Qu’elles soient absentes ou bien présentes sur vos doigts, vous n’y avez peut-être jamais prêté attention. Pourtant, il est bien probable qu’une demi-lune blanchâtre se dessine à la racine d’au moins l’un de vos ongles, le plus souvent le pouce, accolée aux cuticules. On appelle ces arcs blancs des lunules. 

Sur la toile, on prête à ces lunules des tas de significations tantôt farfelues tantôt préoccupantes. On peut lire par exemple, que des lunules trop grandes peuvent être symptomatiques de “problèmes cardiovasculaires, d’altérations du rythme cardiaque et d’une pression artérielle basse”. Ou au contraire, que des lunules absentes pourraient avoir “un lien avec un manque de fer ou de vitamine B12 ou même des problèmes de thyroïde”.

En bref, n’importe qui a de quoi s’inquiéter en scrutant ces doigts. Pourtant, rassure le Dr Georges Reuter, vice-président du Syndicat national des dermatologues-vénérologues, avoir ou non des lunules est le plus souvent fait du hasard. Et c’est surtout leur couleur qui doit être surveillée.

Avoir ou ne pas avoir de lunules : l’effet du hasard

Située à l’opposé du bord libre de l’ongle de main ou de pied, la lunule est remarquable par sa couleur blanchâtre et sa forme demi-circulaire. “Elle correspond au prolongement de la matrice unguéale sur la tablette de l’ongle”, précise le dermatologue avec des termes techniques. D’emblée, le Dr Georges Reuter tempère : les lunules sont naturelles, et leur aspect est très souvent physiologique.

“Elles peuvent apparaître et disparaître au cours de la vie, sans que cela n’ait de signification”, nous informe-t-il. Contrairement à ce qu’affirment certaines sources, influencées par la chiromancie – une pratique divinatoire supposée lire les différents signes de la main -ou des lectures biaisées de manuel de MTC sa présence sur l’index n’est pas révélatrice d’un dysfonctionnement de l’intestin et du pancréas, ni même de problèmes de thyroïde lorsqu’il n’y en a pas sur l’annulaire.

Pire encore : on entend parfois qu’une disparition de la lunule au niveau des pouces est le signe évident d’une maladie cardiovasculaire. “Cela a pu arriver pour des malades, mais il ne s’agit pas d’un symptôme. On ne fait pas le diagnostic d’une maladie sur l’aspect de la lunule”, démonte le dermatologue.

Ce qui en va de même pour la taille des lunules, associées à d’autres maux selon les sources. Sur Santé+, on lit par exemple que “la lunule de l’auriculaire devrait normalement être à peine visible voire totalement couverte par la peau ». Une taille trop grande pour alors prévenir Si vous constatez que sa taille est plus grande que d’habitude, cela pourrait prévenir d’une « hypertension artérielle”.

Constituée de cellules spécifiques, la taille des lunules en est une réalité variable dans le temps. Et cela n’est pas nécessairement symptomatique de troubles, assure le dermatologue. En revanche, le reculement consécutif des cuticules – dans le cadre d’une manucure, par exemple – peut véritablement avoir un effet sur la taille de la lunule. “En plus du développement de stries rouges liées à la dilatation de capillaires sanguins, la stimulation des cellules de la matrice peut entraînement le grossissement des lunules”, informe le Dr Reuter. Ce qui est parfaitement bénin, tempère-t-il. 

Lorsque les lunules doivent préoccuper

S’il apparaît peu pertinent d’examiner ses lunules pour s’auto-diagnostiquer une maladie cardiovasculaire ou une anémie, il n’en va pas de même pour les maladies dermatologiques. C’est le cas notamment de certaines pathologies inflammatoires et auto-immunes comme le psoriasis, le lichen plan, la pelade ou le lupus. “Dans certains cas, le diagnostic du psoriasis peut se faire uniquement grâce à la modification visible des lunules”, informe le dermatologue.

Parfois, la disparition de la lunule n’est qu’un effet d’optique, observe le soignant. Ce qui peut tout de même alerter quant à un éventuel hippocratisme. “Certaines maladies pulmonaires ou cardiaques peuvent provoquer un gonflement des doigts au niveau de la dernière phalange. Les mains ayant gonflé, on peut ne plus distinguer la lunule”. 

Une étude publiée en juin 2021 dans Science Direct expose notamment le cas d’un homme insuffisant rénal chronique (IRC) dont l’anémie était considérée comme « la principale cause de l’absence de lunule », incluant que « d’autres altérations métaboliques en rapport avec l’IRC pourraient aussi être en cause ».  

Une lunule déformée doit aussi pouvoir interroger. Une tâche de forme triangulaire peut par exemple résulter d’une “altération de la matrice” dû à un arrachement “accidentel de l’ongle”, mais peut aussi révéler la présence d’une “formation tumorale” en dessous de l’ongle, prévient le Dr Reuter. “Ce n’est pas forcément lié à un cancer”, tempère-t-il.

D’ailleurs, une lunule est-elle toujours de couleur blanche ? Non, et c’est peut-être aussi ce qui doit nécessiter un examen par un.e dermatologue. Des lunules rouges peuvent être révélatrices de maladies inflammatoires telles que la cirrhose, révèle le soignant. “Certaines formes très particulières de leucémies peuvent aussi leur donner cette couleur”. Des lunules bleues peuvent être un indice lors du diagnostic de la maladie de Wilson, une pathologie génétique liée à “des défauts du métabolisme du cuivre”, précise le Dr Reuter.

Si elles sont noires : pas de panique. A priori, c’est surtout lié à du sang coagulé en dessous, le plus souvent dû à un traumatisme de l’ongle.

En cas de doute, demandez l’avis à un professionnel de santé qui saura poser un diagnostic ou vous prescrire des tests complémentaires. 

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