« Il est la preuve que les monstres ne ressemblent pas toujours à des monstres. » Avec cette phrase simple, le journaliste du Los Angeles Times, Christopher Goffard, résume parfaitement la problématique au coeur des méfaits commis par John Meehan, cet Américain qui a séduit, puis escroqué, manipulé et menacé plusieurs femmes au long de sa vie. Dont Debra Newell, architecte d’intérieur, qui fut sa dernière victime, en 2014-2016.
Un podcast écouté plus de 10 millions de fois
C’est leur histoire qui est racontée dans Dirty John, série de Bravo disponible sur Netflix depuis avril 2020 et diffusée en France sur TF1 à partir du 1er juin 2021. En huit épisodes haletants, on suit le basculement de cette famille aisée dans l’horreur à cause des mensonges et manipulations de John Meehan, qui se présente comme infirmier anesthésiste.
Attention : si vous souhaitez regarder la série Dirty John, ce papier contient quelques spoilers.
Impétueux, doucereux et envahissant, le bellâtre n’inspire pas confiance à Terra et Jacquelyn, les deux filles de sa nouvelle conquête, qu’il essaie d’isoler. Pourtant, il parvient très rapidement à prendre une place centrale dans sa vie, et même, à la régenter. L’engrenage est prenant, l’intrigue glaçante. C’est une démonstration implacable de la manière dont un pervers narcissique, ici un psychopathe brillamment joué par Eric Bana (Forgiven, Munich), peut rendre une personne vulnérable dépendante, et se servir de moyens technologiques pour la contrôler.
Connie Britton (Nashville), de son côté, incarne avec finesse l’hésitation permanente de son personnage, très naïve et dans le déni face à ce beau manipulateur qui lui a promis la Lune, après quatre divorces douloureux. Un conte d’horreur moderne qui devrait plaire à celles et ceux qui ont été fascinés par YOU, autre série sur un stalkeur bel homme. Une saison 2 de Dirty John a été annoncée par Bravo fin février.
Avant de devenir une série, les crimes commis par John Meehan ont été l’objet d’une longue enquête réalisée par le Los Angeles Times en 2016. En a découlé un podcast, Dirty John, très populaire, téléchargé plus de dix millions de fois dans ses six premières semaines. Cette fiction en reprend les grandes lignes, et même parfois, des répliques exactes, mais a dramatisé d’avantage certaines situations ou personnalités. Alors, que s’est-il vraiment passé ?
Un psychopathe sans pitié
John Meehan avait un très lourd passé avant de rencontrer Debra Newell en ligne. La sale histoire de Dirty John, documentaire consacré à l’histoire et également disponible sur Netflix, nous en apprend davantage. Il avait bel et bien grandi auprès d’un père véreux, qui lui a appris à manipuler les autres et ne lui a donné aucune sécurité émotive. John Meehan aurait pu devenir quelqu’un de bien en dépit de tout, mais cela n’a pas été le cas. Dès l’université, il se drogue, arnaque des femmes âgées isolées, va de fille en fille.
Jeune, il épouse une infirmière anesthésiste, avec laquelle il a eu deux filles. Si elles n’apparaissent pas dans la série, elles disent se sentir très éloignées de leur père, comme si, au fond, ils n’étaient pas de la même famille. Après avoir appris que son époux se droguait en dérobant des médicaments dans différents hôpitaux, et qu’il avait un passif d’arnaque à l’assurance, Tonia Sells décide de le quitter. C’est à ce moment-là que l’ordre des infirmiers se retourne contre lui, et que John Meehan révèle son vrai visage en la menaçant de mort au téléphone.
Le documentaire explore davantage le cas des autres femmes manipulées puis menacées par cet escroc, qui ne sont pas évoquées dans la série. Tous les membres des forces de l’ordre et de la justice interrogés s’accordent à dire que John Meehan était un individu particulièrement dangereux et nuisible, capable de tuer.
Debra Newell, sa dernière victime
John rencontre Debra Newell en ligne quelques jours à peine après avoir effectué une petite peine de prison. Les deux filles de cette architecte d’intérieur au grand coeur, guidée par sa foi, se méfient très vite de cet homme qui suit leur mère comme son ombre. Il parvient à manipuler leur mère facilement, essaie de la monter contre ses filles avec du chantage affectif. Ils se marient au bout de deux mois de relation, à Las Vegas.
« Je savais, au fond de moi, que quelque chose n’allait pas », reconnaît Debra Newell face caméra. Mais à ce moment-là, John Meehan vient combler un vide affectif dans la vie de cette femme accomplie professionnellement mais plusieurs fois divorcée, qui ne parvient pas à voir que ses « mauvais côtés » sont surtout le reflet d’une personnalité malveillante.
Très inquiète pour sa mère, Jacquelyn engage un détective privé, qui met à jour le passé de John Meehan : vol et recel de drogues, menaces, stalking, détention d’arme, condamnation à un éloignement forcé pour plusieurs femmes. Dans un premier temps, Debra Newell décide de lui redonner une chance, le prenant en pitié car « il n’a personne« , et parce qu’il lui assure être innocent dans toutes les accusations et condamnations lancées contre lui au fil des années. Mais sa volonté de contrôle est insatiable, et la quinquagénaire finit par prendre conscience qu’elle doit échapper à cet homme toxique et cupide.
Commence une vie à dormir des motels discrets, déguisée sous une perruque et des vêtements simples, rythmée par les menaces de plus en plus effrayantes de John Meehan. Le 20 août 2016, il tente de poignarder Terra Newell, la fille cadette de Debra, sur le parking de son immeuble. La jeune fille parvient à le blesser très grièvement. Il meurt quatre jours plus tard.
L’affaire Dirty John ne s’est pas cantonnée à la rubrique des faits divers. Elle a passionné un pays entier, et permis de donner un exemple, affreux, de la manière dont une femme peut tomber dans les filets d’un homme malsain, quand le coeur ne suit pas la raison.
Cette affaire illustre à quel point il peut être difficile de sortir d’une relation toxique, et c’est à ce titre que Debra Newell a tenu à raconter son histoire au plus grand nombre. « Cela m’a amenée à revoir ma manière de voir l’amour », confie-t-elle dans le documentaire.
« Dirty John », avec Connie Britton et Eric Bana, saison 1 disponible sur Netflix
« La sale histoire de Dirty John », disponible sur Netflix
Source: Lire L’Article Complet