353 millions de tonnes de déchets de plastique sont jetés chaque année dans le monde, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans, selon un rapport de l’OCDE publié en février 2022. Seulement 9% d’entre eux sont recyclés, le reste est incinéré, enterré ou dispersé aux quatre vents. Résultat : des milliards de morceaux de plastiques se répandent dans l’air, les sols, les rivières et les océans. Au fil du temps, « ils se fractionnent en de minuscules fragments de moins de cinq millimètres sous l’effet des rayons ultraviolets du soleil et de l’oxydation. C’est ce que l’on appelle des microplastiques », explique Rosalie Mann, fondatrice de l’association No More Plastic.
Ces polluants lilliputiens, qui représentent probablement le plus grand fléau des temps modernes, s’immiscent un peu partout, jusqu’à notre assiette – et donc dans notre corps – puisque l’intégralité de la chaîne alimentaire se trouve désormais contaminée.
La pollution insidieuse des microplastiques
La nocivité des microplastiques sur la santé humaine est complexe à appréhender, car ils ne possèdent pas tous la même composition chimique et sont associés à pléthores d’additifs différents censés leur conférer des propriétés spécifiques : résistance aux flammes, souplesse, rigidité… Nous connaissons la dangerosité des microplastiques, ne serait-ce que « parce qu’ils se comportent comme des éponges à polluants », précise Rosalie Mann. Mais nous ignorons encore beaucoup de choses sur l’impact de leurs effets cumulés, le fameux effet cocktail. Les preuves commencent cependant à s’accumuler grâce aux dernières études scientifiques réalisées sur le sujet, dont les conclusions sont plutôt préoccupantes.
Plusieurs chercheurs ont notamment prouvé que les déchets plastiques peuvent endommager le système reproducteur des animaux, en particulier des oiseaux et des poissons. Une étude australienne de 2019 a en outre montré que les poussins de caille, qui en avalent régulièrement, présentent des retards de croissance, même s’ils ne semblent être ni plus malades ni moins féconds que les poussins non exposés à ces toxines.
Les reins malmenés
Comme 2% à 5% du plastique produit sur Terre finit dans les océans, tous les animaux marins en colportent forcément. Les coquillages que l’on consomme ne sont bien sûr pas épargnés. Les moules recèleraient par exemple de 0,13 à 2,45 particules microplastiques par gramme de chair, selon des chercheurs allemands de l’université de Bayreuth. Un gros consommateur de moules peut ainsi ingérer jusqu’à 11 000 microplastiques par an !
Et comme l’eau minérale, la bière, le sel, les fruits, les légumes et même le miel en contiennent également, nous en absorbons jour après jour des quantités phénoménales. « Par l’alimentation et la boisson, nous ingurgitons l’équivalent d’une carte de crédit par semaine, ce qui fragilise particulièrement les reins« , observe le Pr Gilbert Deray chef du service de néphrologie à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière et auteur de Les pouvoirs extraordinaires du rein (éd. Fayard). Or, des reins en pleine santé sont indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Ils épurent le sang 24heures/24, contrôlent la tension artérielle, orchestrent le renouvellement des globules rouges et contribuent aussi à la solidité de notre charpente osseuse.
Les intestins très perturbés
Le plastique absorbé par l’alimentation transite forcément par les intestins avant de se retrouver dans les selles. Ce voyage n’est pas sans conséquences. Des scientifiques du CHU de Lille ont en effet montré chez des souris que leur présence altère la muqueuse intestinale, induit une inflammation locale chronique et perturbe l’équilibre du microbiote intestinal. Leur étude, publiée en avril 2022 dans la revue Environmental Research, indique que ces méfaits se produisent après seulement 6 semaines d’exposition à des aliments contaminés par des microparticules de polyéthylène, l’une des matières plastiques les plus utilisées dans les emballages et les sacs plastiques. Elles pourraient donc être impliquées dans le développement de la maladie de Crohn ou de certains cancers du côlon.
Les poumons et le cerveau touchés
Les vêtements, les tissus d’ameublements (coussins, canapés…), les jouets et tous les autres objets contenant des éléments en plastique larguent dans l’air au fil de leur utilisation des fibres de plastiques que nous inhalons en respirant. Leur dangerosité n’est pas moindre que les microfibres de plastique que nous ingérons, bien au contraire. Ces micropolluants entrent en profondeur dans nos poumons, comme l’ont prouvé en juillet 2022 des médecins britanniques de l’université de Hull. Sur treize échantillons de poumons prélevés sur des patients opérés, onze renfermaient des micro-débris de polypropylène et de polyéthylène. Ces derniers sont susceptibles de générer des irritations, des difficultés respiratoires, voire même un cancer pulmonaire.
Le cerveau n’est pas non plus à l’abri, comme le suggèrent des chercheurs sud-coréens. Leur étude, publiée en février 2022 dans la revue Science of The Total Environment, souligne que des microplastiques de polystyrène parviennent non seulement à entrer dans le cerveau, mais aussi à pousser certaines cellules cérébrales – les cellules microgliales – à s’autodétruire.
Les bébés particulièrement exposés
Les selles des enfants en bas âge renferment dix fois plus de microplastiques que celles des adultes, principalement du polyéthylène téréphtalate (PET) et des polycarbonates. Ce constat, effectué par l’université de médecine de New-York, n’est guère étonnant dans la mesure où nombre d’objets de puériculture sont en plastique (tétines, biberons, hochet, doudou…) et que les tout petits ont tendance à tout porter à la bouche. « Les perturbateurs endocriniens contenus dans ces microplastiques pourraient affecter l’équilibre hormonal des enfants et perturber leur croissance », déplore Kurunthachalam Kannan, co-auteur de l’article. Sans compter les risques potentiels pour leur santé future.
Microplastiques : comment s’en protéger ?
Pour ne pas contribuer à polluer davantage l’environnement et pour réduire son exposition quotidienne, mieux vaut tenir le plastique à distance dans sa vie de tous les jours. Cela nécessite forcément de repenser sa consommation car le plastique se cache partout : dans les chewing-gums, l’eau, les rouges à lèvres, les vêtements, les pneus, les sachets de thé…
L’eau en bouteille plastique est particulièrement contaminée, c’est pourquoi « il est préférable de boire de l’eau en bouteille de verre ou de l’eau du robinet », conseille le Pr Gilbert Deray. Une analyse de 259 bouteilles d’eau minérales et de source commercialisées par onze marques différentes a prouvé que presque toutes regorgent de microplastiques : 325 particules par litre en moyenne, et jusqu’à 10 000 par litre pour certaines marques !
Lorsque vous faites vos courses, privilégiez les aliments en vrac ou vendus en emballage carton, plutôt que ceux conditionnés dans des barquettes en plastique, recyclées ou pas. De même, il est recommandé de ne pas utiliser d’ustensiles en plastique dans sa cuisine (boites, film étirable, couverts à salade, gobelet…). Pour vos vêtements, privilégiez les matières naturelles (coton, bambou…). Regardez bien les étiquettes pour éviter les indésirables, même cachés. Il faut aussi redoubler de vigilance avec les produits cosmétiques et d’hygiène : beaucoup utilisent des microplastiques comme agents abrasifs (gommage, gels douche, dentifrice…).
« Si vous voyez les mots « polyéthylène (PE), polypropylène (PP) ou polyéthylène téréphtalate (PET), cela signifie que le produit contient des microplastiques dans sa formulation », assure Rosalie Mann. Optez donc pour ceux qui en sont exempts.
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