À l’affiche d’Hommes au bord de la crise de nerfs et de Champagne, le comédien est un artiste aux multiples facettes, homme de scène et amateur de vin. Il nous a reçus à la bonne franquette.

  • François-Xavier Demaison

En quoi le regard d’Audrey Dana sur la gent masculine dans Hommes au bord de la crise de nerfs vous a-t-il séduit ?

F.-X. D. Audrey est une « humaniterrienne », aussi amoureuse de la terre que des hommes. Je trouvais son discours apaisant. Elle déconstruit les clichés et raconte ces hommes perdus avec tendresse. Je suis très touché par mon personnage qui vit masqué : face à sa famille, il n’assume pas la vie qu’il a construite avec son conjoint. C’est un film positif, réconciliateur et l’expérience du tournage a été folle. Ce que vous verrez à l’écran est ce que nous avons vécu dans le Vercors : nous avons vraiment été enterrés jusqu’au cou et avons fait des nuits blanches à cause des loups… Ça soude un groupe, forcément !

Le film aborde la question des injonctions faites aux hommes. Vous en sentez-vous victime ?

F.-X. D. Plutôt en tant qu’artiste. On nous demande de nous prononcer sur tout alors que nous ne sommes experts ni en économie, ni en politique, ni en football. Tout ne doit pas être tribune. Je préfère que mes choix artistiques racontent mes engagements et j’évite de donner des leçons ou de pousser des coups de gueule sur les plateaux télé. En tant qu’homme, il serait par ailleurs déplacé de dire que je souffre d’injonctions, au regard de celles que subissent les femmes. Comme le raconte le film, je suis en revanche ravi qu’il soit plus admis aujourd’hui pour un homme d’exprimer ses doutes et sa fragilité.

Vous dites que votre personnage vit masqué. Personnellement, avez-vous déjà eu la sensation de ne pas être sur le bon chemin ?

F.-X. D. J’ai longtemps été le bon élève qui cachait le saltimbanque. Je rêvais de monter sur scène mais, sans doute par conditionnement et pour faire plaisir à mes parents, j’ai d’abord planté le drapeau de la réussite scolaire. Mais je n’étais pas malheureux. Il aura fallu un événement dramatique pour que je comprenne que je m’étais trompé de voie : j’ai réalisé que la vie ne tenait qu’à un fil le 11 septembre 2001. J’étais alors fiscaliste à New York. Ce choc a été cathartique, comme la pandémie pour certains.

Vos parents ont-ils facilement accepté votre changement de vie ?

F.-X. D. Ils ont été très inquiets, mais comme tous les parents dignes de ce nom, ils voulaient mon bonheur et ont vite été rassurés : j’ai arrêté mon métier en 2003 et six ans plus tard, j’étais nommé au César du meilleur acteur pour Coluche. Vingt ans après, j’ai la chance d’être toujours là !

Enfant, vous rêviez-vous acteur ?

F.-X. D. Mes parents travaillaient beaucoup et j’allais en vacances d’été dans la Creuse chez mes grands-parents : l’ennui que j’y éprouvais parfois stimulait ma créativité et mon imagination. Je passais des après-midi à rêver de la vie que j’ai aujourd’hui. Mon grand-père, qui avait beaucoup d’humour, m’a énormément soutenu dans mon parcours. Avec ma grand-mère, qui avait le sens du beau et du bon, ils ont beaucoup contribué à forger ma personnalité. Mais je le sais aujourd’hui : chaque étape compte. Sans ma première vie dans la finance, je n’aurais peut-être pas eu autant la niaque pour la seconde.

Dans cette seconde vie, vous êtes aussi vigneron…

F.-X. D. J’ai grandi en banlieue parisienne, mais grâce à ma femme, Anaïs, qui vient d’un village à la frontière espagnole, j’ai découvert une autre existence faite de rapports simples, du plaisir de ralentir dans une vie que je mène à cent à l’heure depuis quinze ans, et d’un lien fort à la terre. Je suis tombé amoureux du Roussillon et quand j’ai eu envie de faire du vin, j’ai rencontré mon associé, Dominique Laporte, meilleur sommelier et ouvrier de France. Je ne voulais pas juste une étiquette avec mon nom, mais vraiment participer au travail. Je suis présent à chaque étape, des vendanges à l’assemblage de nos cuvées.

D’où vient cette passion pour la chose viticole ?

F.-X. D. De mon père, qui était un bon vivant, et de mes tournées, durant lesquelles j’ai eu la chance de croiser des vignerons. Mais je ne suis pas collectionneur : je suis plutôt à flux tendu ! Dès qu’une occasion se présente, je sors une bonne bouteille.

Le vin est d’ailleurs le fil rouge de votre seul-en-scène…

F.-X. D. Déboucher un grand cru ou cuisiner pour les siens, c’est dire « Je t’aime ». Les bonnes bouteilles sont liées au souvenir des gens avec qui on les a bues : ce sont eux que je raconte sur scène. Mais mon spectacle est aussi et avant tout une déclaration d’amour à mon métier qui me manquait beaucoup au moment où je l’ai écrit, pendant la pandémie.

Que vous apporte le cinéma ?

F.-X. D. En ce moment ? Une masterclass quotidienne. Je tourne avec Isabelle Huppert dans La Syndicaliste, de Jean-Paul Salomé, et j’apprends mon métier en la regardant jouer. Plus largement, le cinéma, c’est la possibilité de plonger dans des univers différents, de Pagnol pour Christophe Barratier dans Le Temps des secrets, à la comédie chorale de Nicolas Vanier pour Champagne ! [sortie le 8 juin, ndlr.] Le film se passe dans un vignoble, mais mon personnage n’y connaît rien : un rôle de composition pour lequel je brigue un César ! Le tournage était très festif : avec Stéphane De Groodt, nous avons rendu visite à quelques vignerons qui nous ont très bien reçus. Trop même pour tourner le lendemain parfois…

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