- Des enseignantes formées à la relaxation et au post trauma
- Force, sérénité, détachement
- Reconstruire le discours sur soi et sur notre histoire
- Le mouvement qui soigne de l’intérieur
- Changer de regard sur le sport et le corps
- Influencer des populations entières
Il y a le sport des médailles et des records. Et il y a celui du quotidien, qui aide à surmonter, pas à pas, les épreuves douloureuses d’une vie. Entre les deux, athlètes, associations et autres coachs de conviction se font modèles, soutiens ou moteurs pour les personnes en quête de ressort intérieur.
Cette dynamique de résilience est portée haut et fort par Paris 2024. Le comité d’organisation des futurs jeux olympiques et paralympiques a créé un fonds de dotation dédié aux projets qui accompagnent, via le sport, les personnes vulnérables.
« L’objectif est de favoriser les qualités que peut développer l’activité physique : confiance en soi, respect de soi, envie d’avancer, de faire les choses », explique Marie Barsacq, directrice exécutive Impact et Héritage de Paris 2024. « Nous soutenons quelques 360 projets à finalité sociale, qui touchent au total près de 1 800 000 bénéficiaires ».
Une partie de ces projets visent les personnes porteuses de handicap : en créant des sections para sport, les clubs se font levier d’inclusion sociale. Selon la responsable, les données montrent que les participant à ces programmes sortent 3,6 jours par semaine de chez elles, au lieu de 2,6 sans la pratique.
Des enseignantes formées à la relaxation et au post trauma
Une autre famille d’initiatives se concentre sur la reconstruction de femmes en difficulté. Créée en 2017 par la triple championne du monde de karaté Laurence Fischer, l’association Fight for Fignity, propose ainsi de remonter la pente grâce à une pratique adaptée de l’art martial.
Les monitrices sont formées à une méthode spéciale mise au point par Laurence Fischer, riche en travail de respiration et de sophrologie. Elles sont aussi formées au post trauma afin de ne mettre en difficulté aucune élève.
L’association travaille main dans la main avec des structures médicalisées comme les Maisons des femmes. Ces dernières déploient un protocole de soins coordonné par un gynécologue, un psychologue ou un médecin apte à entendre l’histoire des patientes puis à les orienter vers des ateliers sportifs qui les motivent.
« Nos patientes ont subi des violences, ont été dénigrées, sont encore trop souvent sous emprise. Grâce au sport, elles se resocialisent, réapprennent à sentir bouger leur corps, ont moins l’impression d’être spectatrices de leur vie », note Delphine Giraud, sage-femme coordinatrice du parcours de soins à la Maison des femmes de la Pitié Salpêtrière.
« Ces ateliers sont partie prenante de la prise en charge thérapeutique ». Pour la soignante, ils aident les femmes à restaurer leur estime de soi, à se réapproprier leur corps, notamment en remettant en cause certaines croyances erronées.
Force, sérénité, détachement
« Apprendre à respirer avec le ventre a changé ma vie. J’ai retrouvé le moral et j’ai plus confiance en moi », témoigne Émilie, 41 ans, qui participe à l’atelier karaté adapté de La Maison des Femmes de St Denis.
« Rester concentrée deux heures durant sur autre chose que mes soucis m’aide à prendre du recul. J’apprécie particulièrement l’ambiance et la solidarité qui s’est créée avec les autres élèves ». Cette nouvelle complicité la rend plus forte, dit-elle, lui apporte une certaine sérénité et lui évite de se renfermer sur elle-même.
Avantage clair de ces cours « 100% bonheur », selon elle : ils s’effectuent à petit effectif (entre 5 et 7 élèves). « Les monitrices sont attentives à la manière dont nous respirons, dont nous réalisons les mouvements. Personne n’a envie d’abandonner », s’enthousiasme-t-elle.
« Ce cours me permet de vivre autre chose que la routine du travail qui par ailleurs est difficile, à cause d’un contexte conflictuel. Mon état de stress a diminué et j’arrive à faire abstraction certains mots désagréables qu’on m’assène pendant certaines réunions ».
Reconstruire le discours sur soi et sur notre histoire
« Le sport permet un apprentissage intérieur : à travers la pratique et les savoir-faire qu’elle développe, le sujet expérimente sa force vitale et une forme de retrouvailles avec lui-même », observe Philippe Bouhours, médecin psychiatre, co auteur avec Boris Cyrulnik de Sport et résilience (Ed. Odile Jacob).
« Professeurs, entraîneurs ou coachs font office de modèles de vie pour rebondir ». Pour le thérapeute, surmonter une épreuve ne dépend pas que de soi ; le processus de guérison doit être associé à une reconstruction identitaire, le plus souvent soutenue par ce qu’on appelle, dans le milieu psy, des tuteurs de résilience.
Ces derniers encouragent leurs élèves grâce aux valeurs positives qu’ils relayent. Ils aident à la réparation au travers de l’échange, des liens positifs qui se tissent, mais aussi de l’élaboration par le patient d’un nouveau discours vis-à-vis de lui-même. « La personne passée par un traumatisme doit reconstruire sa propre histoire sous un regard neuf pour en faire quelque chose de positif, transformer son expérience traumatique en une expérience qui va l’aider à reprendre pied dans la vie », précise le psychiatre.
Je pense que je serai allée moins loin et moins vite si je n’avais pas été si bien entourée. Par ma famille bien sûr mais aussi par mes collègues et ma hiérarchie.
C’est tout le sens de la trajectoire de Margot Boulet, passée du GIGN à… l’aviron, suite à un accident grave de parachute pendant l’exercice de ses fonctions. Fractures des vertèbres, cheville en miettes… la jeune femme est paralysée, temporairement.
Sa vie bascule… mais le sport et l’envie de se surpasser lui permettent de se reconstruire et d’être sélectionnée aux Jeux Paralympiques. « Je pense que je serai allée moins loin et moins vite si je n’avais pas été si bien entourée. Par ma famille bien sûr mais aussi par mes collègues et ma hiérarchie », partage la jeune femme. « J’ai pu choisir une autre voie, celle du sport de haut niveau, car j’ai eu la chance ou l’opportunité de pouvoir intégrer « L’armée des champions ». Cette structure propose des contrats d’accompagnement à des sportifs de haut niveau issus de toutes les fédérations confondues », décrit-elle.
Pour boucler la boucle, Margot Boulet vient de s’engager dans le dispositif « Avec nos Blessés » de l’armée. Le but ? Montrer aux militaires en convalescence comment le sport et le soutien de leur unité peuvent les aider à se reconstruire.
Le mouvement qui soigne de l’intérieur
La dynamique sportive peut aider à guérir, à devenir une personne enthousiaste et optimiste et même à motiver d’autres personnes dans ce sens, comme le montre la très résiliente Agathe Philbé. En 2015, un grave accident de la route bouleverse la vie de l’enseignante de yoga ashtanga.
Pendant les quatre années qui suivent, la jeune femme met à profit diverses formes et techniques de mouvement pour assurer sa rééducation puis sa guérison. Agathe forge alors une voie du mouvement qui soigne et éveille : « j’ai la conviction que chaque corps sait déjà intuitivement ce qui lui est bénéfique ; la connaissance profonde de ce qui permet de développer force, énergie et résilience, est déjà présente en nous », explique l’enseignante.
D’après elle, son rôle n’est pas de montrer à ses élèves “comment bouger” (si toutefois cela était possible…) mais de les aider à se reconnecter à leurs sensations, et de mieux se connaître, pour progresser.
« Comme Agathe, j’ai été victime il y a quelques années d’un très grave accident qui a brisé mes jambes. Trois ans après, alors que je pensais que ma mobilité ne pourrait plus s’améliorer, que j’étais allée au bout de mes possibilités de rééducation, Agathe est venue vers moi et m’a fait découvrir un nouveau champ de possibilités de mouvements. J’ai depuis un regard nouveau sur mon corps ; un corps abîmé, certes, mais merveilleux », témoigne l’une de ses élèves.
Changer de regard sur le sport et le corps
C’est tout l’intérêt du handisport, selon Philippe Bouhours. « Le handicap peut désormais être vu comme une capacité à se dépasser. On ne regarde plus une « personne handicapée » qui pratique un sport mais une manière de pratiquer un sport par un « individu porteur de handicap ». Ce que fait la personne de son handicap devient de plus en plus un sujet de société », décrypte le psychiatre.
Le soignant invite désormais à utiliser une expression qu’il a relevé récemment dans les pays anglosaxons : « êtres de détermination » (people of determination).
« Tous ces êtres qui rebondissent après des traumas sont des héros ! Dans mon cabinet, le handicap n’est plus le sujet. Nous travaillons sur la manière concrète de parvenir à l’étape d’après », décrit le professionnel.
Pour lui, l’enjeu est le même en situation de maladie, comme l’illustre le travail remarquable de l’association Cami Sport&Cancer. « On se rend compte que l’activité physique est la meilleure façon d’obtenir des résultats médicaux durables dans les maladies chroniques », avance Philippe Bouhours. « Pratiquer tous les matins est excellent permet notamment de réparer les circuits cérébraux. On peut proposer ce levier à toute la population sans limite de temps, d’âge, d’état physique ».
Influencer des populations entières
Laboratoire d’inventivité et de solidarité, le sport s’impose non seulement comme un moyen inédit d’améliorer le bien-être individuel mais aussi collectif des personnes. Dans son ouvrage Le Sport des solutions. Voyage en terre des possibles (Ed. Rue de l’Échiquier), l’ex directeur de l’ONG PLAY International David Blough offre un tour du monde des initiatives qui décuplent le potentiel social du sport, qu’il s’agisse d’une discipline encadrée, d’une activité physique libre ou d’un jeu sportif spontané.
« Un nombre grandissant d’éducateur·rices, d’animateur·rices, d’enseignant·es et d’entraîneur·euses utilisent le sport pour influencer positivement le parcours de vie de milliers de personnes, en particulier les plus démunis », témoigne l’auteur.
Des initiatives créent des ponts entre des communautés divisées en Israël, des actions favorisent l’égalité femmes-hommes au Brésil ou de programmes éducatifs en Afghanistan. Associations non lucratives et entreprises sociales pionnières constituent en ce sens un vivier d’innovations qui préfigure ce que le sport pourrait être demain. Soutenons-les !
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