Après le comique, l’art lyrique. Itinéraire d’une jolie reconversion… toujours en couple !

Il suffit que des artistes ne passent plus à la télévision ou s’absentent des salles de la capitale pour que certains médias les donnent pour disparus corps et biens. Mais il y a une vie en dehors de Paris ! Le public provincial ne le sait que trop bien : pour preuve, le duo Shirley & Dino qui n’en finit plus d’enchanter les spectateurs toujours plus nombreux à assister désormais… à leurs opéras.

Que de chemin parcouru depuis leurs débuts en 1985, avec la création de la compagnie Achille Tonic. Une longévité artistique qui reflète la vie de leur couple. Mariés cette même année, Gilles et Corinne Benizio, de leurs vrais noms, ont depuis lors construit une famille avec l’arrivée de leurs deux enfants, Élisa et Raphaël. Au quotidien La Provence, ils déclarent être aujourd’hui toujours ensemble et plus heureux que jamais : une exception notoire dans cet univers de paillettes et de faux-semblants.

“La télévision, une fois qu’on en fait le tour, on s’arrête. »

Ce n’est pourtant qu’en 2001 qu’un large public découvre le duo dans l’émission Le Plus Grand Cabaret du monde animée par Patrick Sébastien sur France 2. Dino avec ses pantalons trop courts, ses rouflaquettes, sa mine de gommeux gouailleur, son accent italien surjoué et Shirley, avec ses cheveux en choucroute, sa robe vichy, qui tente de raconter des histoires, malgré les interruptions permanentes de son compagnon.

Bouffon

En ces temps de cynisme ricaneur, leur humour n’est jamais méchant. Ils rient l’un de l’autre, soutenus par un public conquis. D’une sincérité désarmante, ils font preuve d’une empathie vis-à-vis de cette France d’en bas qui les adopte d’emblée.

En 2003, ils reçoivent le Molière du meilleur spectacle de sketches pour Le Duo.

Leur ultime représentation sur scène en tant que Shirley & Dino au théâtre Marigny en novembre 2005 fait l’objet d’un DVD qui s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires. Un souvenir qui ne les émeut pas plus que de raison. Dino assure à La Provence : « La télévision, une fois qu’on en fait le tour, on s’arrête… »

Cela, le public peut l’entendre… Mais ce qu’il sait peut-être moins, c’est que depuis des années, Gilles et Corinne Benizio sont fous d’opéra, baroque notamment, un univers codé musicalement, vocalement, dramatiquement.

En 2009 déjà, alors qu’ils sont en pleine gloire médiatique, ils montent une adaptation du King Arthur de l’Anglais Henry Purcell, à Montpellier. En 2017 à Massy, ils réalisent la mise en scène de Don Quichotte chez la Duchesse, pièce composée par Joseph Bodin de Boismortier. Au début de cette année, à Versailles, c’est au tour de Platée, l’opéra-ballet bouffon de Jean-Philippe Rameau, et, cet été, Le Carnaval des animaux, de Camille Saint-Saëns, qu’ils ont présenté au festival de Sisteron, en Provence.

Passerelle

C’est avec génie que ces artistes venus du music-hall inventent une passerelle qui permet au grand public d’accéder à l’art – à tort tenu pour élitiste par une certaine critique, souvent plus exigeante avec les spectateurs qu’elle ne l’est avec les artistes.

Dino : « Il y a un grand chef d’orchestre qui disait qu’aujourd’hui, “les metteurs en scène d’opéra oubliaient le public ». Nous, notre démarche, c’est vraiment de partager. Ce qui est important, ce n’est pas de comprendre.

“Avec Shirley, on le fait toujours de manière poétique. »

On peut regarder un très beau tableau sans comprendre ce que le peintre a voulu faire, mais quand même recevoir l’émotion. » Et de souligner : « Même le public d’opéra classique est heureux de voir une façon différente d’aborder l’œuvre. Avec Shirley, on le fait toujours de manière poétique, et même si on se moque parfois de certaines personnes, on le fait gentiment. Nous ne sommes jamais dans la critique. »

Voilà qui est frappé au coin du bon sens et permet de rappeler cette évidence : naguère, l’opéra était un genre éminemment populaire, tout comme le jazz en d’autres temps. Shirley et Dino sont en train de lui redonner ses lettres de noblesse. C’est heureux. Et surtout, ce n’est pas rien.

Églantine LEFEBVRE

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