« Il faut que ça cesse. » Jeudi 22 mai 2022, sur la scène de la Laiterie, à Strasbourg, le rappeur Dinos prend soudainement une mine grave, interrompt quelques instants son concert. Il doit prévenir son public qu’à sa dernière représentation, une dizaine de spectatrices ont été piquées à leur insu.

Des fosses aux gradins des salles de concert, mais aussi, dans les clubs, les bars, ou encore les festivals, des individus malintentionnés piquent sauvagement des inconnus.

Flambée des signalements en mai 2022

Depuis la fin du mois de mars 2022, presque 350 clientes et clients de lieux de nuit ont porté plainte pour des piqûres reçues au sein de ces établissements, à travers toute la France, comme le révèle France Inter ce lundi 30 mai 2022. Et plus de la moitié de ces plaintes – près de 200 – ont été enregistrées uniquement au cours du mois de mai, toujours d’après les informations de la radio publique. 

Ces chiffres sont inquiétants. Pourtant, il pourrait être en deçà de la réalité, puisque sont comptablisées, seulement, les plaintes déposées dans les commissariats, et non celles réceptionnées par les gendarmes.

Autre information préoccupante : ni le contenu de ces seringues, ni les motivations des « piqueurs », n’ont été pour l’heure identifiés. Et aucun auteur présumé n’a été interpellé.  

Quels sont les symptômes des personnes piquées ? 

« Je n’ai rien senti sur l’instant T », témoigne sur son compte Twitter un Rennais, piqué lors du concert du rappeur PLK dans sa ville, le 21 mai 2022. 

Deux jours après cette soirée, le jeune homme remarque une « marque étrange sur [s]a cuisse » : une piqûre rouge entourée d’un hématome bleu, qu’il photographie et partage sur le réseau social pour alerter. Son médecin l’identifiera comme une piqûre de seringue.

« On a aucune sensation quand [les seringues] nous touchent », confirme une autre internaute, piquée le 24 mai 2022 à l’un des concerts parisiens du groupe PNL.

Si ces victimes expliquent n’avoir détecté aucune douleur au moment de l’agression, d’autres témoignent des différents maux survenus dans les heures qui ont suivi la piqûre.

Et décrivent à peu près tous les mêmes symptômes : nausées, bouffées de chaleurs, fourmillements, vertiges, voire malaises. Une jeune pompière montpelliéraine piquée est même tombée dans le coma quelques heures, rapportait Midi Libre début mai.

Certains évoquent aussi une douleur vive au bras, une extrême fatigue ressentie, ou encore, un intense mal de tête. 

Une vingtenaire piquée, conduite aux urgences par ses amies après avoir fait un malaise, assure quant à elle à l’AFP, avoir eu « les yeux révulsés » et une paralysie « du côté droit pendant deux jours ».

Que dois-je faire si je crois avoir été piqué(e) ?

Face à cette vague de signalements, le ministère de l’Intérieur et la Police nationale ont livré sur leurs réseaux sociaux respectifs la marche à suivre si on craint d’avoir été piqué·e.

D’abord, « essayez d’identifier les auteurs », puis « prévenez la direction de l’établissement », afin d’être mis en sécurité.

J’insiste, il ne faut pas laisser le temps à la drogue d’agir car vous pourriez perdre votre lucidité et ne plus être en mesure de chercher du secours, demandez donc immédiatement de l’aide.

Le « Doc Amine », médecin généraliste suivi par des milliers d’internautes sur Instagram où il vulgarise la médecine, souhaite aussi alerter des bons gestes à adopter face à cet inquiétant phénomène. Il précise qu’il faut expressément prévenir son entourage. « J’insiste, il ne faut pas laisser le temps à la drogue d’agir car vous pourriez perdre votre lucidité et ne plus être en mesure de chercher du secours, demandez donc immédiatement de l’aide », appuie-t-il.

Il faut ensuite composer le 17 (numéro de Police secours), le 112 (numéro d’urgence), ou le 114 (numéro d’urgence pour les sourds et malentendants) par SMS, et se rendre aux Urgences « sans délai », pour qu’un bilan toxicologique soit effectué

Le « sans délai » est crucial, car les examens qui permettent de déceler les traces de GHB – la « drogue des violeurs » – doivent être réalisés le plus rapidement possible. Dans les 8 heures maximum suivant la piqûre pour un prélèvement sanguin, ou jusqu’à 12 heures après cette agression, en cas d’analyse urinaire.

Les victimes présumées sont ensuite invitées à se manifester auprès d’un commissariat de police ou d’une brigade de gendarmerie, afin de déposer plainte.

Si les personnes exposées s’y sont rendues avant d’aller aux Urgences, elles pourront y être dépistées. Car les policiers réclament à la justice ces analyses, qui permettent de détecter la présence et la nature de la substance injectée, et d’indiquer s’il y a eu, aussi, contamination par ces aiguilles.

Par ailleurs, certaines personnes piquées ont reçu par précaution un traitement préventif post-exposition au VIH. 

Le ministère de l’Intérieur rappelle que pour toute question, les concerné·es peuvent contacter le service d’urgence « Drogue Info Service », disponible 7 jours sur 7, de 8 heures à 2 heures du matin. Cet appel au 0 800 23 13 13 est anonyme et gratuit depuis un poste fixe. 

Que faire si on est témoin d’une piqûre sauvage ?

Le rôle du témoin est clé, car la personne piquée peut rapidement devenir fébrile, voire perdre connaissance.

Le sujet à ses côtés doit donc, en premier lieu, vérifier son état de conscience, indique le médecin. 

Si elle est consciente, ce dernier préconise de rester auprès d’elle, après avoir appelé le 112. « Assurez-vous de son état de conscience, demandez-lui si elle a des problèmes de santé, si elle prend des médicaments et essayez de la maintenir réveillée », liste-t-il.

Dans le cas de figure où la victime est inconsciente, le témoin doit « vérifier qu’elle respire en posant [sa] main sur l’abdomen et en ressentant les mouvements abdominaux ».

« Si elle ne respire pas, appelez le 15 [numéro du Samu, ndlr], demandez d’urgence de l’aide autour de vous, demandez un défibrillateur (la plupart des établissements en sont équipés) et commencez un massage cardiaque », poursuit le spécialiste.

Fin avril 2022, avant l’explosion des signalements le mois suivant, aucune agression sexuelle ou physique, et aucun vol, n’avait été signalé en marge de ces injections. Alors qu’au Royaume-Uni, où les cas se sont enchaînés depuis novembre 2021, de nombreuses femmes ont témoigné leur crainte d’être agressées après avoir été droguées contre leur gré.

Organisées derrière le mouvement Balance Ton Bar, ces Britanniques interpellent les pouvoirs publics locaux et exigent leur protection. 

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