Depuis toujours, l’humanité s’efforce de trouver les moyens de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Aujourd’hui, la recherche explore tous azimuts pour faire reculer nos limites. Avec un certain succès…
Restez informée
En un siècle, entre 1920 et 2020, l’espérance de vie a doublé à l’échelle de la planète. En France, elle est aujourd’hui de 79,2 ans pour les hommes et 85,3 ans pour les femmes, bien que la pandémie de Covid-19 l’ait raccourcie de six mois. Divers paramètres expliquent cet allongement, notamment les conditions de travail et d’habitat plus favorables dont nous bénéficions aujourd’hui. Mais ce sont surtout les avancées médicales et l’accès aux soins qui pèsent dans la balance. La recherche ne se repose pas pour autant sur ses lauriers et continue à creuser son sillon. De nombreux laboratoires, publics et privés, s’ingénient à faire reculer les barrières de la longévité naturelle. Avec pour but non pas d’atteindre l’immortalité mais plutôt de nous prémunir contre les pathologies liées au vieillissement, comme le sont la plupart des cancers et des maladies dégénératives.
Copier la résistance de la méduse pour ralentir le vieillissement
Dans ce combat, la recherche mise beaucoup sur la thérapie génique, méthode qui consiste à réparer l’ADN abîmé ou muté en y implantant, souvent via un virus, un fragment sain d’ADN ou en le découpant avec des ciseaux moléculaires. Pour cela, elle s’inspire des créatures qui semblent présenter dans la biosphère un schéma de vieillissement très ralenti, comme le rat-taupe nu. Cet animal a la spécificité d’être porteur d’une protéine appelée HSP25, sorte de vigie du corps qui élimine efficacement les molécules anormales ou endommagées. Conséquence : il vit plus de trente ans, contre trois ou quatre au maximum pour les autres rongeurs.
Sous les microscopes, on s’intéresse beaucoup également aux facultés des invertébrés marins que sont les cnidaires, notamment à l’hydre et aux méduses. « Ce sont des organismes primaires qui sont essentiellement constitués de cellules souches et qui ont une capacité illimitée de se « remettre à zéro », précise Hugo Aguilaniu, généticien spécialiste de la longévité. Il y a un faisceau d’indices qui permettent de penser qu’on pourrait transposer ces modèles animaux à l’être humain. »
Gagner des années en mettant nos gènes au régime
Entre autres conclusions, les expériences menées dans ce domaine ont permis de réaliser que le fait de réduire leur apport énergétique permettait à des animaux comme la mouche drosophile, le lémurien ou les souris de vivre plus longtemps. « Il faudrait donc pouvoir mimer cette restriction calorique sur nos gènes pour obtenir cet effet positif, explique Hugo Aguilaniu. Par exemple en modulant la sensation de satiété, pour l’installer plus tôt ou changer la façon dont le corps perçoit les aliments. Il y a une grande piste métabolique à explorer sur la reconnaissance des nutriments. » Une thérapeutique qui pourra peut-être se concrétiser à travers une modification génétique de ce que l’on nomme la voie de l’insuline, hormone qui « pilote » l’appétit. Chez un petit ver rond nommé Caenorhabditis elegans mesurant à peine un millimètre, on a ainsi noté que le fait de réguler négativement la voie de l’insuline augmentait l’espérance de vie de… 100 %. « Ce qui nous encourage dans cette idée, c’est qu’on constate que chez les centenaires et les super centenaires, cette voie est justement moins active« , ajoute notre expert.
Miser sur la transfusion sanguine qui relance le cerveau
Le traitement du futur pourrait-il se trouver dans nos veines ? Des études accomplies sur des souris âgées de 18 mois (l’équivalent de 70 ans pour les humains) à Stanford et Harvard ont en tout cas montré que la transfusion répétée de plasma jeune avait des incidences remarquables sur leur cerveau : amélioration de leurs aptitudes cognitives, notamment la mémoire spatiale, de leur sens de l’odorat et augmentation de la force et de l’endurance à leurs muscles. « On sait donc qu’il y a quelque chose dans le sang qui a un impact sur le vieillissement mais on n’est pas encore capable de déterminer ce que c’est, tempère Hugo Aguilaniu. C’est probablement une combinaison de plusieurs facteurs. Il faudra attendre pour se prononcer car ce domaine est beaucoup trop empreint de fantasme. »
Des molécules capables de neutraliser notre obsolescence programmée
Dans notre corps se produit un phénomène aussi silencieux qu’essentiel : la division cellulaire. Nos cellules se multiplient et se fractionnent pour en former de nouvelles et se substituer à celles qui sont mortes, afin d’entretenir nos organes. Mais cette belle mécanique n’opère malheureusement pas indéfiniment. À chaque fois qu’une cellule duplique son ADN avant de se scinder, elle perd un petit bout de son télomère, opercule que l’on trouve à l’extrémité des chromosomes. À terme, au bout d’environ soixante divisions, elle finit par ne plus pouvoir se segmenter et devient alors « sénescente ». Si ces cellules déliquescentes s’accumulent, elles contribuent à altérer les fonctions organiques par l’inflammation qu’elles provoquent et la contagion qu’elles installent avec les cellules saines ; ce qui favorise, entre autres, l’apparition des tumeurs.
Pour bloquer ce vieillissement, les chercheurs ont tablé sur une injection associant deux substances sénolytiques : le dasatinib (qui est un anticancéreux à la base) et la quercétine (flavonoïde disponible en complément alimentaire). Une combinaison qui s’est avérée capable d’éliminer de manière sélective ces cellules obsolètes. Au sein de la très réputée Mayo Clinic, dans le Minnesota, on a pu illustrer leur efficacité sur les souris puis sur un petit échantillon humain, en 2019. On sait depuis peu que ces sénolytiques annulent également le risque lié à l’âge quand on contracte le Covid-19. Des essais à grande échelle sont en cours actuellement. « C’est une piste qui est beaucoup plus avancée que les facteurs sanguins« , précise Hugo Aguilaniu.
Doper la résistance de nos cellules à l’oxygène
Dans le domaine pharmacologique, il n’est pas rare qu’une substance se voit découvrir de nouvelles propriétés, différentes de celles qui lui avaient été initialement associées. C’est le cas pour la metformime, antidiabétique commercialisé depuis les années 1950. Si de nombreuses démarches scientifiques lui sont consacrées, un gigantesque protocole baptisé TAME a démontré qu’elle engendre, lorsqu’elle est administrée à petite dose, une augmentation de la libération d’oxygène dans les cellules, ce qui les rend plus résistantes. Chez les personnes ayant participé à l’essai, on a constaté une baisse du taux de cancer ainsi que des maladies cardiaques et d’Alzheimer.
Tous les signaux sont également au vert pour la rapamycine, qui est aujourd’hui utilisée dans la prévention du rejet des greffes. Elle inhibe dans le corps la voie mTOR : cette enzyme est impliquée dans les diverses transformations des cellules humaines, notamment leur croissance et leur obsolescence, et suscite entre autres une déstructuration des synapses qui assurent les connexions nerveuses dans le cerveau. La rapamycine contrebalance son action délétère. Ce bonus a été établi notamment chez les rats et les souris. « La rapamycine est particulièrement intéressante car elle a les effets positifs sur mTOR sans avoir les habituels inconvénients des immunosuppresseurs« , commente Hugo Aiguilanu.
Elle pourrait donc être, à l’instar de la metformine, une pilule qui figurera à l’avenir sur nos ordonnances. À condition évidemment, comme toutes les options thérapeutiques actuellement éprouvées, qu’elle tienne toutes ses promesses et transforme les espoirs en réalité…
Merci à Hugo Aguilaniu, généticien, chercheur en biologie du vieillissement et directeur de l’institut Serrapilheira.
Source: Lire L’Article Complet