- La minisérie événement Oussekine est disponible ce mercredi sur Disney+.
- Cette fiction revient pour la première fois sur la mort en 1986 de l’étudiant de 22 ans, Malik Oussekine sous les coups des policiers.
- Une œuvre aussi digne que bouleversante sur le combat d’une famille pour que justice soit faite.
Bien avant George Floyd ou Adama Traoré, un autre symbole des violences policières. Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, Malik Oussekine, étudiant français d’origine algérienne de 22 ans, meurt après avoir été tabassé par des policiers. Avant Nos frangins de Rachid Bouchareb en sélection à Cannes, Oussekine, minisérie en quatre épisodes disponible ce mercredi sur Disney+, revient pour la première fois sur cette tragédie et le combat de la famille du défunt pour que justice soit faite.
Le récit intime, aussi digne que bouleversant, d’une « page sombre de l’histoire française, jamais traitée », selon Antoine Chevrollier, créateur de cette puissante fiction projetée en clôture du festival Séries Mania.
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Paris, 5 décembre 1986, Malik Oussekine, étudiant sans histoire à l’École supérieure des professions immobilières (ESPI), sort d’un concert de jazz. Après plusieurs semaines de contestation contre le projet de réforme universitaire d’Alain Devaquet, les affrontements font rage entre manifestants et forces de l’ordre.
« L’Etat assassine, un exemple Malik Oussekine »
Le peloton de policiers voltigeurs à moto a pour mission de débusquer les casseurs. Malik Oussekine, qui se tient pourtant à l’écart du mouvement, est pris en filature par ces motards. Il est roué de coups dans le hall d’un immeuble de la rue Monsieur-le-Prince à Paris où il pensait trouver refuge. Il décède, quelques heures plus tard à l’hôpital Cochin, d’un arrêt cardiaque causé par ses blessures.
Une tragique histoire de délit de faciès à laquelle Antoine Chevrollier pense depuis qu’il a entendu, ado, « le nom et le prénom de Malik Oussekine pour la première fois » sur un titre de l’album du groupe de rap Assassin, sorti le 2 juin 1995. « Le refrain disait « L’Etat assassine, un exemple Malik Oussekine”. J’entends cela et le nom résonne fortement », raconte celui à qui l’on doit la réalisation de nombreux épisodes du Bureau des Légendes et de Baron noir.
« On ne voulait pas raconter l’histoire d’un Arabe, mais celle de Malik »
Antoine Chevrollier et ses coauteurs Faïza Guène, (autrice de Kiffe Kiffe Demain), Julien Lilti (Hippocrate) et Cédric Ido (La Vie de château) adoptent le point de vue de la famille de Malik Oussekine : sa mère Aïcha (Hiam Abbass), ses frères Ben Amar (Malek Lamraoui) et Mohamed (Tewfik Jallab) – père de substitution de la fratrie depuis la mort de leur père Miloud (Slimane Dazi) – et ses sœurs Fatna (Naidra Ayadi) et Sarah (Mouna Soualem).
« Il était évident que c’était avant tout l’histoire d’une famille. On a très vite parlé d’avoir le point de vue intime, celui de sa famille. Après tout, le deuil, c’est universel », souligne Faïza Guène. « On a su très vite qu’on voulait sortir du symbole de la bavure policière et rentrer dans quelque chose d’intime pour toucher et pour que le projet puisse prendre toute son universalité. Il fallait passer par quelque chose de palpable, d’émotionnel », renchérit Julien Lilti.
« Sarah, Ben Amar et Mohamed sont encore vivants. On les a rencontrés. Il a fallu nouer un rapport de confiance. Au cours de longs entretiens, ils nous ont donné beaucoup de clés pour aller justement à cet endroit de l’empathie et de la compréhension, et de ressentir plus fortement cette peine », poursuit Antoine Chevrollier.
« Ce que je crois intéressant dans notre démarche, c’est que Malik a été tué parce qu’il était arabe, qu’il a été instrumentalisé de manière positive parce qu’il était arabe. On ne voulait pas raconter l’histoire d’un Arabe, mais celle de Malik », explique Julien Lilti.
« Malik ne pouvait pas être le symbole de toute génération d’immigrés »
La série revient aussi sur la vague d’émotion qui a suivi le meurtre et sur les marches qui ont réuni des milliers de personnes en France où l’on scandait « Plus jamais ça ». Plus jamais de violences policières, plus jamais de racisme.
« Mais Malik ne pouvait pas être le symbole de toute génération d’immigrés, parce qu’il n’était que Malik, qu’un individu. Une manière peut-être de dire, arrêtons de ramener les gens à leur première identité visible, à ce qu’ils ont l’air d’être, essayons de nous rappeler que nous sommes une somme d’individualités et que c’est comme cela qu’on peut faire une communauté », analyse le scénariste.
« Une mécanique d’Etat quand il y a une violence policière »
Oussekine n’occulte ainsi pas pour autant la dimension politique du drame, ni les tentatives d’étouffer l’affaire, notamment celles du ministre délégué chargé de la Sécurité, Robert Pandraud (Olivier Gourmet)
« On décrit toute une mécanique d’Etat quand il y a une violence policière. On retrouve exactement la même mécanique dans l’affaire Adama Traoré que dans l’affaire des gilets jaunes. On va systématiquement criminaliser la victime, intimider la famille pour aboutir à un déni de justice, soi-disant pour protéger l’Etat, la société. Au final, on crée des fractures irrémédiables », déplore Julien Lilti.
« Les derniers battements de cœur de Malik Oussekine »
« On s’est toujours dit qu’on ne pouvait pas penser cette histoire en dehors d’une question éthique », relate Faïza Guène. Les scénarios s’appuient sur des entretiens avec l’avocat Georges Kiejman (Kad Merad), de Jacques Attali, de Patrick Ecollan, le médecin réanimateur du Samu ou encore de Paul Bayzelon (Louis Barthélémy), seul témoin oculaire de ce qui s’est passé dans ce hall la nuit du 5 au 6 décembre. « On a rencontré la plupart des protagonistes encore vivants que l’on découvre dans la fiction », se félicite Antoine Chevrollier.
« Avec Georges Kiejman, cela a été assez simple, il avait envie raconter l’histoire. Paul Bayzelon n’avait plus parlé de l’affaire depuis 1990, c’est-à-dire le procès. On sentait que trente ans avaient passé, c’était assez fort », détaille Antoine Chevrollier. Et d’ajouter, ému, que Patrick Ecollan, le médecin réanimateur du Samu « a gardé les derniers battements de cœur de Malik Oussekine, son électrocardiogramme ».
Pour certains protagonistes plus éloignés, l’affaire a été « un marqueur d’engagement politique, rappelle Faïza Guène, citant David Dufresne, Yannick Jadot ou encore Mogniss H. Abdallah. Pour eux, c’était plutôt libérateur d’en parler. »
« Le but est de panser les plaies. En se racontant, en regardant notre histoire en face, on guérit un tout petit peu. En montrant ce qui s’est passé, cette violence étatique, non punie, cette injustice judiciaire, j’espère qu’on apaisera certaines rancœurs », conclut Antoine Chevrollier.
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