Les chaussures sont grises de poussière, les jambes commencent à devenir lourdes, mais les spectateurs tiennent le coup pour cette dernière soirée de festival. Ils sont fatigués, mais impatients de retrouver l’artiste belge Stromae, dont le retour sur scène s’est fait désirer. Après la sortie de son troisième album Multitude, en mars dernier, il est chargé de mettre un point final à cette 18e édition de Rock en Seine, dimanche 28 août.

Un grand écran s’allume dans le fond de la scène, comme si nous allions assister à une projection en plein air. Un film commence et nous fait voyager entre une infinité de plaines et de montagnes roses. « C’est Tatooine, en fait », s’amuse un jeune homme en référence à la célèbre planète désertique de la saga Star Wars. L’avatar de Stromae, figure emblématique des clips de son dernier album, apparaît dans un laboratoire futuriste, peuplé de robots en tout genre. Les lumières s’éteignent. Le vrai Stromae entre sur scène dans sa chemise à froufrous et avec les mèches de ses cheveux rassemblées en deux petits macarons. « T’as plus de victoires que de défaites », commence-t-il, sous les hurlements de joie du public qui retrouve, petit à petit, son énergie.

Un concert millimétré

Il nous avait habitués à son perfectionnisme lors de ses précédentes tournées. Celle-ci ne déroge pas à la règle : chez Stromae, tout est millimétré. Accompagné de ses quatre musiciens derrière leurs instruments blancs tout droit sortis d’un vaisseau spatial de Star Trek, le chanteur enchaîne les tableaux. L’écran derrière lui se scinde en huit morceaux qui s’articulent en formes variées au rythme des chansons pour créer des ambiances multiples. Sur le morceau Quand c’est, les plaques font une farandole et virevoltent derrière l’artiste. La lumière est faible, et crée une ambiance sombre et pesante. Quelques chansons plus tard, elles s’assemblent pour construire un immeuble dont les fenêtres dévoilent des scènes de ménage.

Tel un comédien, Stromae change de costume presque à chaque changement de décor. Il arrive dans un pantalon vert pastel pour les trois premières chansons, légères et entraînantes, et en enfile un autre, noir cette fois-ci, pour ses sons plus tristes et profonds. Le décor suit la cadence et se transforme au rythme de ses envies : le pied de son micro devient un pupitre de politicien pour son morceau Fils de joie alors que sa chaise est remplacée par un canapé dans lequel il s’affale pendant son titre Mauvaise journée. Stromae déploie devant le public un film qui a été pensé du début à la fin.

Sous ses multiples casquettes, Stromae joue aussi le rôle d’animateur et cherche à réveiller son public parfois troublé par le changement d’ambiance des différents morceaux. Avant que la chanson Santé ne commence, une petite voix donne les règles à respecter : « Mesdames, messieurs, veuillez suivre les consignes de sécurité pour la chanson suivante ». L’avatar du chanteur demande aux spectateurs d’apprendre quelques pas de danse : les bras tendus à gauche puis à droite. Une belle initiative, amusante, mais difficile à appliquer à 40 000 personnes collées serrées… Qui ne se sont pas du tout prêtées au jeu. « C’est dommage », confie Emilien, jeune festivalier venu assister au concert. « Il fait plein d’appels à la danse, mais le public est un peu trop familial et mou ».

Trois albums, trois ambiances

Stromae a composé trois albums aux multiples tubes. Cheese, sorti en 2010, a connu un succès fulgurant, notamment grâce à son titre vitaminé, Alors on danse, qui a fait connaître l’artiste dans le monde entier. Après un burn-out et d’importants problèmes de santé, l’obligeant à s’éloigner de la scène pendant quelques années, le chanteur belge revient en force cette année avec un nouvel album. Album qui aborde sa dépression, ses difficultés et ses douleurs. Ces thématiques sont-elles compatibles avec un public de festivaliers assoiffés de danse et d’applaudissements ? Absolument. Alors qu’il commence le morceau L’enfer, titre qui aborde le sujet du suicide, le public chante à tue-tête dès les premières notes. Là est la force de Stromae : il réussit à toucher ses spectateurs par les mots simples et puissants qu’il choisit.

La setlist aussi n’a pas été composée au hasard. Grâce à une combinaison efficace, Stromae a réussi à ne pas miner le moral de son public et à garder une excitation constante. Il chante des titres qui bougent, qui donnent le sourire comme Tous les mêmes ou Mon amour dont le clip version télé réalité à fait rire les internautes il y a quelques semaines. Puis, changement d’ambiance. Le chanteur entre dans un cycle plus sombre avec son morceau La solassitude, qui parle de solitude et de célibat. « Ça va toujours Rock en Seine ? », lance-t-il en riant. Le public s’accroche et suit les pirouettes de l’artiste sans perdre leur enthousiasme.

Pour garder le rythme, Stromae a pu s’appuyer sur ses tubes mythiques. Lorsque les premières notes de Papaoutai résonnent, le public devient intenable. L’artiste n’a plus besoin de chanter, les spectateurs prennent le relais. Pour Jeanne, fan de l’artiste depuis ses débuts, c’est une réussite : « C’est la première fois que je vois Stromae en live et c’était vraiment comme je l’imaginais ». La même chose se produit sur Formidable, morceau pendant lequel les piétinements d’excitation ont créé un immense nuage de poussière. Mais l’apothéose a lieu lors du rappel : Stromae termine sur son inimitable Alors on danse, qui démontre une fois de plus, son intemporalité. 

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