Si on ne sait pas exactement ce qu’est le bonheur, on croit savoir ce qu’il n’est pas : du stress, de la souffrance ou encore de la peur. Un professeur de l’université de Yale souligne pourtant que ces douleurs intimes sont indispensables pour se sentir heureux.

Qu’est-ce que le bonheur ? Comment faire pour être heureux ? La question vous revient parfois depuis vos derniers cours de philosophie au lycée, sans jamais que ne se dessine un mode d’emploi officiel. On a cependant tous une petite idée de ce qu’il faudrait pour atteindre la plénitude absolue. Moins de contrainte, de souffrance, de stress, plus de joie et de plaisirs en tout genre. Et c’est peut-être ici que l’on fait fausse route. Dans un article publié le 23 janvier sur le site du quotidien britannique The Guardian, Paul Bloom, professeur de psychologie et de sciences cognitives à l’université de Yale aux États-Unis, démantèle l’héritage hédoniste selon lequel pour être heureux, l’être humain se doit de rechercher les plaisirs à tout prix en esquivant les souffrances.

En vidéo, connaissez-vous le pays où l’on est le plus heureux ?

Une vie qui a du sens

Selon le professeur, ce sont pourtant bien les souffrances qui participent à notre bonheur. Pour appuyer ses propos, Paul Bloom pointe du doigt notre représentation utopique et béate de l’existence heureuse. En réalité, constate-t-il, «nous ne recherchons pas seulement du plaisir, mais nous voulons surtout vivre une vie qui a un sens».

Pour ce faire, on se fixe des objectifs, on s’aventure hors de sa zone de confort, on mène à bien des projets. Et tout ceci a un coût, nécessite des efforts, implique parfois de se battre contre les difficultés du quotidien. «Se construire une vie significative implique d’expérimenter la souffrance, l’anxiété et la lutte», précise le professeur.

Si nous subissons certaines souffrances, comme celles liées au deuil par exemple, nous choisissons d’en vivre d’autres, sciemment, convaincus qu’elles ajouteront de la valeur à notre vie. Paul Bloom précise son propos en donnant l’exemple de la parentalité. «Si nous savons pertinemment de quoi il en retourne, à quel point cela va être difficile, nous choisissons malgré tout de concevoir. Et nous regrettons rarement nos choix», avance-t-il.

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Ce lien étroit entre bonheur et souffrance a été étudié par le professeur dans son ouvrage The Sweet Spot (1). Il y cite plusieurs études scientifiques. «Généralement, les personnes affirmant avoir trouver un sens à leur vie témoignent également d’un niveau d’inquiétude plus élevé que les autres», résume Paul Bloom. Et de constater que «les professions les plus valorisantes sont celles qui nécessitent de s’exposer à la douleur d’autrui. Et lorsqu’on nous demande de décrire les expériences qui ont marqué nos vies, nous avons tendance à penser à celles qui ont été intenses, très agréables – mais aussi très douloureuses», illustre le professeur.

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Le professeur cite également la théorie du philosophe britannique Alan Watts. Selon ce dernier, une vie où tout serait simple et facile, dans laquelle on aurait le pouvoir d’exaucer tous ses souhaits, de décider du déroulement de chaque événement, tournerait très vite à l’ennui. «Nous voudrions lui ajouter du risque, des incertitudes, du manque et quelques obstacles, parfois même insurmontables, si bien que nous finirions par rêver de vivre cette vie que nous avons aujourd’hui.»

(1) Paul Bloom est l’auteur de The Sweet Spot : Suffering, Pleasure, and the Key to a Good Life (Le Point sensible ; souffrance, plaisir et la clé d’une bonne vie, en français), Éd. Bodley Head, 304 pages, 24,71 euros.

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