Réalité décevante, pression sociale, nostalgie de l’enfance… Alors que les fêtes de fin d’année sont pour certains synonyme de bonheur, pour d’autres elles riment avec dépression. Deux psychologues expliquent ce phénomène et livrent leurs pistes de réflexion.
C’est un fait, tout le monde n’est pas submergé par la traditionnelle vague d’amour des fêtes de fin d’année. Il arrive même que les cadeaux, le repas à six plats, les réunions familiales et les cotillons de la Saint-Sylvestre soient des bêtes noires et en dépriment plus d’un. On les appelle «natalophobes», comprenez angoissés de Noël, ou anti-Nouvel An. Comment et pourquoi cette période peut-elle autant saper le moral ?
Une réalité décevante
Il faut bien le dire, le temps ne manque pas pour penser aux cadeaux parfaits que l’on va glisser sous le sapin. Sans compter les guirlandes et autres accessoires de Noël installés dans les rues dès le mois de novembre. Tout le problème serait d’ailleurs là : «Cette période est souvent fantasmée. On imagine uniquement le grandiose et le féerique. La réalité vient forcément décevoir cette vision, car rien n’est jamais parfait», explique Samuel Dock, psychologue clinicien et auteur (1).
Le fantasme découle de ce que les médias véhiculent. «Il est normal que nos fêtes de fin d’année ne ressemblent pas aux publicités ou aux films, ce sont des mises en scène et cette perfection est inatteignable», confirme d’emblée Boris Charpentier, psychologue et coach. Sans compter que cette attente n’est pas réellement récompensée en pratique : «les fêtes durent très peu de temps et passent très vite. On perd rapidement l’objet du fantasme et une frustration peut alors naître», signale Samuel Dock.
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L’injonction au bonheur
Même déçus par la vitesse à laquelle s’égraine le mois de décembre, un seul mot d’ordre règne : le bonheur. Baigner dans la lumière incandescente de l’amour, déborder de projets d’avenir, rire à tue-tête et être un bon vivant : telle est la liste du parfait comportement à adopter. «Effectivement, une certaine surenchère entraîne une compétition dans la fête. On attend de nous de terminer l’année en apothéose. C’est une contrainte et une vraie norme sociale», déplore Samuel Dock. Il faut donner le meilleur de soi-même, y compris dans son rôle familial, «être la mère parfaite qui a pensé au dessert préféré de la tante et qui a dressé une belle table : voilà ce qui est attendu. Il faut se surpasser dans son propre rôle», appuie Boris Charpentier. Force est de constater que cela est vrai. Soyez un peu d’humeur maussade au réveillon et vous verrez si l’un de vos parents ne vous le fait pas remarquer…
Cette pression sociétale encourage aussi chacun à ne pas rester seul le jour de Noël, le soir de la Saint-Sylvestre et le jour de l’An. «On observe un stress dans l’organisation de cette période. Il y a l’obligation de faire quelque chose. Ne rien faire chez soi, renvoie une image très négative, voire même une détresse sociale. Alors qu’être seul les autres soirs de l’année n’a rien de problématique», constate le psychologue Samuel Dock.
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Une nostalgie de l’enfance
La cause de ce vague à l’âme peut être dû à l’enfance. La magie des fêtes a-t-elle jamais mieux fonctionné que sur les enfants ? Lorsque l’on grandit, cette féerie disparaît évidemment. «On ne la retrouve jamais au cours de sa vie. Une fois adulte, on connaît le prix de tout cela et rien n’est magique finalement. Pour que ce moment soit remarquable, il faut l’organiser et le rendre soi-même remarquable. Certaines personnes ont du mal à faire le deuil de cette désillusion», atteste Samuel Dock. Dès la prime enfance, la fin de l’année a une saveur particulière que l’on ne veut surtout pas perdre. Selon Boris Charpentier, il ne faut pas dresser de parallèle entre les contes enfantins et la réalité, sinon la déception est assurée.
Les solutions
Une fois les réjouissances passées, comment faire pour ne plus tomber dans cette déprime passagère ? D’abord, il est essentiel de déculpabiliser. «Ce n’est pas grave de ne pas avoir envie de fêter l’année qui s’achève. Il n’y a pas de honte à ressentir des émotions négatives. Je pense que c’est inéluctable et que tout le monde ressentira cela dans sa vie», soutient Samuel Dock. Donc, si l’envie manque d’arpenter les rues à la recherche du cadeau idéal et qu’une soirée passée à la maison devant un film nous fait de l’œil, «on s’écoute. Rien ne sert de se forcer, il est inutile de jouer les surhommes heureux, il faut avant tout faire valoir son désir», encourage le professionnel.
Autre hypothèse : penser à revoir sa façon de commémorer la période. «Se réapproprier l’événement est une bonne chose. Ne pas hésiter à bouleverser les habitudes, comme partir en vacances, par exemple», suggère Boris Charpentier. Ce dernier souligne que ce phénomène est courant et non isolé : «beaucoup plus de personnes qu’on ne le croit souffrent en période de fêtes. Il ne faut pas craindre d’en parler par peur d’être incompris». Bilan, on oublie les téléfilms aux sapins de trois mètres de haut somptueusement décorés, les rencontres romantiques sous la neige, et les câlins familiaux en pulls à tête de cerf. Et on part vers des nouvelles aventures. Ou pas.
(1) Samuel Dock est notamment l’auteur de Le Nouveau Malaise dans la civilisation, Éd. Plon, 19,90 €, et Éloge indocile de la psychanalyse, Éd. Philippe Rey, 20 euros.
Cet article, initialement publié en décembre 2017, a fait l’objet d’une mise à jour.
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