut ne pas être adapté à ce qu'on appelle la situation d'énonciation, c'est-à-dire que ce n'est pas le bon langage pour la bonne personne au bon moment. L'idée est qu'il faut qu'ils adaptent leur langage à l'énoncé et au contexte proposé dans la consigne. Parfois les élèves ne savent pas que tel ou tel mot est familier. Dans ce cas, le professeur les corrige en indiquant familier dans la marge. En revanche, certains emploient parfois des gros mots par provocation : il faut alors leur expliquer qu'en les employant sans précaution ils se mettent au ban de la société, parce qu'ils n'utilisent pas la norme socio-linguistique attendue."

Est-ce difficile pour un élève de passer d'un registre de langue à l'autre ? 

"Cela dépend des élèves. Certains ont une richesse de vocabulaire bien plus grande que d'autres. Le travail de l'école c'est d'essayer de réduire ces écarts. Mais il est vrai que c'est moins évident pour certains enfants. Des inégalités existent et des indicateurs le montrent", souligne l'enseignante. En effet, c'est prouvé, certaines inégalités socio-économiques peuvent avoir un impact sur l'acquisition du langage chez les jeunes enfants. En éducation prioritaire, par exemple, certains enfants ne disposent que de 500 mots en CP alors qu'ils atteignent 2 500 mots dans des milieux plus favorisés, hors éducation prioritaire, indique le site de l'Académie de Paris. Des chercheurs de l'Insee et de l'Ined ont aussi montré dans une étude, réalisée grâce aux données d'Elf en 2019, que "le vocabulaire des enfants accueillis en crèche ou par une assistante maternelle est plus diversifié que lorsqu'ils sont gardés par leurs parents ou grand-parents."

  • La crèche, bénéfique au développement du langage

    Les enfants fréquentant la crèche jouiraient de meilleures acquisitions linguistiques, particulièrement chez les enfants défavorisés. A l'inverse, les tout-petits gardés à la maison présenteraient les plus faibles compétences en matière de langage.

Des textes moins classiques peuvent-ils être étudiés ? 

"Les enseignants ont la liberté de travailler sur différents types de textes. On peut tout à fait étudier un texte de rap pour en voir par exemple les effets de rythme et de sonorité. Et ce n'est pas absurde d'utiliser pour un temps les pratiques du moment." En revanche, ces textes ne doivent pas enfreindre les valeurs de l'école, insiste l'experte.

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