Les Rolling Stones et la France entretiennent un lien particulier, nourri comme le veut la formule consacrée de sexe, drogue et rock’n’roll. C’est cette histoire qu’ont voulu raconter Raphaëlle Baillot et Elise Le Bivic dans le documentaire L’histoire française des Rolling Stones, diffusé le 20 juin sur France 5 et à voir sur France.tv jusqu’au 27 décembre 2022. Une intéressante piqûre de rappel alors que le groupe de septuagénaires, dont il ne reste, depuis la mort l’an passé du regretté Charlie Watts, que Mick Jagger, Keith Richards et Ronnie Wood, se produit en France cette semaine à Lyon (Groupama Stadium mardi 19 juillet) et à Paris (Hippodrome de Longchamp samedi 23 juillet).
Saccage à Marseille et oeil au beurre noir pour Mick
L’histoire commence en 1964, lorsque les Stones apparaissent pour la première fois à la télévision française, celle en noir et blanc du général de Gaulle. « Ça a changé ma vie (…) C’était une gifle à la gueule de l’establishment« , se souvient le chanteur Antoine. « Les Rolling Stones ne sont pas doux, ils ne sont pas gentils et souriants. Ils représentent la haine des conventions, le sexe, la violence« , assure pour sa part un journaliste télé au moment où ils donnent leur premier concert à Paris, en pleine période yéyé.
En 1966, leur passage à l’Olympia confirme cette image de mauvais garçons : la salle du boulevard des Capucines est saccagée. Prochain arrêt de la tournée : Marseille. Un événement entré dans la légende, dont témoignent dans le documentaire ceux qui étaient aux premières loges : l’animateur télé Jean-Pierre Foucault (alors tout jeune) qui organisait le concert, le chanteur aux cheveux longs Antoine qui assurait leur première partie, et le photographe Jean-Marie Périer. Comme à l’Olympia, le déchaînement des jeunes spectateurs fera son œuvre salle Vallier : vitres brisées, 130 chaises arrachées tandis que Mick Jagger finira sur un brancard avec un œil au beurre noir. « On ne peut pas contrôler la foule, car ils ne veulent pas être contrôlés« , soulignait alors simplement Mick Jagger au sujet de ce « pur moment de rock’n’roll« .
Exil doré sur la Côte d’Azur
La séquence qui s’ouvre en 1971 entre la France et les « Pierres qui Roulent » est sans doute la plus connue. Imposé en Grande-Bretagne à 95% en tant que très hauts revenus, le groupe claque la porte de son pays pour un exil fiscal de rêve : Keith Richards opte pour Villefranche-sur-Mer près de Nice, où il loue une superbe villa néo-classique, et où Mick, installé provisoirement à Paris, mais aussi Bill et Charlie, établis sur la Côte d’Azur, vont bientôt le rejoindre. Là, au sous-sol de la Villa Nellcôte, ils vont enregistrer leur meilleur album, le double Exile on Main Street.
Durant ce séjour qui va courir du printemps à la fin de l’été 1971, la villa est ouverte à tous les vents, aux musiciens, amis de passages et faune branchée. Le jeune photographe Dominique Tarlé, venu pour une journée, va y rester plusieurs mois – « Mais où tu vas ? Ta chambre est prête« , lui avait lancé Keith Richards, se remémore-t-il dans le doc. Ses clichés, qui montrent les Stones au naturel, lézardant dans la tiédeur de l’été, ont depuis fait le tour du monde.
Deux petits Anglais ont servi de « mules » à cocaïne
Le climat à Nellcôte est détendu car non seulement les compagnes des Stones sont présentes mais Keith invite aussi tous ses amis avec enfants pour que son jeune fils Marlon « ne soit pas entouré que d’adultes bizarres« . Une ambiance familiale en trompe-l’œil car la drogue coule à flots, aussi bien l’héroïne dans laquelle Keith est tombé et dont Marseille toute proche est alors la plaque tournante (la fameuse French Connection), que la cocaïne qu’il se font livrer en personne par leur dealer anglais Tommy Weber.
Pour la première fois, son fils Charley Weber témoigne face caméra de la façon dont lui et son frère Jake, âgés de 6 et 8 ans à l’époque, ont servi de mules pour leur père à l’aéroport, passant les douanes avec des sachets de drogue scotchés sur la poitrine et dans le dos. De son séjour à Nellcôte, il garde néanmoins un bon souvenir : « Anita (Pallenberg) faisait à manger et Keith était très sympa.«
Cocksucker blues, groupies et bacchanales
Le mariage de Mick Jagger avec la jet setteuse Bianca Pérez dans la petite église de Saint-Tropez, en mai 1971, est aussi relaté et « reconstitué » avec gourmandise par l’un des témoins, Jean-Marie Périer, aidé d’images d’époque. Il ouvre le chapitre sexe du documentaire. La soirée du mariage, au Byblos, raconte Périer, est une « bacchanale monstrueuse« . Et de marteler : « Toutes les femmes que j’ai vues à l’époque voulaient se taper Mick Jagger« . C’était « des grappes de gonzesses partout, il n’y avait qu’à se pencher« . Les groupies – un mot qu’aurait inventé le bassiste des Stones Bill Wyman – « aiment le sexe et coucher avec des gens connus« , explique Mick Jagger à l’époque.
Sauf qu’elles n’étaient pas toujours consentantes comme on le comprend à l’évocation de Cocksucker Blues, le mythique documentaire sur les coulisses de la tournée d’Exile on Main street, réalisé en 1972 par le photographe Robert Frank, qui avait eu carte blanche. Un film sulfureux et peu glorieux toujours interdit de diffusion par le groupe. L’attitude des Stones en la matière semble avoir néanmoins fait tache d’huile. Le guitariste Yarol Poupaud, qui rêverait se réincarner en Mick Jagger, assure en toute franchise : dans les années 90, avec FFF, « oui, on était défoncés, oui, on s’est tapés des nanas (…) ça faisait partie du package » rock’n’roll. Louis Bertignac, qui compare le répertoire des Stones à « des lingots d’or« , avoue lui aussi que ses roadies faisaient office de rabatteurs à filles après les concerts de Téléphone.
Tout ça pour finir « par boire du thé et faire du yoga« , ironise Marlon Magnée, le cofondateur du groupe La Femme. Aujourd’hui, « les Stones, c’est un vestige de l’époque, c’est un peu les Mozart du rock’n’roll« , résume-t-il : « Ils ont réussi à tenir le marathon jusqu’au bout. » Assister à un concert du plus endurant groupe de rock’n’roll en 2022 c’est venir « écouter son propre passé parce que les chansons sont souvent reliées à nos souvenirs« , analyse pour sa part Carla Bruni. « On vient voir un groupe légendaire, certes, mais ce qu’on va voir au fond c’est toute notre jeunesse.«
« L’histoire française des Rolling Stones » documentaire de Raphaëlle Baillot et Elise Le Bivic (inédit, 87 mn) est à voir sur France.tv jusqu’au 27 décembre 2022.
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