Quand nos muscles souffrent, ils nous le font savoir : crampes, faiblesse, douleurs diffuses, fatigue permanente… Pour mieux soulager ces maux, il est essentiel d’en identifier les causes.
Restez informée
Nos 600 muscles sont indispensables au maintien de la posture, à la mobilité, la respiration, la contraction du coeur, la progression des aliments dans le tube digestif, etc. Les muscles striés sont ceux qui permettent le mouvement : chaque fibre musculaire est connectée à une terminaison nerveuse qui reçoit les ordres, venant du cerveau, de provoquer une contraction volontaire. Or, de multiples pathologies (infections, traumatismes, maladies neurologiques, etc.) peuvent entraver leur bon fonctionnement. Le Dr Alain Frey, chef du service de médecine du sport au CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, nous livre ses conseils.
La courbature et la contracture : un manque d’entraînement
La courbature survient lorsque l’on mobilise un groupe musculaire rarement sollicité, lors d’une nouvelle activité sportive, par exemple. Le pic de douleur se déclare 48 à 72 heures après. Une courbature sévère perdure souvent jusqu’à 5 jours. La contracture est une contraction de quelques fibres musculaires au sein d’un muscle, pendant un effort. Elle peut précéder une élongation ou encore une déchirure si ce dernier est poursuivi.
Que faire ? L’idéal pour atténuer la douleur est de s’étirer tout doucement et de manière progressive, en prenant si nécessaire un antalgique, type paracétamol. Surtout, pas d’anti-inflammatoires lors de la phase aiguë, car ils vont à l’encontre du processus naturel de réparation des muscles ! Autre solution pour décontracter le muscle lésé : appliquer du chaud dessus pendant 15 min environ, 3 à 5 fois par jour.
L’avis du spécialiste. « Il faut attendre au moins 24 heures avant un massage profond de récupération, car s’il est réalisé « à chaud », il va accentuer les lésions et la destruction musculaire. Passé ce délai, les massages peuvent être pratiqués sous le contrôle d’un kinésithérapeute et à condition de ne pas créer de douleur. Mêmes conseils concernant les étirements : ils doivent être très légers et s’arrêter avant toute sensation douloureuse. Quant aux baumes chauffants décontractants musculaires, à l’homéopathie, à l’arnica… ils n’ont pas formellement apporté la preuve de leur intérêt.«
Le claquage : une déchirure à l’intérieur du muscle
Le claquage touche le plus souvent les muscles des membres inférieurs, pendant un effort. La douleur, instantanée, est plus ou moins forte. « Le muscle lésé a lâché, faute d’être assez puissant pour résister au mouvement réalisé par le muscle antagoniste« , explique le médecin. « Lorsque l’on frappe dans un ballon, le quadriceps situé sur le devant de la cuisse travaille, mais le mouvement est obligatoirement contrôlé par les muscles postérieurs de la cuisse, les ischio-jambiers.«
Que faire ? Favoriser la compression du muscle avec une bande cohésive, en serrant légèrement afin de limiter l’épanchement sanguin sur la lésion ; poser dessus une poche de glace et surélever la jambe ; utiliser une attelle si poser le pied à terre est impossible.
L’avis du spécialiste. « Sous le contrôle du masseur-kinésithérapeute, il faut mobiliser le muscle le plus rapidement possible. Si l’hématome ne se résorbe pas tout seul, il faudra alors le ponctionner, aux alentours du 10e jour. Dans les cas très sévères, avec des désinsertions des muscles et des tendons, une intervention chirurgicale s’avère nécessaire, mais sans urgence absolue. La prévention se fait par le renforcement musculaire adapté à l’exercice physique, si l’on compte sortir de sa zone de confort. Par exemple, ischio-jambiers et quadriceps pour la course à pied en fractionné.«
La crampe : le muscle rétracte
La crampe est due à un spasme involontaire et brutal, douloureux et temporaire du muscle, qui « rétrécit » de 30 à 50 %. Elle est principalement liée à une déshydratation avant ou au cours d’un effort. Le corps étant constitué à 75 % d’eau, le muscle, à sec, se contracte mal. Elle survient parfois aussi à l’arrêt ou la nuit.
Que faire ? Etirer le muscle jusqu’à ce que la crampe passe. S’hydrater correctement au cours de l’exercice physique, sans attendre la sensation de soif, est également essentiel.
L’avis du spécialiste. « Si elles se répètent, les crampes peuvent être le signe d’une maladie rénale, thyroïdienne ou infectieuse, de taux trop faibles de potassium, de magnésium ou de calcium dans le sang, d’une affection neurologique chronique, ou résulter d’un abus d’excitants comme le café, le thé, etc. Parfois, des médicaments (diurétiques dans l’hypertension, statines dans l’excès de cholestérol…) sont aussi en cause. Si les crampes persistent, il faut consulter son médecin traitant.«
Fibromyalgie : des douleurs dans tout le corps au quotidien
Des douleurs musculaires et articulaires permanentes caractérisent la fibromyalgie, cette maladie chronique capable d’empêcher tout exercice physique ou tâche du quotidien. Au moins 1,5 % de la population française serait touchée – les femmes dans 8 cas sur 10, âgées de 30 à 55 ans, avec un pic autour de la ménopause.
Que faire ? La première thérapie est la reprise de la mobilité, car elle agit sur le contrôle de la douleur au niveau cérébral, via une activité physique adaptée (APA) comme la gym douce, le yoga, le qi gong ou encore le tai-chi. L’hypnothérapie facilite, elle aussi, la remise en mouvement. Par ailleurs, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et l’éducation thérapeutique améliorent la qualité de vie, l’estime de soi, le sentiment d’auto-efficacité, tout en réduisant le stress.
L’avis du spécialiste. « De manière ponctuelle, des traitements médicamenteux (antalgiques, antidépresseurs, antiépileptiques, etc.) sont éventuellement prescrits, pour un soulagement parfois efficace, mais partiel.«
Le syndrome des jambes sans repos : des « décharges » pendant le sommeil
La maladie de Willis-Ekbom ou « jambes sans repos », associée à des mouvements périodiques nocturnes (MPN) ou au cours du sommeil (MPS), se caractérise par des sensations désagréables (impatiences), des tiraillements, des fourmillements, des sortes de « décharges électriques », et même des douleurs musculaires dans les formes les plus sévères – dans les jambes, mais aussi les bras (20 % des cas) –, toutes les 20 à 40 secondes, pendant 5 à 20 minutes, plusieurs fois par nuit, voire en journée. La maladie, très souvent liée à une diminution des taux de fer dans le cerveau, du fait d’une dérégulation de la dopamine, une hormone au rôle clé, entraîne une élévation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle.
Que faire ? Marcher, bouger, se masser les pieds, se doucher les jambes à l’eau fraîche ou effectuer des mouvements de pédalage, allongé sur le dos, aide à soulager. La xanthine (présente dans le café, le thé ou le chocolat) est à éviter.
L’avis du spécialiste. « Il faut se rendre précocement dans un centre expert, car un traitement bien dosé peut largement soulager les symptômes« , conseille le Pr Yves Dauvilliers, directeur de l’unité du sommeil et coordinateur du centre de référence Hypersomnie rare au CHU de Montpellier. « Deux antiépileptiques (gabapentine, prégabaline) et de la codéine sont souvent prescrits en renfort. De nouveaux traitements (association fer/codéine, agonistes dopaminergiques) sont à l’étude.«
De bons os pour de bons muscles
En effet, si la diminution de la force musculaire est un facteur de risque d’ostéoporose et de fracture, la perte osseuse peut, à son tour, favoriser la fonte musculaire. De plus, « c’est la qualité même du muscle qui permet de prédire le risque de fracture, quel que soit le niveau de densitométrie osseuse« , explique le Pr Véronique Coxam, directrice de recherche à l’Inrae*. En outre, les muscles ont la capacité de stimuler la synthèse du tissu osseux.
*Institut national de la recherche agronomique, unité de Nutrition humaine, université d’Auvergne.
La souffrance musculaire est mesurable
Après un effort, quel qu’il soit, le taux sanguin de créatine phosphokinase (CPK), une enzyme musculaire, augmente. Chez un marathonien, il peut être multiplié par 200 et jusqu’à 24 heures après la course, et exprime une souffrance musculaire importante. Elle est naturelle lors d’un gros effort, mais il est possible de la prévenir en travaillant progressivement les groupes musculaires peu sollicités d’habitude.
Question au…
Professeur Shahram Attarian, neurologue, expert en maladies neuromusculaires et chef de service au CHU de La Timone, à Marseille
Comment déterminer l’origine des maladies neuromusculaires ?
« Elles sont dites neuromusculaires, car elles affectent la commande nerveuse du muscle : l’unité motrice (muscle, jonction nerf/muscle, nerf) fonctionne mal, et le muscle ne se contracte pas normalement. Un questionnaire (âge, douleur permanente ou non, antécédents familiaux, etc.) permet au médecin d’éliminer une maladie endocrinienne (type hypo ou hyperthyroïdie), des médicaments « toxiques » pour le muscle (comme les statines prescrites en cas d’hypercholestérolémie) ou une maladie auto-immune avec inflammation du muscle (les myosites). Si l’origine de la pathologie est génétique, des tests spécifiques sont effectués, afin d’identifier les gènes défaillants impliqués.«
Question au…
Professeur Yves Boirie, responsable de l’équipe de recherche Alimentation et santé musculo-squelettique (Inrae/Université Clermont-Auvergne, UMR 1019)
La perte musculaire liée à l’âge est-elle inévitable ?
« Passé 50 ans, la force et la masse musculaire diminuent significativement (sarcopénie) de 1,5 % par an, et même de 3 % après 60 ans. Près de 30 % des seniors sont concernés, a fortiori s’ils souffrent de maladies chroniques. Pour contrer cette perte, il est alors impératif de muscler son assiette ! Avec des aliments riches en protéines animales (viande, poisson, oeufs) ou végétales (céréales). Les besoins journaliers des plus de 65 ans sont de 1 à 1,2 g/kg de poids corporel et jusqu’à 1,5 g/kg en cas d’affection chronique ou aiguë. On se supplémente aussi en protéines rapides (lactosérum ou « petit-lait »), on veille à avoir un apport suffisant en leucine (produits laitiers, viande rouge) et on pratique des exercices de musculation deux fois par semaine.«
A lire aussi :
⋙ Réveil musculaire : 5 exercices pour s’étirer et déverrouiller ses articulations
⋙ Renforcement musculaire : 5 exercices à faire à la maison avec un ballon
⋙ Elongation ou déchirure musculaire : les solutions
Source: Lire L’Article Complet