Elle militait pour l' »IVV », formule qu’elle répétait à chacune de ses interventions dans les médias. L’IVV ? L' »interruption volontaire de viellesse », le droit de choisir sa fin de vie. Jacqueline Jencquel s’est donné la mort fin mars 2022, à l’âge de 78 ans. L’information a été confirmée par son fils auprès de la journaliste Nathalie Rouiller, qui avait tiré son portrait dans Libération.

Le 29 mars dernier, le quotidien Le Temps a publié à titre posthume le dernier billet de celle qui tenait un blog sur la fin de vie choisie sur leur site. 

Une date de mort choisie puis repoussée

Fin août 2018, le journaliste Hugo Clément, alors intervieweur chez Konbini News, s’entretient face caméra avec Jacqueline Jencquel, inconnue du public. La vidéo devient rapidement virale, tourne en boucle sur les réseaux sociaux.

Ses mots crus et son autodérision sur un sujet aussi lourd que la mort, mêlés à sa certitude de vouloir s’éteindre à une date précise et choisie – en janvier 2020 – déroutent à l’époque de nombreux internautes.

Finalement, cette ancienne professeure d’anglais et français, devenue une figure médiatique du combat pour une législation sur le suicide assisté en France, n’a pas mis fin à ses jours début 2020, comme elle l’annonçait à chacune de ses interviews.

Certains détracteurs de l’euthanasie y voit là la preuve qu’il ne s’agit que d’une opération de communication de la part de celle qui a longtemps milité au sein de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), aux côtés de Jean-Luc Romero.

J’aurais pu le faire il y a deux ans, comme prévu. Mais la naissance de mon petit-fils le jour de mon anniversaire a été comme un moment volé au destin.

« J’aurais pu le faire il y a deux ans, comme prévu. Mais la naissance de mon petit-fils le jour de mon anniversaire a été comme un moment volé au destin », écrit-elle dans sa lettre d’adieu publiée sur son blog, comme une ultime réponse à ceux qui commentaient ses choix – celui d’en finir, puis celui de retarder le moment.

Si certains internautes se disaient choqués par son propos, c’est aussi parce que l’autrice de l’essai sur le sujet Terminer en beauté (éditions Favre) affirmait souffrir d’aucune maladie dégénérative, qui la condamnait. Cependant, son dossier médial lui aurait permis de s’éteindre en Suisse, où elle prévoyait de se rendre pour accéder à un suicidé assisté légal.

Une lettre d’adieu publiée en ligne

Mais dans cette dernière chronique de son blog, Jacqueline Jencquel confie qu’elle s’apprête à mourir seule chez elle, à Paris, et non en Suisse. « Je n’ai pas eu envie de m’exiler pour mourir, et j’ai la chance de pouvoir choisir car j’ai le bon produit. Pourquoi? J’y ai pensé en amont, c’est tout », explique-t-elle.

Tellement absurde de criminaliser les médecins qui accompagnent leurs patients jusqu’au bout lorsque les patients le leur demandent.

Jusqu’au bout, la septuagénaire déplorera que le suicide assisté ne soit pas légal dans l’Hexagone. »Tellement absurde d‘interdire un passage doux de la vie à la mort. Tellement absurde de criminaliser les médecins qui accompagnent leurs patients jusqu’au bout lorsque les patients le leur demandent », s’indigne-t-elle une dernière fois, profondément peinée par la situation actuelle.

« Devoir se cacher pour mourir, voilà ce à quoi nous sommes réduits si nous refusons de vieillir au-delà du seuil qui nous paraît acceptable. Et si nous sommes malades, il faut s‘exiler si nous ne voulons pas finir dans une chambre d‘hôpital, perfusés et ventilés. Infantilisés dans le meilleur des cas et maltraités dans le pire », poursuit celle qui craignait de devenir dépendante. 

Actuellement en France, la loi Claeys-Léonetti encadre la fin de vie des patients gravement malades. Ce texte modifié en 2016 autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme.

Son dernier souhait ? « J’espère que la loi va changer et que d’autres, après moi, auront la possibilité de partir, entourés de leurs proches, lorsqu’ils l’auront décidé et qu’ils auront atteint l’hiver de leur vie. »

Ce jeudi 31 mars, lors d’un déplacement en Charente-Maritime, le président-candidat Emmanuel Macron s’est dit « favorable à ce que l’on évolue vers le modèle belge », cite Europe 1

En Belgique, où l’euthanasie est dépénalisée, ce sont les médecins qui ont la responsabilité de déclencher la mort d’une personne, à la différence du suicide assisté où cette dernière peut le faire elle-même.

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