Conjointement au vieillissement de la population, les cas de maladies neurodégénératives augmentent dans le monde. Pourtant, la recherche, stagne. En 2018, le laboratoire pharmaceutique Pfizer avait même annoncé stopper la recherche de développement de médicaments pour ces pathologies comme la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson.

« Ce serait formidable si nous avions des médicaments qui fonctionnaient. Mais ils ne représentent pas la seule voie à suivre », annonce Dr Gill Livingston, psychiatre à l’University College London et président de la Commission Lancet sur la prévention, l’intervention et les soins de la démence, aux prémices d’une nouvelle étude.

Cette dernière, publiée le 1er juin 2022 dans la revue scientifique JAMA Neurology vient confirmer l’hypothèse soutenue par la Commission depuis 2017, à savoir que l’analyse des douze facteurs des risques de la démence peut permettre d’en éviter de nombreux cas.

Plus de 100 000 cas de démence recensés aux États-Unis auraient pu être évités, si on avait porté notre attention sur la qualité de la vue des patients”, peut-on lire dans l’étude. Le traitement des déficiences visuelles pourrait alors “représenter une cible viable pour de futures recherches interventionnelles visant à ralentir le déclin cognitif ». 

De l’importance d’étudier les facteurs de risques

L’échec des derniers essais cliniques visant à tester l’efficacité du médicament « Crenezumab » contre la maladie d’Alzheimer a tout de même un versant positif. Les chercheurs de la Commission Lancet ont mis en place une nouvelle approche, à l’opposé du traitement par les molécules.

Dès 2017, ils ont identifiés les différents facteurs de risques liés à la démence, à savoir un faible niveau d’éducation, l’hypertension artérielle, la déficience auditive, le tabagisme, l’obésité, la dépression, la sédentarité, le diabète ou encore l’isolement social. En 2020, l’abus d’alcool, la pollution de l’air et les lésions cérébrales ont été ajoutées à la liste.

À l’aide de plusieurs études, les chercheurs se sont aperçus que le traitement préventif de certains de ces facteurs de risques avait permis d’éviter un déclin cognitif. Par exemple, l’étude note que “l’exercice soutenu dans la quarantaine, et peut-être plus tard dans la vie, protège de la démence en nous préservant de l’obésité, du diabète et des maladies cardiovasculaires”. 

“Ensemble, les douze facteurs de risque modifiables représentent environ 40% des démences dans le monde qui pourraient donc théoriquement être évitées ou retardées”, rapporte l’étude. Cette stratégie représente « un changement radical de concept », a déclaré le Dr Julio Rojas, neurologue à l’Université de Californie, au New York Times.

Agir maintenant sur la prévention, l’intervention et les soins de la démence améliorera considérablement la vie et la mort des personnes atteintes de démence et de leurs familles, et donc de la société”, poursuivent les chercheurs.

Contrôler la vue des patients pour prévenir la démence

De telles observations n’ont pas manqué d’inspirer les chercheurs à évaluer l’efficacité de la prévention de ces facteurs sur le développement de la démence. Les scientifiques à l’origine de l’étudeont souhaité opérer leurs propres tests, sur une population composée de 16690 personnes, âgées de plus de 50 ans.

Les analyses ont été menées du 11 mars au 24 septembre 2021 et ont permis d’attester que 62 % des cas actuels de démence auraient pu être évités après étude des facteurs de risque. Les travaux des scientifiques suggèrent notamment que le traitement des troubles de la vue pourrait réduire la probabilité de développer une démence

Pourquoi ? Parce que le “système neuronal maintient sa fonction grâce à la stimulation des organes sensoriels », a expliqué Dr Rojas auprès du New York Times. “Quand vous ne pouvez plus voir les cartes, vous arrêtez de jouer avec des amis”, illustre dans l’étude, Dr Desa Ehrlich. 

En juin 2020, une étude coréenne publiée dans le Scientific Reports allait déjà dans ce sens. Elle affirmait que les patients de plus de 40 ans ayant des troubles visuels avaient 50% de risque supplémentaire de développer la maladie d’Alzheimer. 

En 2021, des chercheurs britanniques assuraient que ce risque était 26 % plus élevé chez les personnes atteintes de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), 11 % plus élevé chez les personnes ayant une cataracte et 61 % plus élevé chez les personnes ayant des troubles de la vision liés au diabète.

Pour les chercheurs, cette découverte est plus qu’encourageante, car l’on sait que les chirurgies ophtalmologiques et prescriptions de lunettes sont relativement accessibles, et peu coûteuses.

« Dans le monde, 80 à 90 % des troubles de la vision et de la cécité peuvent être évités grâce à une détection et un traitement précoces, ou n’ont pas encore été traités », termine l’étude.

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