Dans Pas ce soir, la romancière Amélie Cordonnier croque la réalité d’un homme marié délaissé par sa femme. Comment affronter la mort du désir et ces jours sans amour ?
Madame Figaro. – Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Amélie Cordonnier. – J’ai eu envie de m’intéresser à tout ce que tue la sexualité quand elle disparaît, à ce que le sociologue Jean-Claude Kaufmann appelle les zones grises de nos intimités. J’ausculte ici l’histoire d’un couple uni depuis plus de vingt ans, à travers le regard d’un homme blessé. Quand s’ouvre le roman, cela fait huit mois, deux semaines et quatre jours qu’il n’a pas touché sa femme. On vit la frustration, le dépit, la détresse de cet abstinent anonyme qui se meurt d’amour et de désirs coupables. On suit durant un an ses attentes et ses tentatives pour se rapprocher de sa femme. Ce qui lui manque le plus, ce ne sont pas leurs ébats, mais leur connivence, leur tendresse.
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Le personnage principal est un homme, mais au fur et à mesure le ressenti de son épouse se dessine en creux…
J’avais l’intuition que l’abstinence conjugale était un grand tabou. Les nombreux hommes, amis ou inconnus, qui se sont confiés à moi pour la première fois me l’ont confirmé. J’ai compris grâce à eux qu’il est facile, voire valorisant, de dire qu’on trompe sa femme, mais inimaginable de révéler qu’on ne la touche plus. Pour ces hommes-là, c’est la double peine. Celle de ne plus faire l’amour et de ne pas pouvoir en parler. Je voulais aborder les souffrances secrètes que peut provoquer la divergence du désir, ce fossé qui se creuse au sein du couple quand une femme a moins envie que son compagnon. J’ai eu envie de raconter, du point de vue de son mari, l’histoire d’une femme de 50 ans qui ne se force plus. Son désir s’est fait la malle comme ses filles qui ont quitté la maison. Alors elle s’installe dans la chambre de la cadette.
L’absence de désir est-elle genrée ?
Non, je ne crois pas. Elle concerne les hommes comme les femmes. Mais Jean-Claude Kaufmann, encore, résume très bien les choses en expliquant que, dans un couple, l’homme a généralement l’impression de ne pas avoir fait l’amour depuis longtemps, quand la femme, elle, trouve qu’elle vient juste de le faire. J’espère que Pas ce soir permettra de parler de l’abstinence conjugale sans peur ni pudeur. Notre société a fait du coït une obligation et sacralise la bandaison. Or, il existe une virilité blessée, loin du mythe de la tumescence. Et les femmes auraient sans doute davantage envie de faire l’amour si la charge mentale n’écrasait pas autant leur désir.
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