• Des médecins précurseurs
  • Les femmes aident les femmes
  • Écouter et comprendre son corps

Consultations expéditives, verdicts assénés (« Oh vous, vous n’aurez jamais d’enfant… »), diagnostics mécaniques… On connaît toutes des femmes qui se sont fait maltraiter dans le cabinet du gynécologue.

Pourtant, devant l’autorité du médecin et la somme de croyances insufflées depuis notre plus jeune âge (« Bah oui, les règles, ça fait mal… »), la plupart des victimes de violences gynécologiques ne se sont jamais rebiffées.

Aujourd’hui, les lignes bougent. Une poignée de médecins, mais aussi des femmes qui ont fait de ce sujet leur spécialité, donnent une nouvelle dimension à la gynécologie avec des messages qui encouragent l’éducation et la compréhension du corps.

Des médecins précurseurs

Anne-Sophie Charpentier, gynécologue, explique : « Dans ma pratique, j’essaie de prendre soin des femmes, voire des couples, dans toutes leurs dimensions : physique, biologique, psychologique. Toutes ces sphères interagissent dans l’état de santé, on ne peut pas s’arrêter à une médecine qui ne s’occupe que des hormones et des tissus. En tant que médecin, j’ai croisé des guérisons qui n’étaient pas explicables par la science classique. »

C’est après un burn-out associé à un syndrome prémenstruel bouleversant que Rabab Mosbah, gynécologue et chirurgienne, s’est tournée vers une approche plus globale de son métier. « Même si nous avons fait douze ans d’études, nous devons accepter, nous, les spécialistes, qu’il y a toujours bien des choses à apprendre pour développer notre pratique. Quand une patiente consulte pour des troubles du cycle associés à des règles hyper-abondantes, que l’on fait tous les bilans médicaux et que tout est normal, on ne peut pas s’arrêter là. D’autres causes, notamment émotionnelles, peuvent être à l’origine du problème », reconnaît-elle avec humilité.

Quand on calme le symptôme dans un premier temps, cela permet de rendre la personne plus disponible à un travail profond.

Plutôt que de s’arrêter au symptôme et de l’éteindre systématiquement avec des médicaments ou la pilule, ces médecins creusent désormais les problèmes jusqu’à la source. « La pilule a son importance car elle peut calmer des douleurs, mais ce n’est pas un traitement. C’est comme le paracétamol qui agit sur les symptômes sans guérir. Un changement d’alimentation, une meilleure gestion du stress ou la prise des bons compléments alimentaires peuvent changer le visage d’une pathologie. Parfois, il faut associer de la réflexologie, de l’ostéopathie, voire de la psychologie pour réellement améliorer la qualité de vie d’une patiente », poursuit Rabab Mosbah.

Anne-Sophie Charpentier renchérit : « Dans le cas de l’endométriose, des cellules endométriales migrent selon des flux chaotiques dans le petit bassin. Mais, en médecine strictement conventionnelle, on se focalise sur les conséquences sans chercher à s’occuper de l’origine de la dysharmonie des flux. Pourtant, comprendre le symptôme, plutôt que de le faire taire par un diagnostic ou un médicament, permet de se libérer de couches émotionnelles, de croyances et, parfois, d’ainsi le dépasser. »

Pour autant, pas question de se passer systématiquement de médicaments, ces aides si précieuses. « Quand on calme le symptôme dans un premier temps, cela permet de rendre la personne plus disponible à un travail profond », précise-t-elle.

Les femmes aident les femmes

Nombreuses sont les thérapeutes qui supplémentent le travail des médecins sur le sujet essentiel de la gynécologie. C’est le cas de Maud Renard, créatrice de Gyn’émotion, qui propose un accompagnement en gynécologie émotionnelle. L’auteure du (très bon) livre Habiter son utérus (Ed. Tana Éditions) propose un suivi sur six séances, dont la première dure deux heures.

« Pour faire un véritable bilan, parler de tous les antécédents, des douleurs, des saignements, des tiraillements, des hormones mais aussi de l’alimentation et de la sexualité, bien sûr. C’est aussi le temps nécessaire pour que les femmes se sentent en confiance et aient envie de délier les mots. Prendre soin de sa sphère gynécologique ne se fait pas en un jour, tout comme on va rarement chez le kiné pour une seule séance », précise la thérapeute, formée en Colombie, où les médecines traditionnelles et ancestrales, qui prennent en compte le pan émotionnel des maux, sont toujours bien ancrées dans les mœurs.

Sa quête : décoder les émotions qui sont imprimées dans le corps et peuvent se manifester parfois assez violemment, comme on enlèverait les feuilles d’un artichaut, délicatement et une à une, parfois jusqu’au cœur. Observées la plupart du temps, des croyances bien ancrées : « C’est ça, être une femme », « De toute façon, je vais avoir mal », « J’ai des mycoses en série, c’est ma nature ».

Autant d’occasions de remettre les choses à leur place pour sortir des schémas bloquants, de proposer des émotions plus confortables, mais aussi d’éduquer les femmes. 

Écouter et comprendre son corps

Gaëlle Baldassari, auteure*à l’origine de l’Instagram @kiffetoncycle, comptabilise près de 30 000 abonnées. Son objectif : éduquer les femmes aux manifestations de leur corps à travers des programmes ciblés, conçus en association avec une naturopathe, et des colloques en ligne où des spécialistes décortiquent chaque aspect des maux que l’on prend trop souvent pour acquis.

« En pleine souffrance dans un processus de PMA (procréation médicalement assistée, ndlr), j’ai entendu me dire que mon mal-être n’avait rien à voir avec mes fluctuations hormonales et que cela devait être le stress de tant vouloir un bébé. C’est ainsi que j’ai commencé à faire ma propre éducation », raconte-t-elle.

Je pousse les femmes à s’observer. Je recommande de tenir un journal, comme un “tracking” du cycle, qui permet de faire le point rapidement sur la situation.

Sa métaphore favorite : le cycle s’apparente à une session de surf, parfois sur des vaguelettes, d’autres fois dans un tsunami. Pendant les règles, on est posée sur sa planche et on attend les vagues, puis, entre les règles et l’ovulation, on déploie un élan énergétique, débout sur la planche on rayonne, ensuite on entre dans le tube de la vague – c’est le syndrome prémenstruel –, puis on s’apaise et ça recommence.

« Je pousse les femmes à s’observer. Je recommande de tenir un journal, comme un “tracking” du cycle, qui permet de faire le point rapidement sur la situation que l’on vit, sans dramatiser, ni culpabiliser », précise-t-elle. Une véritable re-connexion au corps qui demande d’observer des choses qui semblent parfois peu ragoûtantes de prime abord, comme « l’effet patinoire dans la culotte », quand les pertes blanches indiquent l’ovulation, ou des flux qui s’écoulent par caillots. Le quotidien des femmes, en fait.

Éveillée par @kiffetoncycle, Rabab Mosbah se lance à son tour sur Instagram en 2020 avec son compte @doc_ sante_gyneco, qui décrypte et éduque les femmes, mais aussi les médecins, aux questions les plus récurrentes sur les règles, le syndrome prémenstruel, la contraception…

S’informer en ligne, un biais peut-être plus abordable que les autres pour prendre soin de soi : « Les femmes se font toujours passer au second plan et attendent d’être en grande souffrance pour consulter, et la pénurie de spécialistes du féminin ne favorise pas l’éducation. Avec les ateliers en ligne, on facilite la transmission des informations essentielles : plus besoin de prendre rendez-vous et de se déplacer, elles peuvent prendre la main sur leur corps plus facilement », se réjouit la gynécologue. Et retrouver ainsi leur pleine puissance !

* Kiffe ton cycle ! (éd. Larousse).

Article publié dans le magazine Marie Claire Hors-Série Respiration n°7, printemps-été 2022

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