- Un deepfake de Volodymyr Zelensky a été diffusé sur le site de la chaîne d’information Ukraine 24 qui a été piraté.
- Dans cette vidéo, le président ukrainien exhortait sa population à rendre les armes.
- C’est le premier deepfake diffusé en temps de conflit et il n’augure rien de bon pour la suite.
C’est une première en temps de guerre. Un deepfake du président ukrainien Volodymyr Zelensky où il exhorte sa population à « rendre les armes » s’est retrouvé la semaine dernière sur le site de la chaîne d’information Ukraine 24 qui a été piraté, sur Facebook, Youtube, Telegram et sur le réseau social russe VKontakte. Pour rappel, un deepfake est une vidéo ou un enregistrement audio qui peut faire dire tout et n’importe quoi à n’importe grâce au deep learning. A l’aide de réseaux de neurones, toute l’image est re-générée à partir de matériaux qui n’existaient pas et c’est ainsi que la semaine dernière, le monde a vu naître cette fausse vidéo plutôt réaliste où Volodymyr Zelensky annonce sa reddition à l’invasion russe.
Jusqu’ici, il s’agissait de preuve de concept comme la vidéo de Barack Obama dans laquelle il traitait Donald Trump de « deep shit » ou, plus récemment, celle de Tom Cruise où on le voyait faire un tour de magie. Sans compter l’univers du porno, un certain nombre de deepfakes ont fait irruption dans la sphère politique américaine ces deux dernières années. On pense notamment à la vidéo d’un discours de la présidente de la chambre de représentants Nancy Pelosi accusée d’être ivre par des proches de Donald Trump. Le résultat était toutefois assez grossier. Si le deepfake de Zelensky a rapidement été supprimé, il ne présage rien de bon pour la suite du conflit (et le futur des deepfakes).
Jeter un discrédit sur Zelensky
« On a affaire à une opération et qui dit opération, dit planification, dit équipe en charge de certaines tâches. Cela fait partie de la palette d’action de la Russie », pointe Julien Nocetti, chercheur à Géopolitique de la datasphère (Géode) pour qui « il paraît plausible que le gouvernement russe en soit à l’origine compte tenu des objectifs de guerre contre la personne de Zelensky ». Mais quel intérêt de diffuser une telle vidéo du président ukrainien ? Il s’agit « avant tout de semer le doute et de jeter un discrédit sur Zelensky qui, jusqu’à présent, est très populaire et très respecté en Ukraine et en Occident », poursuit-il. Le montrer incitant la population rendre les armes a pour vocation de casser les liens entre le président et son peuple. « C’est précisément ce que recherche la Russie dans ses objectifs de guerre, casser ce lien qui s’est vraiment renforcé à la faveur du conflit », note Julien Nocetti.
Si le deepfake est loin d’être parfait, la voix n’est pas la même et l’image peut attirer l’attention, il monte toutefois en gamme comparé à celui de Nancy Pelosi. « C’est quand même largement suffisant pour convaincre un auditoire assez large », observe le spécialiste. L’idée n’est pas d’interpeller l’œil aguerri d’une poignée de geeks mais de s’adresser aux masses qui n’auront pas conscience qu’il s’agit d’un fake. Les deepfakes font partie de l’arsenal russe parce que leurs potentialités se sont accrues et ils permettent de diffuser plus massivement des contenus peu ou prou réalistes. Parfait pour manipuler les esprits.
La menace nucléaire
Et ce n’est qu’un avant-goût. Il n’est pas exclu qu’un deepfake de Joe Biden ou d’Emmanuel Macron puisse créer une escalade dans le conflit. « Toute la doctrine et toute la pratique de la politique étrangère russe consiste à se situer à égalité avec les Etats Unis, note Julien Nocetti. Des deepfakes qui suggéreraient des actions de Joe Biden paraissent réalistes ». Imaginons une fausse vidéo dans laquelle le président français ou son homologue américain agiterait la menace nucléaire, les conséquences pourraient être inquiétantes. « Ce serait peut-être aussi un signe de faiblesse de la part de la Russie, nuance-t-il. Cela montre une forme de désespoir du Kremlin sur le théâtre ukrainien ; que la fuite en avant est la seule piste qui permettrait à la Russie de tirer son épingle du jeu. Ce serait une escalade extrêmement dangereuse parce que ce facteur nucléaire est évoqué à tout bout de champs depuis le début du conflit et on ne maîtrise pas les conséquences ».
Au stade de l’expérimentation il y a peu de temps, les deepfakes se transforment peu à peu en armes de communication. On est loin d’avoir vu tout ce que cette technologie nous réserve et ce n’est pas rassurant.
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