Il est parfois tentant de couper, écraser, ouvrir… ses gélules pour mieux les gober. Et pourtant, cette petite cuisine toute personnelle peut avoir des conséquences.

Avec Pre Christine Charrueau, enseignante-chercheur à la faculté de Pharmacie de Paris

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Mieux vaut éviter de broyer son comprimé ou d’avaler le contenu de sa gélule sans l’enveloppe. Pourquoi ? Parce que si le principe actif, la partie « efficace » du traitement, est primordial, la forme pharmaceutique, sa « formulation galénique », a elle aussi son importance. « Cette formulation a pour objectif d’assurer la libération du principe actif, son absorption et son efficacité thérapeutique », explique la Pre Christine Charrueau.

Broyer ses comprimés : attention au surdosage

Certains écrasent leur cachet trop gros pour l’avaler plus facilement. Or les « comprimés à libération prolongée ont pour but de maintenir une concentration efficace en principe actif plus longtemps dans l’organisme, pour qu’il fasse effet sur la durée », précise la Pre Charrueau. Si on les prend réduits en poudre, on reçoit d’un coup une forte dose de principe actif, alors qu’il est supposé être délivré progressivement. C’est le cas par exemple du Bi Profenid LP, un anti-inflammatoire non stéroïdien.

Les médicaments à libération conventionnelle « se désagrègent dans l’estomac en moins de quinze minutes et leur principe actif est rapidement absorbé dans la circulation sanguine, indique notre experte. Ils peuvent éventuellement être écrasés… mais pas toujours. » Pas de risque avec le Doliprane par exemple, un comprimé non enrobé. Mais le comprimé pelliculé d’Aldactone, un diurétique prescrit en cas d’hypertension artérielle, doit être avalé tel quel. « Son pelliculage ne modifie pas la durée de libération mais il protège le patient du goût très amer du principe actif », ajoute-t-elle.

Comment contourner le problème ? Tout médicament marqué « LP » (pour « libération prolongée ») ou « gastrorésistant » doit être pris en l’état. Et on lit bien la notice : elle spécifie si le médicament ne doit être ni broyé, ni mâché, ni sucé… On peut également chercher conseil auprès de son pharmacien : c’est le professionnel de santé le plus à même de répondre aux questions concernant la formulation galénique. Et si ça ne passe vraiment pas, on demande à son médecin s’il ne peut pas prescrire une forme plus facile d’utilisation.

Ouvrir ses gélules : gare aux irritations

Si elles sont trop grosses, on peut avoir envie de l’ouvrir pour en avaler le contenu. Comme pour les comprimés, la prudence s’impose. Il ne faut pas ouvrir les gélules « à libération modifiée ». Pour celles à libération conventionnelle, ça dépend. Il faut s’abstenir avec Carbolevure, qui soulage les ballonnements, car son ouverture risque de modifier la biodisponibilité des principes actifs. Pas de problème en revanche avec les gélules de Mopral (contre les ulcères de l’estomac) : on peut récupérer les microgranules gastrorésistantes qu’elles contiennent et les avaler avec un peu d’eau, en veillant à ne surtout pas les écraser.

Parfois aussi, l’enveloppe de la gélule assure la protection de la muqueuse buccale et de l’œsophage. C’est le cas pour ART 50 mg, un anti-inflammatoire prescrit pour soulager certaines formes d’arthrose, dont le principe actif, la diacéréine, est très irritant. Enfin, « les comprimés ou gélules utilisés en chimiothérapie par voie orale ne doivent absolument pas être broyés ou ouverts : leur principe actif, très toxique, peut agresser les muqueuses de la bouche, l’œsophage, et même affecter les personnes qui se trouvent à proximité si le produit est dispersé », insiste la Pre Charrueau.

Comment contourner le problème ? Comme pour les comprimés, on suit scrupuleusement la notice et on interroge son pharmacien ou son médecin en cas de doute. « Pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens, il existe parfois des formes en suppositoire, qui évitent l’administration orale », souligne la Pre Christine Charrueau.

Avaler ses comprimés sublinguaux : soulagement retardé

« Ces produits sont formulés pour que le principe actif soit libéré sous la langue et absorbé très rapidement dans la circulation sanguine », note l’experte. Si on les avale, l’absorption digestive sera inférieure et plus tardive que l’absorption sublinguale. C’est le cas par exemple des Nicorette Microtab 2 mg, utilisées quand on souhaite arrêter de fumer.

Comment contourner le problème ? On prend le temps de laisser fondre le comprimé sous la langue. Et si le goût ou la consistance sont déplaisants, on demande à son médecin s’il existe sous une autre forme.

Laisser reposer une suspension buvable : dosage perturbé

Certains traitements se présentent en suspensions prêtes à l’emploi ou bien à reconstituer par ajout d’eau et agitation avant utilisation. Au repos, la poudre dispersée dans le liquide se redépose au fond du flacon et le principe actif n’est plus réparti de façon homogène, exposant au risque de sous-dosage ou de surdosage lors de l’administration.

Comment contourner le problème ? On agite le flacon avant chaque prise, pour bien réhomogénéiser le médicament.

Découper un patch : risque de fuites

Pour réduire la dose, certains choisissent de le scinder en deux. « Il existe deux grandes structures galéniques de patch : la forme réservoir et le système matriciel, observe la Pre Charrueau. Si on coupe la première, on va rompre le réservoir et donc s’exposer à une perte de principe actif, c’est à proscrire. » Hors de question, ainsi, de déchirer Scopoderm TTS 1 mg/72 heures, un patch réservoir contre le mal des transports.

Comment contourner le problème ? On suit la notice et si on le trouve trop dosé, on en parle à son médecin. Les Nicopatch, pour le sevrage tabagique, sont un système matriciel et peuvent, eux, être coupés… mais comme ils existent en une large gamme de dosage, pas la peine de bricoler !

Merci à la Pre Christine Charrueau, enseignante-chercheur à la faculté de Pharmacie de Paris

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