Il y a quelques années, nous avons vu arriver sur le marché des tablettes un nouveau produit : les liseuses électroniques. Véritable révolution dans l’accessibilité à la lecture, ces tablettes vous permettent de stocker facilement et de transporter avec vous votre bibliothèque. Tout d’abord dédiées à la lecture des romans ou des essais, les BD, comics et mangas ont rapidement fait leur apparition sur ce nouveau format de lecture.
Ces derniers mois ont été compliqués pour les éditeurs. Entre les décisions gouvernementales de fermer les librairies et rayons libraires des grandes surfaces en raison de la pandémie et les différents confinements, le monde littéraire a quelque peu souffert. Ajoutée à ça la crise du papier qui impacte les prix des livres, et vous avez le contexte parfait pour voir se développer de nouveaux modes de consommation. C’est par exemple le cas du manga qui se démocratise de plus en plus avec la lecture en ligne. On le constate notamment avec l’arrivée à l’international de Manga Plus, la plateforme de lecture en ligne de la Shueisha, ou encore la possibilité pour les fans américains d’avoir accès, via un abonnement, au catalogue du Shonen Jump. Cette évolution pose une question : la lecture en ligne peut-elle devenir le nouveau mode de consommation du manga ? Nous avons rencontré Romain Regnier, fondateur de la plateforme Mangas.io, pour en parler avec lui.
Comment la lecture en ligne a-t-elle vu le jour dans le manga ?
Concernant le manga, il est très important de contextualiser et un point historique s’impose. En France, le manga a réellement commencé à se démocratiser dans les années 90/2000 et les lecteurs ont rapidement fait face à une grosse frustration : celle de savoir qu’au Japon, les lecteurs étaient fortement avancés dans l’histoire de leur licence préférée par rapport à eux. Car oui, contrairement à la France, les mangas sont, au Japon, prépubliés de façon hebdomadaire ou mensuel dans des magazines dédiés comme le Shonen Jump ou le Weekly Shonen Magazine, par exemple. Il est donc très difficile pour les fans français de suivre aussi bien les aventures de leurs héros préférés. Face à cette frustration, certains ont décidé de prendre les devants et d’essayer de pallier au manque : c’est là qu’ont commencé à apparaître les scans. Les sites proposant des scans-trads ont ainsi commencé à se populariser, certains proposant la disponibilité des scans le jour de leur sortie officielle au Japon.
Les fans français pouvaient enfin suivre, au même rythme ou presque, les chapitres de leurs mangas préférés, tout comme leurs homologues japonais. Le problème majeur face à cette pratique, c’est qu’elle est illégale. En proposant du contenu gratuitement alors que celui-ci est, à l’origine, payant, il s’agit en fait de vol. Et cette méthode s’est, en plus, rapidement propagée aux animés. Le problème est d’une telle ampleur qu’en début d’année, l’IAPO, l’International Anti-Piracy Organization, a été créée. L’organisation a pour objectif de lutter contre le piratage d’animes et de mangas. Mais en parallèle de la création de l’IAPO, d’autres initiatives ont vu le jour. C’est notamment le cas de Mangas.io, plateforme française de lecture en ligne via abonnement.
La lecture en ligne n’a pas vocation à remplacer les livres au format papier
Alors que certains formats BD comme le Webtoon sont habitués à la lecture en ligne, le manga est initialement lu au format papier. Néanmoins, l’achat de mangas connaît de nombreux inconvénients comme le prix ou encore l’encombrement. Certains membres de la communauté otaku peuvent donc rencontrer une grande frustration et continuer de lire en ligne les scan-trads illégaux. De plus, contrairement au Japon où les magazines de prépublication permettent aux fans de découvrir de nouvelles licences, les fans français ont plus de difficulté. Les recommandations se font principalement sur la base du bouche-à-oreille, sur les réseaux sociaux ou simplement en demandant conseil à son libraire préféré (encore faut-il qu’il s’y connaisse).
La lecture en ligne s’avère ainsi être un excellent entre-deux, mais une question demeure : peut-elle remplacer le manga papier ? Pour Romain Regnier, la réponse est évidente : non, la lecture numérique ne remplacera jamais le manga papier. Et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le manga a un côté collection que la lecture en ligne ne peut pas avoir. En effet, il n’est pas rare qu’à certaines occasions, les éditeurs français publient des éditions collector qui peuvent facilement prendre de la valeur. On pense par exemple aux tomes 98/99/100 de One Piece ou les tomes 30/31 de My Hero Academia. De plus, de nombreux lecteurs disent aimer l’odeur du papier, la sensation du toucher, etc. Ce que la lecture en ligne ne peut définitivement pas reproduire.
Néanmoins, la lecture numérique a également de multiples avantages pour elle. Elle peut notamment nous permettre de stocker efficacement un grand nombre de mangas, tout en ayant la possibilité de les transporter n’importe où simplement. Et, lorsque l’application ou le site est bien construit, elle permet aussi au lecteur de découvrir d’autres œuvres similaires auxquelles il n’aurait peut-être pas pensé. De plus, d’après un sondage Ipsos daté de 2021, 23% des lecteurs français ont lu des livres numériques et le smartphone serait le format privilégié. La lecture en ligne est donc un marché important pour l’industrie du livre.
Pour Romain Regnier, la lecture numérique permet justement à ceux, qui veulent lire du manga sans investir un budget important, d’avoir facilement accès à leurs œuvres favorites en toute légalité. Il prend l’exemple de Netflix : le fait d’avoir un accès à un grand nombre d’œuvres en simultané a permis de fortement diminuer le piratage des films en streaming. Le scan-trad représentant un énorme problème dans le monde du manga, la création et le développement de plateformes comme Mangas.io représenterait un nouveau levier d’action contre le piratage de mangas. De plus, la lecture numérique permettrait également d’offrir une nouvelle vie à d’anciennes œuvres, dont la publication a été stoppée, et ainsi de les faire connaître à un nouveau public. Toujours selon Romain, la lecture numérique est vouée à coexister avec le manga papier en ayant une réelle complémentarité. Mais vous, seriez-vous prêt(e)s à passer à la lecture en ligne de mangas ?
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