- Le 6 février est la date de l’accession au trône de la reine Elisabeth II il y a soixante-dix ans.
- L’occasion de revenir sur un règne hors norme fait d’échecs et de succès.
- Thomas Pernette, auteur d’Elizabeth II, Les chapeaux de la Couronne, réexplore pour 20 Minutes les grandes dates.
Soixante-dix ans de règne. La reine Elisabeth II passe ce dimanche un cap historique que peu de rois ont réalisé jusqu’ici, à part Louis XIV, roi de France (72 ans et 110 jours) et le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej (70 ans et 126 jours de 1946 à 2016). Quatre jours de festivités ont été annoncés dans tout le pays pour célébrer son Jubilé de platine. L’occasion de passer en revue les succès et les échecs de la reine de 95 ans, toujours extrêmement populaire après une vie entièrement dévouée à la Couronne.
Thomas Pernette, auteur d’Elizabeth II, Les chapeaux de la Couronne (EPA, 2021), revient pour 20 Minutes sur ce règne hors norme.
L’Elisabeth-mania des débuts
« A l’hiver 1953-1954, la reine Elisabeth et le prince Philip se lancent dans une tournée de six mois qui les conduit aux Bermudes, en Jamaïque, aux îles Fidji, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Ouganda, à Malte, à Gibraltar. Ça a été une opération de communication incroyable. Un million de personnes sont venues les accueillir dans les rues de Sydney [en
Australie]. En 1953-1954, cette jeune reine de 25 ans qui vient d’être couronnée est presque une star hollywoodienne. Elle part à la rencontre de ses peuples, c’est incroyable. Jamais son père le roi George VI ou son grand-père le roi George V ne sont allés en Australie en tant que rois, jusque-là, seul un prince faisait le déplacement. Il faut rappeler qu’Elisabeth II est reine de 15 pays. Il y a toute une Elizabeth-mania à cette époque dont on a du mal à se souvenir. Cette tournée lance le règne dans le monde entier quelques mois après la formidable opération que fut son couronnement, diffusé en direct à la télévision. Cette première grande tournée royale est historique. »
Les succès des années 1970
« L’investiture de Charles comme prince de Galles a un retentissement incroyable. La cérémonie est grandiose. Il faut rappeler que le climat est tendu avec les indépendantistes gallois. Le matin même, une bombe artisanale destinée à la famille royale a explosé et tué deux d’entre eux. Elisabeth II dépose la couronne sur la tête de son fils, une façon de montrer que l’héritier de la couronne est prêt. C’est important pour un roi de préparer son héritier et le prince Charles se montre à la hauteur.
Son règne est auréolé de plusieurs autres succès. Par exemple, en 1976, elle se rend en Zambie que je décrirais comme une mission à haut risque. Une guerre civile secoue la Rhodésie du sud -future Zimbabwe- et la Zambie à ce moment-là. La reine, qui est aussi cheffe du Commonwealth, doit se rendre au sommet de Lusaka. Des avions sont abattus quelques semaines avant sa venue, certains de ses conseillers lui déconseillent de s’y rendre. En tant que cheffe du Commonwealth, elle n’imagine pas trembler devant le risque. L’ambiance est électrique, les forces de sécurité sont sur les dents. Et c’est un énorme succès. Elle ne se laisse pas intimidée, elle n’est pas calfeutrée dans son palais de Buckingham. »
1990, la décennie de l’impopularité
« Elisabeth II essuie ses plus grands échecs dans les années 1990. 1992 est la pire année pour la reine. Vous avez le divorce de la princesse Anne, sa fille, avec son premier époux, Mark Philips. Vous avez le scandale du prince Andrew et son épouse, Sarah Ferguson. Des photos sortent dans la presse où on la voit se faire lécher les orteils par son conseiller financier. Le scandale est d’autant plus grand que lorsque les gros titres paraissent, Sarah Ferguson est avec la famille royale à Balmoral. La même année, la biographie écrite par Andrew Morton, Diana her true story, paraît. Le monde découvre que le mariage du siècle entre
Diana et le
prince Charles en 1981 n’a rien de féerique, que Diana est malheureuse, qu’elle souffre de troubles alimentaires, qu’elle a essayé de se suicider… C’est aussi l’année de l’incendie du château de Windsor. Et la décennie se termine sur le silence après la mort de Diana. C’est une trace indélébile sur ce long règne. Le matin de l’accident sur le Pont de l’Alma, le monde découvre la mort de lady Diana et les Windsor attendent cinq jours pour rentrer de Balmoral où ils sont en vacances. Le silence est incompréhensible pour les Britanniques. Déjà que les drapeaux n’ont pas été mis en berne. D’un point de vue protocolaire, Diana n’est plus une altesse royale, sauf que les Windsor ne réalisent pas qu’aux yeux des Britanniques et du monde entier, elle est toujours une princesse. La priorité de la reine et du prince Charles, c’est de protéger William et Harry dans l’intimité de Balmoral, mais pour l’opinion publique, c’est désastreux. »
Le come-back des années 2000
« Depuis les années 2000, Elisabeth II a réussi un incroyable come-back. Elle a retrouvé la popularité du début de règne. Elle a réussi avec ses petits enfants et arrière petits enfants là où elle a échoué avec ses enfants. Elle a accueilli Meghan Markle à bras ouverts. Meghan et Harry ne l’ont d’ailleurs jamais critiquée. Elle n’a pas perdu un point de popularité depuis le départ de Meghan et Harry qui sont, eux, au plus bas. La monarchie était consciente que cette jeune femme américaine était un atout incroyable pour la monarchie. Meghan Markle amenait à Elisabeth II des jeunes gens qui ne s’intéressaient pas aux Windsor. Elle amenait la sympathie d’Australiens, de Canadiens, d’Américains. C’est certainement un échec de ne pas avoir réussi à garder des talents comme Meghan et Harry dans le giron de la monarchie.
Elizabeth II jouit d’une grande popularité parce qu’elle est perçue comme un roc dans ce monde mouvant. Quelle femme a connu plus de présidents de la République français, de présidents américains, de papes qu’elle ? Elle est toujours là et c’est incroyablement rassurant. Elisabeth II est la grand-mère qu’on voudrait tous. Et elle incarne une philosophie de vie : malgré les tempêtes, on ferme les écoutilles, on laisse passer. Ne jamais se plaindre, ne jamais s’expliquer c’est aussi une philosophie de vie à l’heure d’Instagram. »
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