Machine à fantasmes, la mode est aussi une industrie qui vaut des milliards d’euros. Et qui interroge les autrices de ces quatre ouvrages géniaux, à lire et à relire pour mieux comprendre ce secteur.
- La mode est politique
- Le goût du moche
- Au cœur des maisons de couture
- Le livre noir de la mode
La mode, un sujet superficiel ? Ce n'est certainement pas ce que pensent les quatre autrices de ces ouvrages passionnant. Histoire, éco-responsabilité, sociologie, politique… Ils abordent tous des thèmes essentiels pour mieux comprendre l'une des principales industries françaises.
La mode est politique – Un bref lexique inclusif de Mélody Thomas
"La mode est politique" de Mélody Thomas
Cheffe de rubrique mode pour le site du magazine Marie-Claire, Mélody Thomas a toujours pris soin de traiter le sujet dans sa globalité : une discipline à la croisée de l'art, de la sociologie, de la politique et de l'économie. C'est avec cette même rigueur qu'elle a rédigé son premier ouvrage, La mode est politique. Un bref lexique inclusif. Cet abécédaire en 27 mots s'attarde sur les questions qui traversent l'industrie : le mouvement bodypositive, l'âgisme, les identités de genre… Bref, il permet d'envisager en quelques pages les problématiques du moment. Brillant.
- Le plus : les illustrations colorées d'Eloïse Heinzer, que l'on encadrerait volontiers chez soi.
- Notre passage préféré : "Nos goûts ont une logique sociale qui se superpose à la lutte des classes. Appliquée à la mode, l'affaire a longtemps été simple : une tendance émerge des classes supérieures et, quand elle atteint les classes populaires, on en trouve de nouvelles car les classes aisées chercheront toujours à se démarquer de celles qu'elles jugent inférieures."
- Nombre de pages : 287
- Maison d'édition : Les Insolentes (Hachette Livre)
- Date de parution : 2022
Le goût du moche d’Alice Pfeiffer
"Le goût du moche" d'Alice Pfeiffer
Vogue, The Guardian, Antidote, Les Inrocks… Depuis plus de dix ans, Alice Pfeiffer analyse les tendances qui font et qui défont la mode pour les publications les plus prestigieuses. Et s'interroge sur la notion de bon goût qui prévaut dans le secteur. Après un premier essai remarqué sur la Parisienne, intitulé Je ne suis pas parisienne, elle s'attaque dans son second ouvrage, Le goût du moche, à ce que la mode érige ou non en tendance "acceptable" et/ou élitiste. Une réflexion entre sociologie et philosophie sur ce qui a le droit de recevoir l'appellation "beau" et ce qui est étiqueté "moche" au gré des époques.
- Le plus : l'écriture à la première personne du singulier, habituelle dans les ouvrages anglo-saxons, moins commune en langue française.
- Notre passage préféré : "Dans la mode, le vulgaire est souvent une question d'excès et de codes jugés inadaptés, hors du féminin formaté pour et par l'œil traditionaliste : le couturier Charles Frederick Worth imagine des crinolines larges, marquant les hanches et la chute des reins. Les couleurs d'Elsa Schiaparelli sont éclatantes, les épaulettes de Mugler sont imposantes, et suggèrent dans les deux cas une femme prenant plus d'espace qu'autorisé"
- Nombre de pages : 184
- Maison d'édition : Flammarion
- Date de parution : 2021
"Au cœur des maisons de couture" de Sophie Kurkdjian et Sandrine Tinturier
Sophie Kurkdjian et Sandrine Tinturier sont deux spécialistes de l'histoire du vêtement. Ensemble, elles ont écrit cet ouvrage, Au cœur des maisons de couture. Une histoire sociale des ouvrières de la mode (1880-1950) qui explore les coulisses de la mode et s'attarde sur les "petites mains" de la Belle Epoque aux Trente Glorieuses en France. Les midinettes, comme elles sont alors appelées, sont aussi des femmes qui s'engagent, pendant les guerres comme lors des combats sociaux. Midinettes et femmes de tête.
- Le plus : les nombreuses photos d'époque qui illustrent l'ouvrage, permettant de mettre des visages sur les fameuses midinettes.
- Notre passage préféré : "Au cœur de son métier et de la ville, la midinette fait l'expérience de l'ambiguïté de sa position sociale à la fois subalterne et élevée. Partageant sa journée entre le luxe exagéré de la maison qui l'emploie et la misère dans laquelle la maintiennent son faible salaire et son extraction modeste, l'ouvrière de la mode parisienne peut être rapprochée de la domestique."
- Nombre de pages : 210
- Maison d'édition : Les Editions de l'atelier
- Date de parution : 2021
Le livre noir de la mode – création, production, manipulation d’Audrey Millet
"Le livre noir de la mode" d'Audrey Millet
Le parcours d'Audrey Millet est atypique. Cette ancienne styliste est aussi docteure en histoire et chercheuse associée au CNRS. Dans son ouvrage Le livre noir de la mode. Création, production, manipulation, elle s'attaque à ce que la mode compte de moins reluisant : l'exploitation des travailleurs textiles, les conséquences de l'industrie sur l'environnement, la société de consommation, les dérives du recyclage textile, le greenwashing… Bref, ce livre regarde l'un des secteurs les plus polluants du monde droit dans les yeux et en dresse un portrait sans concession.
- Le plus : la bibliographie particulièrement fournie pour aller encore plus loin dans la réflexion sur ces sujets.
- Notre passage préféré : "Sans main-d'œuvre à moindre coût, pas de tee-shirt tendance à 5 euros… Les femmes sont d'autant plus affectées qu'elles reçoivent des salaires journaliers inférieurs en moyenne de 25% à ceux des hommes. En plus de leur travail, elles portent de très lourdes responsabilités, comme celle de prendre soin d'un membre de la maison qui serait malade. D'une manière générale, elles puisent l'eau, nettoient la maison et s'occupent des enfants en parallèle de leur emploi à l'usine ou aux champs".
- Nombre de pages : 264
- Maison d'édition : Editions Les Pérégrines
- Date de parution : 2021
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